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Renault Trafic I (1980-2000)

              En 1980, Renault remplace l’Estafette avec le Trafic, un utilitaire qui change les codes du secteur qui entame une carrière longue de vingt ans au cours de laquelle Renault flirte avec le million d’unités écoulées… 

RENAULT TRAFIC I (1)

           Chez Renault, la gamme utilitaire se limite, au début des années 1970, à la Renault 4 Fourgonnette et à l’Estafette, cette dernière avait été dévoilée en 1959 et commençait à accuser le poids des années, d’autant que Peugeot et son J7 représentait une alternative redoutable. En 1973, la Régie Renault décide de lancer une étude pour renouveler l’Estafette, une étude de marché sonde les attentes de la clientèle et révèle les tendances à venir, notamment sur la charge utile souhaitée au-delà de la tonne, c’est à dire le maximum que pouvait alors proposer l’Estafette. Le cahier des charges est rapidement dressé au vue des résultats : il faut faire une Estafette en plus moderne et avec une charge utile de 1.000kg. Renault reste fidèle à la traction, une solution qui permet de bénéficier d’un plancher bas et plat au bénéfice du volume et de la facilité de chargement.

Estafette renault (1)
Si l’Estafette se porte bien, son remplacement doit être envisagé

            Le projet du futur utilitaire de Renault doit s’intégrer dans la politique commerciale mondiale de Renault et devient ambitieux avec le développement d’une version à propulsion qui pourrait être davantage demandée en Afrique et sur le continent américain. En cours de développement, on pouvait rêver du marché Nord-Américain avec un partenariat naissant avec AMC qui commercialisait la R5 à partir de 1976 pour y écouler quelques Trafic sur le marché des vans. Quoiqu’il en soit, le projet du futur Trafic nécessite des lourds investissements et la Régie Renault part à la recherche d’un partenaire pour partager les frais. Renault propose le projet à Peugeot, les liens entre les deux constructeurs français sont plutôt bons : les deux acteurs lançaient la Française de Mécanique en 1969 pour produire des moteurs en communs, il y avait le projet de V8 devenu V6 PRV en association avec Volvo à partir de 1971, et une entente permettait de se partager le marché de la citadine : à Renault les trois portes à hayon avec la Renault 5, à Peugeot celui des quatre portes avec la 104. En outre, le J7 commence lui-aussi à vieillir et son remplacement est envisagé pour la fin de la décennie.

RENAULT TRAFIC Jacques Nocher (1979)

                 Entre temps, Peugeot était invité par l’Etat français à sauver le soldat Citroën pour éviter de voir le génie français passer sous pavillon Italien, dans la gamme du double chevron, il y avait le tout nouveau C35 présenté en 1974 qui pourrait faire doublon avec la proposition de Renault. Logiquement, Peugeot décline la proposition de la Régie qui continue le développement du Trafic seule. En 1975, Renault place Jacques Nocher sur le style du Trafic, le bras droit de Robert Opron et ayant officié sur le style du Citroën C35 décide d’aligner le capot et le pare-brise pour conférer au futur utilitaire une signature  distinctive, puis en 1976, la maquette définitive est soumise à la direction pour validation. En même temps, la SAVIEM propose également sa proposition pour remplacer la gamme SG, le futur Master, dont les grands traits reprennent des solutions identiques au Master malgré des programmes étudiés séparément – et dont le style du Master fut confié à Bertone.

Master et Trafic Renault

             Après des questionnements, Renault décide de mener à terme les deux projets, Trafic et Master permettant de proposer une gamme complète d’utilitaires de 800 à 1.800kg de charge utile. Les deux nouveaux utilitaires sont présentés en 1980, le Trafic est commercialisé à partir du mois de septembre. Pour accompagner son lancement, et peut-être faire oublier son coté utilitaire, Renault dévoile des concept-cars à vocation ludiques parmi lesquelles le Trafic Loisir développé par Heuliez. Cela doit permettre de mettre en avant les versions tourismes du Trafic et se positionner en rival du Volkswagen Transporter, alors leader du marché européen. Mais le Trafic, c’est avant tout un utilitaire, sur ce segment, il est alors d’une modernité insolente face à la concurrence : des lignes carrées et tendues qui tranchent avec les rondeurs des Estafette et J7, un habitacle envisagé pour offrir un minimum de confort à ses occupants…

             La gamme Trafic est même très large dès la présentation du véhicule, du côté des motorisations reprises aux Renault 18 et Renault 20, il est possible de choisir son Trafic avec un moteur essence de 1,4 litre à 2 litres de cylindrée pour une puissance située entre 48 et 82Ch, ou en version Diesel pour une cylindrée entre 1,9 litre et 2,5 litres et une puissance s’étalant de 58 à 75Ch. On note que le Trafic Diesel reçoit une calandre plus haute et qui part davantage vers l’avant. Pour les carrosseries, il y a bien évidement le fourgon tôlé disponible avec deux longueurs et deux hauteurs, le pick-up, et un châssis-cabine qui fait le plaisir des carrossiers pour concevoir des véhicules spécifiques. En 1982, la gamme Trafic comporte 33 modèles, avec des charges utiles allant de 800 à 1.400kg. En mars 1981, le Trafic est disponible en propulsion, puis en 1985, il est décliné une version quatre roues motrices.

