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Ford Vedette (1948-1954)

              Au sein de la filiale française de Ford, il faut attendre l’année 1948 pour voir un produit spécifique au marché apparaître (si on exclue les Matford), la Vedette. Berline bourgeoise dotée d’un V8, la Ford Vedette avait des atouts en mains, mais ses défauts lui coûteront sa carrière… 

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                Si Ford est présent en France dès 1907, le constructeur américain mettra du temps à présenter une voiture spécifique pour la France. En dépit d’une usine à Bordeaux, Ford SAF (Ford Société Anonyme Française) produisait soit les Ford américaines (le Model T, la Type A, la V8 Model B…) ou des modèles de la filiale anglaise de Ford (Ford Model Y). A la fin des années 1930, l’association avec Matford permet enfin de sortir des modèles spécifiques, tandis que Ford France investi dans un complexe industriel à Poissy, prêt à la veille de la seconde guerre mondiale.

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A l’origine de la Vedette, une étude de voiture peu coûteuse développée par Ford USA.

              Une fois la paix revenue, l’outil industriel est remis en route avec une ancienne Matford relancée à partir de 1946. Mais cette voiture ne fut qu’un pansement en attendant mieux, le directeur de la Ford SAF était parti, à la fin de l’été 1945, aux Etats-Unis rencontrer Henry Ford II. Là-bas, on lui propose un prototype de voiture économique développé pour la période de l’après-guerre, une voiture initialement prévue pour les Etats-Unis, mais la santé économique du pays, meilleure que prévue, pousse Ford à mettre au placard cette voiture. Toutefois, pour la France, le véhicule pourrait être adapté, non seulement par ses dimensions réduites, mais aussi car le pays fut durement frappé, rendant difficile la reprise économique.

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                  Récupéré fin 1946 par la Ford SAF, le projet est mené à terme pour être présenté lors du salon de l’automobile de Paris 1948, une édition marquée par les nouveautés puisque Citroën y dévoile sa 2CV, Peugeot sa 203 qui s’installe comme une potentielle concurrente de la Vedette. La première Ford développée (en partie) par la filiale française est présentée comme une voiture haut de gamme, proposée au prix de 620.000 Francs, c’est plus cher qu’une Citroën Traction commercialisée à 555.000 Francs. La Vedette a toutefois des arguments : une ligne à l’américaine, inspirée des Mercury, avec un avant dans le style Ponton; et une appartenance au « made in France » qui permet de joueur sur la corde nationaliste de certains clients.

            Aussi, la Ford Vedette s’équipe d’un moteur V8, et demeure donc la seule production française équipée d’une telle mécanique. Ce moteur, fabriqué lui-aussi en France, était déjà connu puisqu’il était une évolution du V8 proposé sur les Matford des années 1930. D’une cylindrée de 2.158cm3 pour 60Ch, la puissance s’avère un peu faible pour mouvoir les 1.200kg de la voiture mais la Vedette propose toutefois des performances dans la moyenne de l’époque, la consommation, bien qu’un peu élevée, est aussi dans les normes de l’époque : environ 15 litres aux 100.

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               Il n’y a pas que sur le plan mécanique que la Ford Vedette se distingue, la voiture s’équipe aussi d’une suspension avant à roues indépendantes, ou encore des portes arrière antagonistes (s’ouvrant en sens inverse que les portes avant). Et si la ligne de la voiture peut paraitre lourde en raison de la hauteur de son pavillon, cela permet aux occupants de prendre place à bord sans avoir à enlever leur chapeau, un détail recherché à l’époque. Aussi, six personnes peuvent prendre place sur les deux banquettes de la voiture.

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                  Commercialisée dans la foulée, la production de la Ford Vedette reste limitée en raison des restrictions d’approvisionnement des matières premières imposées par l’Etat Français, mais aussi parce que l’usine de Poissy, aussi neuve soit-elle, ne dispose pas encore de presses d’emboutissage, imposant le recours à Chausson pour produire les carrosseries. La gamme Vedette s’enrichit d’une version Coach (deux portes) à partir du mois de mars 1949, suivi d’un cabriolet quelques mois plus tard.

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               Hélas, la Ford Vedette souffre rapidement de défauts de jeunesse : moteur qui à tendance à chauffer, défauts d’étanchéité, peinture de piètre qualité, freinage peu efficace… Pour remettre la Ford Vedette à niveau, le directeur de Ford SAF est contraint à la démission et se voit remplacé dès le 1er janvier 1950 par François Lehideux, un ancien cadre de Renault et proche de Louis Renault. Il faut attendre un an pour que la Ford Vedette présente une fiabilité acceptable.

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Ford Vedette « Abeille »

              1951 est une année de changement pour la gamme Vedette, avec l’apparition de la Ford Comète courant 1951, un élégant coupé réalisé sur la base d’une Vedette dont la carrosserie est signée Pininfarina et produite par Facel Metallon (lire aussi : Ford Comète). La Comète prend ainsi la place des Vedette coupé et cabriolet qui sont dès lors stoppés. De l’autre coté de la gamme, Ford lance l’Abeille, une version dépouillée de la Vedette et à tendance utilitaire avec un pavillon s’ouvrant en deux parties.

               Au cours de l’été 1952, la Ford Vedette subit un restylage (opérationnel sur le millésime 1953) : la face avant est revue, le pare-brise est désormais d’un seul tenant, tandis que la partie arrière abandonne la ligne fastback faisant de la Vedette une berline à trois volumes. Enfin, le moteur est légèrement revu pour proposer 66Ch, permettant à la Vedette d’espérer flirter avec les 130km/h, quant à la boite de vitesse, le client peut troquer la boite manuelle à trois rapports contre une boite électromagnétique Cotal. première en France, la mécanique de la Ford Vedette est garantie pendant un an ou 50.000km. Lors du salon de Paris 1953, Ford dévoile une version haut de gamme de la Vedette, la Vendôme, équipée d’un V8 de 3,9 litres type Mistral, développant 95Ch pour une vitesse de pointe à 145km/h.

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         Malgré un rebond des ventes en 1953, le début de l’année 1954 s’annonce catastrophique en termes de ventes. Henry Ford II s’inquiète du manque de rentabilité de sa filiale française et de la montée du syndicalisme, tout cela pousse, malgré l’existence d’un projet d’une nouvelle Vedette qui sera opérationnelle en cours d’année, de fermer la filiale française.François Lehideux est débarqué et remplacé par l’américain Francis C. Reith dont la seule mission est de négocier la cession de Ford SAF. Avant la vente des actifs à Simca, Ford SAF procède au lancement de la nouvelle Vedette, laissant la première du nom sur le chiffre de 105.727 unités produites.