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Fusion Renault-Volvo : le divorce avant même le mariage

               Après de multiples tractations et une annonce de fusion entre les constructeurs Renault et Volvo au cours de l’année 1992, ce mariage annoncé vole en éclat le 2 décembre 1993. Pourtant, sur  le papier, cette union avait tout d’idyllique. Retour sur  cet échec…

               Pour comprendre cette fusion entre Renault et Volvo, remontons au début des années 1980. Chez Renault, cette décennie commence du meilleur qu’il soit, la Régie envisage de devenir le premier constructeur mondial et se lance aux Etats-Unis avec son allié AMC (lire aussi : Renault aux Etats-Unis). Hélas, les dettes trop nombreuses, alors estimées à 12,5 milliards de Francs, font vaciller Renault : plan de licenciements, revente de la filiale américaine en 1987, revue à la baisse de certains projets comme celui de l’Alpine A610… L’assassinat du PDG Georges Besse le 17 novembre 1986 rajoute un coup dans le marasme de la Régie. Malgré ces efforts nombreux, la Régie Renault reste endettée et Louis Schweitzer, devenu PDG en 1992, mise sur la privatisation de Renault pour assurer la survie du losange.

               De son côté, Volvo est un groupe présent dans l’automobile et les poids-lourds, mais sa taille est trop petite pour créer une dynamique d’économies nécessaire pour dégager des marges. Trouver un allié serait un plus pour la firme suédoise afin d’assurer la pérennité de l’activité automobile. Volvo peut jouer de ses nombreux atouts : la marque est reconnue dans les voitures haut de gamme, tandis que son activité poids-lourd est porteuse.

               Volvo et Renault, c’est donc deux entreprises à l’activité complémentaire : Renault plutôt axé sur les voitures populaires jouira de l’image haut-de-gamme de Volvo, le suédois profitera du losange pour passer à une nouvelle échelle. En outre, ce mariage est intéressant sur le plan géographique : quand Renault est présent eu Europe du sud et en Amérique latine, Volvo occupe une place de choix en Europe nordique et sur le continent nord-américain. Aussi, les divisions poids-lourds de chaque constructeur feraient naître le numéro un mondial du poids-lourds. D’autant que les deux entreprises se connaissent pour travailler ensemble depuis les années 1970, Renault fournissant des ensemble moteur-boîte à Volvo notamment pour la  480 (lire aussi : Volvo 480), et pour avoir créé, avec Magirus-Deutz et Man, une cabine de poids-lourd commune (lire aussi : la cabine « club des quatre »).

               Les tractations entre Renault et Volvo débutent à la toute fin des années 1980, elles débouchent sur un protocole d’alliance conclu en février 1990 à Amsterdam : les deux acteurs prévoient de s’échanger 25% de leurs actions dans les branches automobile, et 45% dans l’activité poids-lourd[1]. Plusieurs mois sont nécessaires pour aboutir à des accords portant sur l’organisation du pouvoir et du capital de la nouvelle entité, une Holding, de laquelle dépendront Renault et Volvo. L’organisation industrielle est revue avec, à la clé, entre 30 et 40 milliards de Francs d’économies annuelles. Le 6 septembre 1993, Volvo et Renault annoncent leur mariage, les acteurs de l’économie et la presse saluent l’émergence d’un grand acteur de l’automobile européenne dont la naissance est attendue pour le 1er janvier 1994[2].

Alliance 1993 (1)

               Hélas, le 2 décembre 1993, Volvo annonce son retrait du projet de fusion, moins de trois mois après son annonce. La veille, le conseil d’administration du constructeur suédois s’était réuni et a majoritairement voté contre la fusion avec Renault, entrainant la démission du président du groupe Volvo, M. Gullenhammar. Petits et gros actionnaires de Volvo ne voyaient pas d’un bon œil ce mariage qui, selon eux, cachait un achat de Volvo par Renault avec le risque, à terme, de voir la marque suédoise disparaître. Autre crainte, celle de voir Volvo adossé à Renault et perdre toute autonomie, la culture d’entreprise était différente entre les deux acteurs : quand la hiérarchie était très forte chez Renault, Volvo préférait laisser de l’autonomie à ses cadres.

Alliance

               Mais ce n’est pas  tout, la fusion Volvo-Renault était conditionnée à la nationalisation de Renault, l’Etat français traina des pieds pour libérer le capital de son fleuron automobile de peur de la voir une entreprise étrangère en prendre le contrôle. Si nationalisation il y avait eu, l’Etat français souhaitait conserver une place de choix dans le capital de Renault. Cette position de l’Etat français, incomprise par les suédois, fait craindre une prise de contrôle des français de la nouvelle entité à naître, malgré une égalité couchée sur l’accord de fusion.

               Renault prend acte de la décision des actionnaires de Volvo dès le lendemain et annonce la poursuite des collaborations en cours entre les deux constructeurs, notamment sur la fourniture de moteurs et l’échange de technologies. En revanche, toute idée de conception de base commune aux deux constructeurs est désormais abandonnée; tout comme l’idée de réaliser de nouveaux accords à l’avenir. Preuve de la confiance rompue, Renault avait pris une participation de 10% dans Volvo, elle fut revendue dans les jours suivant le non de Volvo.

               De cet échec, Renault en sortira grandi en apprenant de ses erreurs et en mettant en œuvre une toute autre approche lors de l’échange de participation avec Nissan ayant lieu en 1999, donnant naissance à une alliance dont la réussite fut donnée en exemple. Cette même année, le groupe Volvo cède sa division automobile à l’américain Ford faute de pouvoir maintenir cette activité. Toutefois, l’activité poids-lourds de Renault, en difficulté dans les années 1990, fut vendue en 2001 au groupe Volvo…


[1]  Vidéo INA : Volvo Renault accord A2 Le Journal 20h du 23 février 1990.

[2] Vidéo INA : Conférence Volvo-Renault F2 Le Journal 20h du 6 septembre 1993.