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Renault 4 (1961-1992)

                Rares sont les voitures qui deviennent légendaires, la Renault 4 est sans doute l’une d’elles. La populaire de Renault a su conquérir plus de huit millions de clients dans plus de cent pays, une voiture qui a laissé une trace dans la mémoire collective et traversé les  générations. Focus sur la « Quatrelle ».

Renault 4 - 1979
 
La genèse  

          Après la Seconde Guerre Mondiale, l’heure est à la démocratisation de l’automobile. En France, l’Etat français propriétaire de Renault propose la 4CV depuis 1947, en 1948, Citroën présente sa 2CV. Cette dernière, pratique, économique et inusable, motorise les campagnes françaises avec un succès envié par Renault. En 1956, le président de Renault lance le projet d’une voiture “blue-jean”, le projet 112, il demande à ses équipes de réaliser une voiture populaire, fonctionnelle, plus esthétique que la 2CV mais moins élégante que la Dauphine qui venait d’être lancée, le tout pour 350.000 francs au plus. La nouvelle voiture doit également remplacer la 4CV, cette dernière avec son moteur à l’arrière s’avère moins pratique que la petite Citroën mais attire la clientèle par son confort, certes léger mais c’était mieux qu’une 2CV. C’est à cette même époque que Citroën commence à équiper sa 2CV d’éléments de confort pour répondre à la demande de la clientèle.  

Renault projet 112

           Renault fait le choix de développer une voiture nouvelle qui se veut simple d’utilisation, économique tant à l’achat qu’à l’usage, une voiture pratique et logeable. Bref, un cahier des charges qui s’inspire de la 2CV, tout en rajoutant du confort. Pour sa genèse, Renault développe une voiture radicalement nouvelle : on fait le choix de la traction, la voiture est construite sur une plateforme sur laquelle se greffe les organes mécaniques et la carrosserie, sur ce point, on note un recul par rapport à la structure monocoque généralisée depuis l’après-guerre. Pour la suspension, Renault opte pour des barres de torsions qui, pour ne pas impacter sur le plancher plat, doivent prendre le moins de hauteur. En conséquence, à l’arrière, les bras de suspension sont en position horizontale et, chose inédite jusque-là, l’empattement diffère entre les deux côtés de la voiture pour permettre le passage de deux barres transversales. Enfin, pour le côté pratique, la carrosserie de la Renault 4 adopte le hayon, une cinquième porte qui permet à la Renault 4 de bénéficier des avantages d’un break.  

Essais dans le Sahara

             Tout n’était pas nouveau sur la Renault 4, pour la mécanique, la Régie reprend le quatre cylindres des 4CV des Dauphine, il est retourné pour entrainer les roues avant. Retravaillé, le 747cm3 Billancourt développe 26,5Ch. La boite de vitesses est entièrement nouvelle, elle se place devant le moteur et ne propose que trois rapports, Renault ayant décidé de faire l’économie d’une quatrième vitesse – pourtant la norme de l’époque – pour limiter les frais de développement. En 1959, on construit les premiers prototypes pour une série de tests qui s’étalent jusque mi-1961, une période pendant laquelle les essayeurs de la Régie parcourent 2,9 millions de kilomètres. 

Le développement touche à sa fin
Le développement touche à sa fin

Le lancement de la Renault 4 

          A l’été 1961, Renault entame la bascule. Le 06 juillet, les usines de Billancourt sortent la dernière 4CV puis ferment pour congés d’été. Pendant ce temps, on installe la chaine de montage de la Renault 4 et le premier modèle est assemblé le 03 août. Le 26 août, Renault met à disposition des journalistes vingt-cinq modèles R4 et cinq R3 pour une séance de communication en Camargue alliant essais routiers et sur chemins. Les premiers articles paraissent avant même l’ouverture du salon de Paris, le 04 octobre, où la voiture est enfin révélée au grand public. En parallèle, deux cent voitures sont mise à disposition des visiteurs du salon pour des séances de prise en main. 

