Pour Renault Véhicules Industriels, le S45-53 est un véhicule qui répond encore parfaitement à la demande de ses clients quand se pose la question de son remplacement, initié en raison de nouvelles normes à venir. Le Tracer, dévoilé en 1991, doit faire aussi bien…
Renault Véhicules Industriels, fondé par la fusion de Saviem et Berliet en 1978, donne naissance à un géant européen du poids-lourds, toutefois, la division autobus et autocar a besoin de dynamisme. Certes, du côté des bus urbains, RVI dispose du moderne PR100 issu de Berliet et du Saviem SC10, un bus très demandé par les réseaux urbains mais qui commence à accuser le poids des années, étant commercialisé depuis 1965. Certes, la gamme S45-53-105 se débrouille encore bien sur le créneau des cars interurbain. Mais les bus provenant de Saviem sont équipés en moteur MAN, vieillissants, que l’entreprise allemande déclare qu’ils seront incompatibles avec les normes antipollution à venir. Et du côté des cars de tourisme, aucun produit Berliet ou Saviem ne peut tenir la dragée haute aux autocars Setra ou Mercedes.
En 1983, Renault Véhicules Industriels dévoile le FR1, marquant le renouveau de l’autocar de tourisme français, il fut suivi du très moderne bus urbain Renault R312 en 1985. Il reste désormais à Renault de remplacer les S45-53, une tâche difficile compte tenu du succès de ce véhicule malgré son âge, il faut dire que le S45-53 est simple, fiable, facile à prendre en main. Lorsque Renault lance une étude de marché auprès des utilisateurs, il en ressort que le remplaçant devra être le plus rustique possible, c’est à dire refaire un S45-53 dans l’esprit.
Pour son cahier des charges, Renault décide de conserver un moteur en position centrale, lance l’étude d’un moteur horizontal, opte pour un châssis longerons et non pour un treillis dont la construction est couteuse en heures de soudeurs qualifiés. Pour réduire les coûts, Renault décide de mutualiser la carrosserie de son futur autocar avec celle de l’urbain R312 : le pavillon et le pare-brise seront identiques entre les deux modèles. Aussi, toujours dans cette optique, les feux arrières proviennent du Renault Trafic. Le développement du Tracer fut long notamment en raison du moteur horizontal, une architecture peu développée en France qui nécessite de revenir aux bases afin de développer un moteur fiable. Cela mène à la création du six cylindres MIHS 06.20.45 à la cylindrée de 9,84 litres pour 253Ch et un couple de 1000 Nm (102 mkg) à 1400 tr/mn.
Le Renault Tracer est finalement dévoilé lors du Congrès de la Fédération Nationale des Transports Routiers, le 12 février 1991, sur l’Esplanade des Invalides à Paris. A cette époque, on parle encore de Renault R332, il faut attendre la présentation officielle le 19 juin 1991 à Pantin pour que le nom Tracer soit adopté. Ce nouveau bus déchaine pas les passions, il est alors perçu comme un simple objet fonctionnel, sans charme particulier. Après tout, c’était la demande des autocaristes, et il y a une certaine logique : il ne fallait pas venir concurrencer le FR1 dont le démarrage fut difficile, et en reprenant des éléments du R312, les « designers » étaient limités mais on soulignera quelques efforts sur la face avant rappelant son prédécesseur : une calandre inclinée entre les deux phares sur laquelle repose le logo Renault, le tout chapeauté d’une entrée d’air. Dans les différences, la position haute du poste de conduite est remarquée, elle s’explique par la présence du système de refroidissement placé sous le chauffeur. Par rapport au S45-53, le Tracer gagne des roues motrices jumelées, un antiblocage ABS, des places et du volume en plus…
Le Tracer est donc un car de ligne proposant 57 places et 6m3 de soutes, disponible qu’en une seule longueur : 11,99m. Renault propose deux versions du Tracer, le A1 au Poids Total en Charge de 18 tonnes et bridé à 90km/h, et le A3 au PTC de 16,9 tonnes mais une vitesse portée à 100km/h. Le Tracer connait un rapide succès, sur les six premiers mois, Renault compte 260 commandes civiles, et une commande militaire pour 400 unités. Produit dans l’usine Renault d’Annonay, les premiers Tracer sont livrés dès septembre 1991, le Tracer A1 représente la quasi-totalité des commandes (seuls 8 Tracer A3 sont commandés). En septembre 1993, on célèbre déjà le millième exemplaire produit. Entre temps, Renault proposait courant 1992 le Tracer avec des portes mono louvoyantes.
Toutefois, une première ombre se dessine : Ponticelli propose un car scolaire nommé Scoler, à moteur arrière provenant de chez Renault, habillé par Carrier et qui propose un prix d’achat plus compétitif. Pour rivaliser, Renault propose une version dépouillée du Tracer surnommée « Liberto », la suppression des rideaux et porte-bagages, inutiles en transport scolaire, permet d’affiche un rabais de 20%. Puis, ayant pris le contrôle du Tchèque Karosa, Renault proposa dès 1996 le Récréo qui concurrence en interne le Tracer (pour ne pas dire le remplacer). Sur le marché du bus de ligne, le Tracer s’enrichit en 1995 d’une version à large porte centrale avant que Renault ne propose, à partir de 1998, l’Arès à moteur arrière.
Le Tracer reste toutefois au catalogue de Renault Véhicules Industriels, il reste un véhicule répondant à la demande de certains autocaristes qui ne veulent pas du Karosa ou du Scoler en raison de leur rusticité. Il y a aussi l’Armée Française, importante cliente du Tracer qu’elle acheta à 1.200 unités. Ainsi, malgré une importante concurrence interne, le Tracer reste au catalogue jusqu’en 2002 et fut produit à 5.450 exemplaires, dont la quasi-totalité des clients étaient français, le Tracer restant un échec à l’exportation. Mais une réussite au niveau national.
Sources
– Benoit GRUHIER, Autocars Anciens de France, bulletin n°48 – janvier 2020.
– Brochure Renault Véhicules Industriels, Ref. 50 01 819 231 (1992)
– Brochure Renault Véhicules Industriels, Ref. 50 01 819 962 (septembre 1995)