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Ford GT40 (1964-1968)

Ford-Ferrari

       Aux débuts des années 1960, Henry Ford II souhaite rajeunir l’image de sa marque, notamment en créant une voiture sportive pour participer aux courses d’endurance, avec en ligne de mire les 24 Heures du Mans. Chez Ford, on a beau être un grand constructeur mondial, on est pas capable de produire une telle voiture, mieux vaut racheter un constructeur européen expert en la matière et tirer à profit son expérience. Fin 1962 début 1963, il apprend que les finances de Ferrari ne sont pas au mieux et que le constructeur italien pourrait être à la recherche d’un appui financier. 

         Henry Ford II fait lancer divers audits entre janvier et avril 1963 sur Ferrari pour vérifier que son idée est bonne. Mais les discussions avec Enzo Ferrari patinent : si l’italien est vendeur de sa marque automobile, il veut garder la mainmise sur son écurie sportive. Hors, chez Ford, on veut décider des programmes sportifs de la Scuderia Ferrari. La suite appartient à l’histoire, Enzo Ferrari rompt les négociations avec Ford. Par vengeance, l’américain décide d’aller battre Ferrari sur son terrain : les 24 Heures du Mans. 

                 Ford part à la recherche de partenaires pour concevoir sa voiture, trois constructeurs anglais sont sur la liste : Cooper, Lotus et Lola. Cooper est rapidement écarté, le constructeur participe au championnat de Formule 1 sur lequel il est en perte de vitesse et n’a aucune expérience en endurance et sur la construction de prototype. Lotus est une piste solide, mais Colin Chapman demande une somme d’argent trop importante et tient à ce que le nom Lotus figure avant celui de Ford. Reste Lola qui s’illustre avec une GT au moteur V8 Ford en position centrale, la Lola GT Mk6.

Lola GT Mk6 : l’inspiratrice

               Dans sa recherche de partenaire, c’est donc auprès de Lola que Ford s’arrête. C’est en 1958 que Eric Broadley a fondé le constructeur Lola, dans l’optique de construire des voitures de compétition. A ses débuts, le constructeur produit des petites monoplaces à châssis tubulaire, des formule promotion jusqu’à la Formule 1. En 1962, à l’occasion de la refonte du règlement du championnat des voitures de sport, Eric Broadley décide de concevoir une voiture capable de s’engager en endurance : la Lola GT Mk6. Pour cette dernière, Lola reprend le meilleur des solutions existantes, et va puiser en Amérique pour le moteur en optant pour un V8 Ford de 4.727cm3, accolé à une boite Colotti. Il sera monté en position central arrière. 

                 Le premier prototype de la Lola GT Mk6 est prêt début 1963, pour construire rapidement ce premier exemplaire, deux autres exemplaires sont en cours d’assemblage avec en ligne de mire les 24 Heures du Mans 1963. Hélas, le modèle rate les essais du Mans, les officiels analysent quand même la voiture mais y trouve à redire. Lola corrige la voiture en des temps records, un travail qui impressionne les officiels du Mans qui vont déclarer la voiture conforme. Seul le prototype s’y engage, les deux autres voitures ne sont pas prêtes. Et la Lola Mk6 ne brilla pas, une boite mal étagée ne permet pas de tirer parti du meilleur de la voiture et une panne stoppe les espoirs de la voiture à la quinzième heure de course. 

              Néanmoins, la performance de la Lola GT Mk6 est remarquée par Ford. Le constructeur américain a un gout amer de l’édition 1963 des 24 Heures du Mans, puisque Ferrari truste les six premières places du général et la Cobra Daytona supportée par Ford n’a pas eu les performances escomptées. Désormais, Ford veut construire sa voiture pour le Mans et opte pour Lola. Le contrat entre Ford et Lola est signé courant août 1963. Le châssis du Mans et une seconde Lola GT Mk6 sont acheté par Ford, Eric Broadley intégré au programme de développement de la GT40. La Lola GT Mk6 sert comme base de travail pour Ford.

Le développement de la GT40

               Pour faire naître la GT40, Ford met en place une équipe au sein de sa filiale anglaise qui se réunit sous la dénomination Ford Advanced Vehicles, qui prend ses quartiers dans les ateliers de Lola. A la tête, on a Roy Lunn chargé de la direction technique du programme en compagnie d’Eric Broadley. L’équipe est complétée par l’ingénieur américain Roy Lunn, officiant chez Ford et le seul qui a une expérience dans les moteurs arrière pour avoir chapeauté le prototype de Ford Mustang à moteur central. Puis la Ford Advanced Vehicles commence déjà à esquisser une équipe de course en débauchant John Wyer, ancien directeur d’équipe chez Aston Martin. 