Une Renault 4 de base. Une R4 sans custode n’est pas forcément une R3

           Le grand public découvre alors la gamme de la voiture qui se décline en trois versions. Tout en bas, il y a la Renault 3, une version équipée d’un moteur de 603cm3 pour une puissance de 22,5Ch. Avec ses 3CV, elle s’attaque de front à la Citroën 2CV et s’offre contre 4.800 Francs, mais n’offre que peu d’équipement : pas de custode, pare-chocs tubulaire peints, jauge à essence manuelle, un seul pare-soleil, pas de garniture de toit. Juste au-dessus, la Renault 4 s’offre contre 4.906 francs, elle est tout aussi dépouillée que la Renault 3 (et donc sans vitre custode) mais se distingue par son moteur, le 747cm3. Enfin, au sommet de la gamme, la Renault 4 Limousine qui s’offre à 5.300 francs, cette version reçoit des vitres de custode (d’où le Limousine), une présentation extérieure améliorée avec des enjoliveurs, calandre, du chrome sur les poignées de porte, et un intérieur plus luxueux : deux pare-soleils, un chauffage avec ventilation, des garnitures de toit et de portes… 

pas d'eau, pas de graissage. Juste un peu d'essence

           La clientèle accueille très favorablement la Renault 4, d’autant que Renault met en avant les facilités d’entretien de sa nouvelle voiture : “Pas de graissage, pas d’eau”, le tout grâce à un circuit de refroidissement scellé, le conducteur n’a pas à se soucier des appoints d’eau, le châssis n’a plus aucun point de graissage. Il n’y a qu’à contrôler les niveaux et effectuer les vidanges tous les 7.500km. Quant à la traction, grande nouveauté pour une voiture particulière chez Renault, la clientèle ne semble pas effrayée par ce changement, d’une part car la technologie est désormais éprouvée depuis la Citroën Traction, mais aussi parce que la Régie avait pu la tester sur l’Estafette, sortie en octobre 1959. En revanche, chez Citroën, la présentation de la Renault 4 fait l’effet d’une douche froide, la petite Renault semble tout droit inspirée de la 2CV si bien que Pierre Bercot, président de Citroën, envisage un temps d’attaquer Renault en justice pour plagiat sur deux points : les fauteuils réalisés autour d’une structure en tubes et le levier de vitesses émargeant de la planche de bord.  

Première génération, de 1961 à 1967 

           A peine lancée, la gamme de la Renault 4 est complétée en octobre 1961 avec une fourgonnette de 300kg de charge utile, elle vient reprendre une place abandonnée en 1960 par la Juvaquatre et s’attaque aux versions utilitaires de la 2CV. Dès 1961, une seconde ligne de montage est ouverte en Belgique, dans l’usine d’Haren, ce qui lance la carrière internationale de la Renault 4. En mars 1962, face au succès de la R4 L, Renault lance une version encore plus luxueuse avec la R4 Super, qui offre des sièges en mousse, une banquette arrière repliable, un hayon s’ouvrant en deux parties et des pare-chocs doublés, et un moteur de 747cm3 dont la puissance est portée à 32Ch. Cette même année, grâce à Sinpar, la Renault 4 peut se transformer en quatre roues motrices. La production s’intensifie pour répondre à la demande puis, dès septembre, Renault arrête la R3. Pas assez compétitive par rapport à la R4 de base, la Renault 3 n’avait reçu que 2.526 bons de commande en onze mois. 

             A l’opposée, la R4 Super reçoit un moteur de 845cm3, la puissance reste à 32Ch mais cette mécanique offre un meilleur couple à bas régime, le reste de la gamme hérite alors du 747cm3 de 32Ch en place de celui de 26,5Ch. La R4 Super entre désormais dans la catégorie des 5CV, Renault lui enlève des équipements pour rationaliser la production : enjoliveurs lisses, suppression de l’enjoliveur de plaque d’immatriculation… C’est également à cette époque que la Renault 4 reçoit une boite de vitesses dont les trois rapports sont synchronisés. Toujours en 1962, Renault lance les Renault 4 Export et Renault 4 L Export, elles bénéficient du moteur de 845cm3.  

            En mars 1963, un partenariat entre Renault et le journal Elle permet de lancer l’opération commerciale “Elle prend le volant”. Des Renault 4 peintes en noire avec des cannages vert, rouge ou jaune sur les flancs sont prêtés pendant 48 heures aux lectrices jusqu’en juillet, avec l’objectif de convaincre la clientèle féminine et urbaine jusqu’alors minoritaire parmi les acheteurs de R4. De cette opération nait la Renault 4 La Parisienne en décembre 1963. A la rentrée 1963, la Renault 4 Super s’efface, ses particularités en faisait une version trop chère à produire. A sa place, Renault lance une nouvelle R4 Super qui reprend la finition du modèle Export, avec des fauteuils avant séparés et une banquette rabattable. Toujours dans une optique de rationalisation, l’ensemble des Renault 4 reçoit des pare-chocs à lame peint (à l’exception du pare chocs arrière de la Renault 4 Fourgonnette qui reste tubulaire), des garnitures de portière et de toit, la vitre de custode est désormais fixe, c’est la fenêtre des portes arrière qui devient coulissante.  Enfin, 1963 voit l’ouverture de nouvelles lignes de montage en Côte d’Ivoire, en Australie, au Mexique et à Madagascar.  

