Renault est l’un des constructeurs automobiles ayant un beau palmarès sportif, deux titres de champion de monde en Formule 1 et des moteurs qui ont permis à de nombreuses écuries de remporter des titres; une victoire aux 24 heures du Mans via Alpine, trois victoires au Paris-Dakar par le biais des frères Marreau et de Schlesser; ou encore un championnat du monde des rallyes remporté en 1973 toujours grâce à Alpine. Dans le palmarès sportif de Renault, on peut également y rajouter de nombreuses épreuves cyclistes, dont six tours de France…
Renault et le cyclisme, c’est une histoire qui fut longue à se mettre en place. Aux débuts de l’automobile, alors que le vélo a le vent en poupe, Louis Renault en passionné de mécanique produit des voitures puis des moteurs dont il s’attacha à l’appliquer dans nombre de domaines : aviation, machines agricoles, matériel ferroviaire, moteurs pour bateaux, groupes électrogènes, mais il n’y a rien pour le deux-roues, et encore moins pour le vélo. C’est dans les années 1970 que Renault, devenue Régie entre temps, investi dans le deux-roues. La crise pétrolière de 1973 et la forte montée des prix de l’essence risque de faire changer les habitudes de consommation, et à l’automobile gourmande, le vélo et le cyclomoteur pourraient être une alternative pour une frange de la clientèle. Et sous les modèles R4 et R5, Renault n’a rien à offrir.
En face, il y a Peugeot, un constructeur avec lequel une bonne entente s’est établie qui permit la création de la Française de Mécanique en 1969, il y a le projet de V6-V8 PRV en cours d’étude avec Volvo, et une entente cordiale sur le partage du marché des petites voitures entre la R5 et la 104. Mais Peugeot n’en reste pas moins un concurrent, et le lion semble mieux armé face à la crise pétrolière avec ses vélos et ses cyclomoteurs, dont le 103 qui connait un important succès. Renault doit aller aux cycles et la direction débloque des crédits pour acquérir en 1974 51% de Vélosolex et 30% du constructeur de vélos Micmo-Gitane. Sans doute pour ne pas froisser Peugeot, l’acquisition de la participation dans Micmo-Gitane est présentée comme l’adossement du constructeur de vélos à un grand groupe pour obtenir un appui financier, il faut rappeler que Gitane montait en puissance et était passé de 67.000 vélos produit en 1968 à 350.000 vélos en 1974, avec ce que cela nécessite comme investissement industriel.
Mais dès l’année suivante, les mouvements capitalistiques continuent. Renault apporte ses parts de Vélosolex à Motobécane contre 17% de la nouvelle entité, à laquelle Peugeot s’empressa de prendre une participation quasi-équivalente pour empêcher l’émergence d’un concurrent contrôlé par Renault. Bloqué du côté des vélomoteurs, Renault continue son bonhomme de chemin dans les vélos et devient seul propriétaire de Micmo-Gitane en 1976, et par conséquent, de son équipe cycliste, alors nommée « Gitane-Campagnolo ». Il s’agissait d’une équipe de premier ordre avec laquelle Lucien Van Impe avait remporté le Tour de France en 1974. Logiquement, Renault décide de faire perdurer cette équipe et, dès la fin du sponsoring avec Campagnolo en 1977, y accole son nom pour la saison 1978. Ainsi naît l’équipe « Renault-Gitane Campagnolo » et son maillot jaune rayé de bandes noires et blanches rappelant de suite le losange Vasarely, et s’opposant dès lors au célèbre maillot à damiers noir et blanc de l’équipe Peugeot.
Si Renault accole son nom à l’équipe cycliste, c’est bien évidement pour bénéficier des retombées positives de la médiatisation des grandes épreuves, dont le Tour de France. Mais surtout, il s’agit de venir marcher sur les plates-bandes de Peugeot, une équipe reconnue dans le milieu : en 1977, c’est Thévenet qui remporte le Tour de France, l’équipe Peugeot-Esso-Michelin se hisse en tête du classement par équipe par points. Si Renault vient au cyclisme, ce n’est clairement par pour y faire de la figuration. L’équipe cycliste Renault reprend la base de l’ancienne équipe Gitane-Campagnolo, avec le directeur sportif Cyrille Guimard et nombre de coureurs sont reconduits, dont la pépite Hinault. On note que l’équipe se dote d’une flotte provenant des modèles de Billancourt, des R20 teintes aux couleurs jaune et noir viennent assister les coureurs sur les épreuves, un bus Saviem E7 fait office de vestiaire ambulant et la logistique assurée par des fourgons Saviem. Peugeot, via son statut de fournisseur des véhicules de l’organisation du Tour de France, impose que chaque équipe se dote d’un véhicule d’assistance de sa marque, c’est ainsi que l’équipe cycliste Renault-Gitane fut équipée d’une discrète Peugeot 504, devenue 505 au fil des saisons. Chez Renault, la flotte passa parfois aux R14, R18 et Fuego.