                   Rapidement, les installations de Lola deviennent trop petites et l’équipe déménage en novembre 1963 dans de nouveaux locaux à Slough, dans la banlieue de Londres et pas trop loin de l’aéroport d’Heathrow. La, on met au point une voiture GT équipée d’un V8 maison capable d’atteindre les 200mph (soit 320km/h). Le travail déjà effectué sur la Lola GT Mk6 permet à l’équipe de gagner du temps, bien qu’on s’éloigne de l’architecture de base en adoptant pour la future Ford une structure monocoque. Pour la carrosserie, c’est le centre de Design Ford à Dearborn qui est à la manœuvre, plusieurs maquettes testées à la soufflerie de l’Université du Maryland furent nécessaire avant de geler le style en février 1964. Courant mars 1964, le premier châssis imaginé par l’équipe du Ford Advanced Vehicles est fabriqué, ouvrant la voie à l’assemblage de la première voiture. 

                 Le premier prototype de la Ford est assemblé en 14 jours courant mars 1964, puis dévoilé à la presse britannique dès le 1er avril 1964 (châssis GT/101). Elle est baptisée sobrement GT40, GT pour Grand Touring et 40 pour sa hauteur en pouces (1.02 m). Il s’agit d’une bête de course avec un poids contenu à 865kg pour une puissance de 35Ch développé par le V8 Fairlane 255ci (4177 cm³). On retrouve la boite Colotti, la seule capable d’encaisser la puissance de ce moteur.  Freinage par disque aux quatre roues et pneumatiques Dunlop. A peine présenté, GT/101 s’envole pour les Etats-Unis pour quelques jours, à la demande du service marketing de Ford qui expose la voiture lors d’un salon automobile à New York.  Elle revient une semaine plus tard en Grande Bretagne  pour quelques roulages, avant de partir aux essais préliminaires des 24 Heures les 18 et 19 avril 1964.

                        Lors de cette première apparition en piste, Ford aligne ses deux premiers châssis, les GT40 GT/101 et GT/102. La première est confiée au pilote Jo Schlesser et Roy Salvadori prend le volant de GT/102. Rapidement, les calculs effectués par les ordinateurs de Ford sur l’aérodynamique vont s’avérer faux, la GT40 s’avère très instable à haute vitesse avec un arrière qui a tendance à se soulever. Les pilotes font de leur mieux pour maintenir leur voiture en piste, glaner des informations pour parfaire la mise au point. Mais les deux voitures connaissent deux importants accidents. D’ailleurs, le châssis GT/101 aux mains de Jo Schlesser sera déclaré irréparable, si bien que Ford s’attèle à terminer la troisième GT40 (GT/103) pour la course des 24 heures. Sur le plan des performances, la GT40 semble bien née avec les douzième et dix-neuvièmes temps des essais.

1964 : une première saison décevante 

              En compétition, c’est aux 1.000km du Nurbürgring que la GT40 fait ses premiers tours de roues, la carrosserie a gagné entre temps un spoiler pour assurer la stabilité à haute vitesse. La GT40 est confiée à Phil Hill et Bruce McLaren qui réussissent à se hisser jusqu’à la seconde place, avant d’abandonner sur bris de suspension. L’épreuve suivante, ce sont les 24 Heures du Mans avec trois GT40 engagées, les performances sont bonnes avec une seconde place sur la grille de départ (4ème et 9ème place pour les deux autres). En course, la GT40 prend rapidement la tête des 24 heures du Mans. Mais l’apprentissage au Mans est difficile, et aucune des GT40 ne voit l’arrivée. En cause, deux bris de boite de vitesses et un incendie. l’issue sera la même aux 12 heures de Reims 1964 : trois GT40 engagées, trois abandons. 

            A l’issue de la saison 1964, les GT40 n’ont connu aucune victoire, des résultats forcément décevant comparé à l’investissement mis sur la table par Ford. Forcément, les hommes hommes à la tête du programme bougent. Tout d’abord, Eric Broadley claque la porte dès l’été 1964 après un an de contrat, officiellement en raison de dissensions avec Ford, il repart à la tête de Lola pour d’autres belles aventures. Ensuite, à la fin de la saison 1964, John Wyer est remercié. Quant aux GT40, à peine la dernière course de la saison 1964 terminée, elles partent dans les ateliers de Shelby pour voir comment les améliorer. 

1965 : Ford GT40 MkII

                Pendant l’hiver 1964-1965, Carroll Shelby s’attache à résoudre les problèmes de fiabilité de la Ford GT40, et tente de la rendre plus véloce. En fait, il en sort deux pistes qui vont être explorées à fonds. La première, elle consiste à apporter des modifications à la GT40 telle qu’elle existe pour lancer une version améliorée pour le début de saison 1965. La seconde piste, refonder la GT40, un travail plus conséquent dont l’aboutissement donnera naissance à la Ford GT40MkII en cours de saison, avec l’objectif de la lancer pour les 24 Heures du Mans 1965. 