             Le 03 mars 1964, Renault célèbre le 500.000ème exemplaire de la Renault 4, cette même année, Renault lance une Fourgonnette Vitrée avec une banquette arrière rabattable, et inaugure des chaines de montage en Argentine et aux Philippines. En septembre, la Renault 4 Super disparait définitivement au profit d’une Renault 4 Export. En 1965, il n’y a pas de grande nouveauté à annoncer. Le 1er février 1966, le cap du million de Renault 4 produit est atteint. En mars, les fourgonnettes voient leur charge utile passer de 300kg à 350kg, en septembre, le tableau de bord et le volant sont remplacés par un nouveau modèle. Sur cette année 1966, et pour la première fois depuis 1962 (première année complète de la R4), la Renault 4 n’est pas la voiture la plus vendue de France, le titre lui est pris par l’Ami6 de Citroën.   

Seconde génération, de 1967 à 1974 

             Mi-1967, la Renault 4 connait une importante mise à jour, la face avant de la voiture est revue pour adopter une calandre plus imposante entourant les phares et réalisée en aluminium, on en profite pour modifier les pare-chocs. Ce changement s’accompagne par l’adoption d’une nouvelle boite de vitesses à quatre rapports, tous synchronisés, nécessitant de modifier la traverse avant ainsi que les charnières du capot et la plaque de protection. Une évolution bienvenue qui permet à la Renault 4 de retrouver son titre de voiture la plus vendue en France.  

             En mai 1968, Renault dévoile une version loisir de sa Renault 4, la Plein Air, sans portes ni toit, elle a été développée par Sinpar. Il y avait un marché à conquérir, mais c’est la Citroën Méhari, présentée quasi-simultanément qui lui vola la vedette. En conséquence, la Plein Air est rapidement stoppée et remplacée en 1970 par une Renault Rodéo réalisée par Teilhol sur une base de Renault 4. A partir de 1972, FASA produit une fourgonnette au toit surélevé.  

             Entre temps, la Renault 4 ne connait que peu d’évolution, en septembre 1969, on généralise la banquette rabattable, l’année suivante, les ceintures de sécurité sont montées à l’avant conformément à la nouvelle législation. Suivent le passage du circuit électrique en 12V, l’arrivée du moteur de 782cm3, puis l’arrivée du logo signé Vasarely en 1974. Petit à petit, la présentation extérieure de la Renault 4 se simplifie, en 1972, le passage de manivelle disparait du pare-chocs, les feux de position sur les ailes avant sont supprimés. En 1974, le monogramme sur l’aile avant droite est ôté, en même temps, le tableau de bord et le volant sont désormais noirs.  

L’ère du plastique, de 1975 à 1994 

              En septembre 1974 (année modèle 1975), Renault change une nouvelle fois la calandre de la Renault 4, la nouvelle est réalisée en plastique noir réhaussé de liserés chromés, elle apparait plus massive que la précédente mais à cette époque, le plastique fait moderne. Pendant quelques mois, la calandre plastique côtoie les clignotants ronds qui sont remplacés en juillet 1976 par des feux rectangulaires.  

                En mai 1975, Renault présente une nouvelle fourgonnette (qui prend la dénomination F6 à partir de 1977), l’empattement est rallongé de douze centimètres, le porte à faux de huit, la caisse présente des lignes carrées permettant un volume utile de 2,25m3 et une charge utile de 400kg. L’arrivée de cette nouvelle variante met un terme à la carrière de la fourgonnette réhaussée produite par FASA. 

               Septembre 1975, Renault lance la R4 Safari, une version qui se destine à une clientèle jeune en offrant un nuancier aux couleurs vives et dans l’air du temps. Commercialisée jusqu’en 1978, elle pouvait se teindre selon les millésimes en turquoise, beige, orange andalou, gris métallisé, vert clair. Cette version reçoit des pare-chocs teints en noir et des bandes de protection latérales, ainsi qu’une sellerie spécifique dont les couleurs reprennent celles de la carrosserie.  