L’équipe confirme rapidement, Hinault remporte le tour d’Espagne et le Tour de France 1978. Hinault signe les victoires au Grand prix des Nations et le Championnat de France sur routes. Notons également cette année une deuxième place au Paris-Nice. En 1979, l’équipe se renomme en « Renault-Gitane » et devient un rouleau compresseur : Bernard Hinault remporte la Flèche Wallonne, le Critérium du Dauphiné Libéré, le Tour de Lombardie, et le Tour de France pour la deuxième fois. Pour cette saison, Renault ajoute également un Tour du Luxembourg dans son palmarès grâce à Lucien Didier ainsi que le championnat de France sur routes avec Roland Berland. En revanche, la saison 1980 fut moins prolifique, Bernard Hinault se blesse et tourne au ralenti quelques mois. Sa première victoire pour l’année vient en avril avec le Liège-Bastogne-Liège, puis le tour de Romandie quelques semaines plus tard. Il rajoute le Tour d’Italie, mais abandonne au Tour de France.
En 1981, l’équipe change de nom avec l’arrivée du sponsor Elf, il faut désormais parler de « Renault-Elf-Gitane ». L’effectif des coureurs change, certains partent chez Peugeot mais l’effectif est facilement remplacé et la machine à gagner se remet en marche, toujours menée par Hinault. L’équipe remporte le Paris-Roubaix, le Critérium du Dauphiné Libéré, et le Tour de France.
Pour la saison 1982, l’équipe Cycliste Renault fait la part belle aux jeunes espoirs français avec l’idée de déceler les pépites de demain. Hinault remporte le doublé Tour de France – Tour d’Italie, ainsi que le tour du Luxembourg. Mais l’ambiance dans l’équipe se dégrade, Hinault conteste la politique de l’équipe qui privilégie les jeunes aux anciens coureurs, celui qui a trois Tour de France à son palmarès demande à avoir une place dans la direction de l’équipe. Refus catégorique. L’année suivante, le nom Gitane disparait de l’équipe, et l’ambiance n’est pas au beau fixe. Certes, Hinault est toujours très compétitif et remporte la Flèche Wallonne et le grand prix Pino Cerami. Il signe également une victoire au Tour d’Espagne, mais fut contraint de ne pas prendre le départ du Tour de France en raison d’une opération chirurgicale. Laurent Fignon prend la place de leader et remporte son premier Tour. Hinault pose un ultimatum à son équipe : la direction ou la concurrence. Cyrille Guimard ayant fait ses preuves et ayant le soutien des pontes de Renault, Hinault quitte l’équipe avec trois coéquipiers pour mettre en place une équipe menée par Bernard Tapie. De ce fait, l’équipe Renault est obligée de se restructurer pour la saison 1984. Désormais, c’est Laurent Fignon qui occupe la place de leader et qui ira remporter un nouveau Tour de France, ainsi que le championnat de France sur routes.
Mais derrière les succès cyclistes, Renault fait surtout parler pour les pertes abyssales du groupe. Renault constructeur d’automobiles perd de l’argent, entre renouvellements de modèles, échec de la R14 et aventure aux Etats-Unis qui accapare une partie des finances de l’entreprise. Et ce n’est pas mieux du côté de ses filiales, Micmo-Gitane perd également de l’argent malgré les moyens apportés par Renault. En 1984, à l’échelle du groupe, c’est 12,5 milliard de francs de pertes et la survie de Renault est menacée. La direction menée par Hamon est remerciée, Georges Besse nommé en lieu et place coupe les branches qu’il juge sans avenir. Micmo-Gitane en fait partie, la filiale est revendue en 1985, mais sans l’équipe sportive. Le vélo n’étant pas le cœur de métier de Renault, c’est logiquement que 1985 est annoncée comme la dernière saison cycliste de Renault. Elle fut sans grande victoire en raison de l’indisponibilité de Fignon, on note néanmoins un Paris-Roubaix remporté par Marc Madiot.