                   En février 1965, c’est donc deux GT40 améliorées par Shelby qui prennent le départ du Daytona 2000. Dans le détail, la GT40 troque le V8 4,2 litres pour le 4,7 litres, la puissance de la GT40 passe alors à 390Ch. Mais la plus grande source de pannes provenait de la boite de vitesses Colotti, la voilà remplacée par une boite ZF à cinq rapports. D’ailleurs, c’est l’écurie Shelby qui engage les deux Ford GT40 pour cette première course de l’année 1965, aux côtés de ses Cobra. Au final, la GT40 pilotée par Miles et Ruby remporte l’épreuve, l’autre GT40 termine sur la dernière marche du podium. On retrouve ensuite la GT40 aux 12 Heures de Sebring avec une seconde place au général. 

                      Bref, la saison 1964 est lancée sur les chapeaux de roue et c’est donc en confiance que la Ford GT40 arrive sur les premières épreuves européennes. Lors de la première manche sur le circuit de Monza, la Ford GT40 termine à la troisième place, derrière deux Ferrari. Ensuite, Ford fit l’impasse sur certaines épreuves, tandis qu’on voit apparaitre une GT40 Roadster à la Targa Florio, une voiture qui abandonne sur une sortie de route. On reverra la GT40 roadster aux 1.000km du Nurbürgring aux côtés de trois GT40 classiques engagées par Ford, Shelby et Ford France. Une seule voit l’arrivée, en 8ème position. Les trois autres abandonnent sur des bris mécaniques. 

                   Pour les 24 Heures du Mans 1965, la bataille Ferrari/Ford va faire rage. Le constructeur italien y vient avec les 250LM et 365 P2, quand Ford arrive avec une armada de six GT40 engagées par diverses écuries. Shelby engage deux Ford GT40 MkII qui s’équipe du V8 Ford de 7,0 litres utilisé en Nascar, avec une puissance de 450Ch et boite ZF synchronisés. Les autres GT40 engagées sont des MkI et la fameuse GT40 Roadster. Si la GT40 MKII signe la pole position, puis le meilleur temps au tour de la course, aucune Ford ne voit l’arrivée. Les GT40 abandonnent tour à tour, sur des problèmes de boite de vitesses ou de joint de culasse… Après la septième heure de course, il n’y a plus de GT40 en course. Après la déroute en terres mancelles, il n’y aura plus de GT40 engagée officiellement par Ford sur la saison 1965. 

1966 : la persévérance gagne… 

                    Pour la saison 1966, on retrouve la Ford GT40 engagée aux 24 heures de Daytona, dix GT40 engagées réparties entre Mk.I et Mk.II, avec une victoire à la clé pour la Ford, malgré la présence de Ferrari. Lors des 12 Heures de Sebring, c’est une nouvelle armada de Ford GT40 qui sont lancées, et une nouvelle victoire pour le modèle. On note l’apparition d’une Ford X1 Roadster dérivée de la GT40 Roadster, une voiture engagée par l’écurie Shelby qui ne verra pas l’arrivée. 

             Début avril, lors des essais préliminaires en vue des 24 Heures du Mans, Ford aligne aux côtés des GT40 la Ford J, un nouveau modèle a l’aérodynamique très travaillé. En attendant les 24 Heures du Mans, on va retrouver des GT40 sur certaines épreuves mais jamais elles n’ont été engagées par Ford. A Monza, des GT40 MkI privées se classent aux 2ème et 3ème places, derrière une Ferrari 330 P3. A la Targa Florio, c’est l’écurie Ford France qui y engage une GT40 qui termine à 12ème place du général. On retrouve une GT40 sur le podium des 1.000km de Spa (2ème place).

              Aux 24 Heures du Mans 1966, l’armada Ford pourtant composée de Ford J et de GT40 sur le papier ne sera finalement composé que de GT40. Il y a huit GT40 MkII et quatre GT40 de première génération qui partent affronter les Ferrari pour une édition d’anthologie. Très rapidement, les Ford GT40 dominent l’épreuve tandis que Ferrari rencontre des ennuis. Les trois GT40 survivantes étant aux trois premières places et ayant fait le break avec les Porsche, Ford décide de faire quelque chose d’inédit : regrouper ses voitures pour franchir la ligne d’arrivée en même temps. l’ACO, prévenue, informe Ford que le gagnant serait alors la GT40 menée par McLaren-Amon, alors en seconde position, qui aurait parcouru 18 mètres de plus… Miles, à bord de la GT40 de tête, n’apprécie pas la consigne et freine à l’approche de la ligne d’arrivée pour laisser passer la GT40 de Mclaren en tête. 