            En 1976, on notera comme évolution le passage de la dynamo à l’alternateur, la version Renault 4 Export est remplacée par la R4 TL. Le 09 septembre 1977, la production de la Renault 4 passe le cap des cinq millions d’exemplaires, Renault venait tout juste de remplacer le volet d’aération sous le pare-brise par une grille en plastique noir. A partir de fin janvier 1978, Renault lance la R4 GTL, une version plus puissante et plus confortable. Sur la GTL, on emprunte le Cléon-fonte de 1.108cm3 de la Renault 6 proposant 34Ch, pour refroidir le moteur, on perce des ouïes sous la calandre, là où se situait la plaque d’immatriculation qui migre désormais sur le pare-chocs. La GTL se démarque encore par sa calandre gris clair cernée de deux crosses qui tombe sur le pare-chocs, ses protections en bas des portières, et un habitacle offrant quelques prestations complémentaires.  

             Il faut attendre l’année 1981 pour avoir des nouveautés sur la gamme R4, avec l’arrivée de la série limitée Jogging réalisée sur une base de GTL. Tirée à 5.000 exemplaires, cette version se démarque par sa livrée blanche réhaussée de filets bleus, jaune et rouges, les pare-chocs et protections latérales sont en bleu, sans oublier le toit ouvrant. Suivent quelques améliorations : adoption des jantes ajourée de la GTL sur la TL, le pare-chocs peint en gris est généralisé sur l’ensemble des R4, le chauffage gagne une seconde vitesse. En 1982, le moteur 782cm3 est abandonné au profit du 845cm3, les charnières de porte sont masquées. En 1983, la Renault 4 s’équipe des freins à disques de la Renault 5, son tableau de bord s’inspire de cette dernière, le rétroviseur intérieur est désormais fixé sur le pare-brise et le frein à main est désormais au plancher.  

              Le milieu des années 1980 approche et les ventes de la Renault 4 diminuent, Renault lance une nouvelle série limitée en mars 1985 avec la Sixties, elle est spécialement pensée pour une clientèle jeune avec des couleurs vives (rouge, jaune et bleu) et ses deux toit-ouvrants entrebâillant, voilà de quoi relancer momentanément les ventes. A la fin de l’année 1985, l’arrivée de l’Express entraine la disparition de la Fourgonnette F6 puis des F4 break vitré en juin 1986. Cette même année, la Renault 4 TL adopte le Cléon 956cm3 à partir de mai, puis en septembre 1986, la gamme R4 est revisitée pour ne laisser que trois versions : la R4 Savane (ancienne TL), la R4 Clan (ex GTL) et la Fourgonnette F4.  

                Malgré ces évolutions, la Renault 4 accuse désormais le poids des ans et il lui est difficile de rivaliser face à des voitures modernes, déjà en interne, la Supercinq rafle une grande partie des ventes auprès de la jeune clientèle, la R4 n’attirant plus que ceux à la recherche d’un prix d’achat ou d’une fiabilité connue. En 1988, la F4 disparait du catalogue français puis sa production est stoppée en mai 1990. Il demeure seulement les berlines Savane et Clan qui, en 1989, bénéficient d’un rétroviseur droit monté de série et de deux feux de recul installés au bas du hayon.  

                On arrive petit à petit à la fin de la Renault 4 dont les ventes diminuent d’année en année. En juillet 1991, Renault sort une série limitée nommée Carte Jeune pour dynamiser le modèle (la même série est proposé sur la Supercinq), puis 1992 sonne le glas de la Renault 4 en France, en raison de l’évolution de la législation qui impose désormais le pot catalytique. La fin de la Renault 4 est marquée par la série “Bye Bye” produite à 1.000 exemplaires, tous numérotés. La Quatrelle continua sa carrière jusqu’en 1994 sur quelques marchés.  

                 Au final, la production de la Renault 4 s’est arrêtée sur 8.135.424 exemplaires produits, ce qui en fait de loin la voiture française la plus vendue de l’époque, seuls Ford avec la Model T et Volkswagen avec sa Coccinelle avaient fait mieux, et depuis, Peugeot avec sa 206 lui a ravi le titre national.  

Sources :
Renault Histoire & Collection : dossier de presse des 50 ans