RENAULT TRAFIC I 4x4 (1)

            Entre temps, le Trafic s’impose sur le plan commercial, il devient même le champion des appels d’offre des administrations publiques (sans doute fallait-il faire travailler le camarade Renault appartenant à l’Etat) et équipe la gendarmerie, la police, les pompiers, l’EDF-GDF, France Telecom, la DDE… Mais la concurrence est bien présente, menée par Peugeot, Citroën et Fiat qui, partageant les frais de développement, mettent sur le marché les C25, J5 et Ducatto à partir de 1981, un trio qui arrive à faire arme égale avec le Trafic. Cette alliance fait réfléchir Renault qui, malgré le succès du Trafic (et du Master), commence à s’inquiéter à la fin des années 1980 pour lancer le développement de ses futurs utilitaires, et cherche des partenaires pour ne pas être isolé. Entre temps, le Trafic reçoit des améliorations par touches successives : en 1986, une baguette en plastique noir est rajouté au-dessus de la calandre et déborde autour des optiques pour donner une nouvelle bouille au Trafic.

               Le premier gros restylage du Trafic intervient en 1989 avec une face avant totalement remaniée, la calandre est désormais inclinée dans le prolongement du capot et intègre les optiques et clignotants , cela nécessite de revoir le dessin du capot et des ailes avant. Le Trafic bénéficie d’un second souffle jusqu’en 1994, cette année-là, le trio Peugeot-Citroën-Fiat lance sa seconde génération d’utilitaires, les Jumper-Ducato-Boxer qui prennent de court Renault et son Trafic. Pour ne pas paraitre désuet, Renault déclenche un restylage en 1994 qui consiste en un changement de calandre dont une partie est désormais teinte comme la carrosserie. Ce quatrième changement opéré sur la face avant n’a pour seul et unique objectif que de limiter l’érosion des ventes du Trafic, désormais en fin de vie. Mais Renault bute sur sa recherche de partenaire pour lancer l’étude d’un remplaçant que le constructeur ne veut assumer seul, d’autant qu’il s’avère nécessaire de lancer un programme visant à remplacer le Master en cette fin des années 1980.

RENAULT TRAFIC I (7)

              Pire que cela, le remplacement du Trafic est même mis de côté. En 1989, Renault contacte Volkswagen qui cherche à remplacer le LT, fin de non recevoir. Renault se tourne par dépit auprès de DAF avec l’objectif de développer un remplaçant commun au Daf 200/400 ainsi qu’au Master de Renault et les versions 1400 du Trafic dont le lancement est envisagé vers 1995. Le partenariat est conclu en 1989 mais cette alliance est brisée en 1992 en raison des pertes financières du constructeur néerlandais qui abandonne dès lors les utilitaires pour se concentrer sur le poids-lourds. Acculé, Renault décide néanmoins de continuer le développement du nouveau Master, seul, en limitant les versions pour économiser en frais de développements. Le Trafic est une victime collatérale, on gèle tout projet de remplacement et on imagine alors trouver à terme un partenariat avec un autre constructeur pour rebadger d’un losange un fourgon entre 800 et 1200kg de charge utile.

RENAULT TRAFIC I (6)

              C’est finalement chez General Motors, via sa filiale européenne Opel, que Renault trouve un allié dans le domaine des utilitaires, un accord est signé en 1996 qui comporte trois volets : partage des frais de développements du Master, partage des développements d’un nouvel utilitaire de la gamme du Trafic, et un volet immédiat avec la commercialisation par Opel d’un Trafic rebadgé Arena sur trois marchés : le Portugal, le Royaume-Uni et l’Allemagne (en fait, GM s’engageait à racheter une part de la production de Trafic). En Amérique latine, on retrouve le Trafic rebadgé Chevrolet au Brésil. Cette internationalisation du Trafic a commencé quelques années plus tôt, il avait été retenu pour participer à la première aventure chinoise de Renault, en partenariat avec l’entreprise Sanjiang, un équipementier de l’aérospatial qui souhaite s’aventurer sur le créneau de l’automobile qui a alors le vent en poupe en Chine. Sanjiang-Renault assemble des Trafic à partir de pièces provenant d’Europe de 1993 à 2002, l’aventure tourne court et ne dépasse rarement la centaine d’unités par an. En Europe, le Trafic cède sa place en 2000 au profit de la seconde génération, après une production s’établissant autour de 950.00 exemplaires. L’outillage du Trafic sera racheté des années plus tard par Tata qui permet au constructeur indien de commercialiser, à partir de 2007, le Winger.