                         Le contrat est rempli pour Ford, mais déjà rendez-vous est pris pour l’édition 1967. A la fin de la saison 1966, Ford est sacré champion du Monde des voitures de sport, un titre ravit à Ferrari qui le tenait depuis trois ans. Mais en aout 1967, Ken Miles se tue lors d’essais de mise au point de la Ford J.

1967 : Ford confirme avec la GT40 MkIV

        Pour le début de saison 1967, Ford a préparé des améliorations sur la GT40 pour faire naître la GT40 MkIIB, une version qui gagne une quinzaine de chevaux. Cette version n’est pas prête pour la première manche de la saison 1967, les 24 Heures de Daytona, ce sont donc des GT40 MkII qui y prennent part, la course fut désastreuse pour Ford qui classe au mieux la GT40 à la sixième place alors de Ferrari y signe un triplé. Pour la seconde manche à Sebring, Ford peut compter sur la GT40 MkIIB mais aussi sur la GT40 Mk IV. Une voiture qui n’a rien à voir avec une GT40 et qui doit son existence au Modèle J précédemment développé. C’est l’une d’elles qui remporte l’épreuve, suivie d’une GT 40 MkII B. 

                   En terres européennes, les Ford GT40 ne vont pas être engagées officiellement en dehors des 24 Heures du Mans et des essais préliminaires, où l’on verra apparaitre la Mirage M1, dérivé d’une Ford GT40 Mk1 mais a l’aérodynamique plus travaillé. Les GT40 furent engagées par les écuries privées sur de nombreuses épreuves européennes, où brillent Porsche et son modèle 910. 

                Aux 24 Heures du Mans 1967, Ford revient avec son armada composée de Ford GT40 MkIV et MkIIb, engagées tant par l’écurie Shelby soutenue par le constructeur de Detroit que par des équipes privées. La course n’est pas une ballade de santé, les GT40 connaissent des abandons mais la MkIV pilotée par Gurney et Foyt remporte l’épreuve avec quatre tours d’avance sur la Ferrari 330 P4. 

                   Sur le reste de la saison 1967, la Ford GT40 complète son palmarès avec la Coppa Citta di Enna et les 500km de Zeltweg. On note aussi une victoire aux 12 Heures de Reims mais hors championnat. A la fin de la saison, Ford est une nouvelle fois titré champion. Cette année là, Ford propose la GT40 MkIII, une version modifiée pour la route avec un arrière élargi pour laisser de la place à un coffre. Disponible jusqu’en 1969, seuls sept exemplaires furent assemblés. 

1968-1969 : revient la GT40 MkI

           Si la lutte fait rage entre Ferrari et Ford, les instances sportives décident pour la saison 1968 de modifier le règlement et d’interdire les voitures de plus de trois litres de cylindrée en catégorie prototype, 5.0 litres en classe Sport si la voiture est produite à plus de 30 exemplaires. Si Ford décide de se retirer, Shelby décide de continuer ainsi que d’autres écuries privées. Si désormais les GT40 MkII et MkIV sont hors jeu, la Ford GT MkI, produite à plus de 30 exemplaires revient sur le devant de la scène en catégorie voiture de sport. Mieux, on peut porter le moteur à 4,9 litres pour obtenir un gain de puissance. 

                   C’est ainsi que la GT40 va continuer son palmarès, menée notamment par le John Wyer Automotive Engineering. On verra les GT40 monter de temps à autre sur les podium, parfois sur la première marche (6 Heures de Brands Hatch, 1.000km de Monza…). Aux 24 Heures du Mans, la GT40 l’emporte pour la troisième année consécutive. Ces résultats permettent à Ford de conserver son titre de champion du Monde à l’issue de la saison. Mais désormais, les Porsche se font de plus en plus menaçantes. 

               La saison 1969 fut dans la même veine que celle de 1968. Une GT40 est victorieuse des 12 Heures de Sebring, mais le reste de la saison fut plus difficile face à Porsche, qui rode sa nouvelle 917 à partir des 24 Heures du Mans. Le manque de fiabilité de la voiture allemande permet à la Ford GT40 de rester en lice, avec un duel final entre la GT40 aux mains de Jacky Ickx et la Porsche 908 menée par le duo Herrmann-Larrousse, remporté par Icks avec une avance de 120 mètres sur la Porsche. A l’issue de la saison, c’est bien Porsche qui remporte le championnat du monde. Une nouvelle page se tourne… 

1970 : les derniers engagements 

La concurrence s’est désormais mis à niveau et la Ford GT40 MkI a du ml à jouer les premiers rôles. D’ailleurs, si on retrouve encore des GT40 engagées en 1970, aucune ne termine sur le podium d’une épreuve majeure cette année-là. Clap de fin pour une voiture qui a marqué son époque, participé aux plus belles batailles en terres mancelles…