Originaire de Limoges, cela faisait un moment que j’avais envie de vous parler de l’une des particularité de cette ville. Non, il ne s’agit pas de la gare ferroviaire, ni même de porcelaine, mais de Trolleybus ! Plus particulièrement du modèle Renault ER100. Né Berliet, l’ER100 a terminé sa carrière sous la marque Renault et était l’un des derniers trolley français…
En France, de nombreuses villes avaient pu opter pour le trolleybus dans leurs réseaux de transport en commun entre les années 1930 et 1960, le parc de trolleybus français était alors composé exclusivement de véhicules de marque Vétra. Cependant, cette marque avait fait faillite en 1964, laissant la France orpheline de constructeurs de trolleybus. Par chance, les Vétra étaient des bus à la fiabilité remarquable et nombre de réseaux arrivaient à les faire rouler durant plusieurs décennie. Cependant, le manque de pièces de rechange commence à se faire sentir et la vétusté des carrosseries et des intérieurs était de plus en plus souligné par les usagers.
Faute de remplaçant français sur le marché, à une époque durant laquelle acheter étranger était impensable par les personnes publiques, certains réseaux mettent fin à l’aventure du trolleybus. C’est le cas de Brest, Nice, Rouen ou Le Havre en 1970, Belfort en 1972, Toulon en 1973… L’hécatombe aurait encore pu continuer mais le choc pétrolier de 1972, qui se fait sentir en France à la fin de l’année 1973 démontre les atouts du trolleybus face aux bus conventionnels. A cette époque, seules cinq villes françaises étaient encore dotées de trolleybus, trois d’entre-elles décident de s’allier en 1975 pour qu’un constructeur français fabrique à nouveau un trolleybus.
Ces trois villes, ce sont celles de Lyon, Grenoble et Saint-Etienne, qui s’unissent et créent une commission pour élaborer un cahier des charges d’un trolleybus moderne. Les deux principaux constructeurs nationaux que sont Saviem et Berliet sont invités à prendre part à l’aventure, avec à la clé une commande portant sur plus de 150 véhicules. Hélas, Saviem refuse au motif que le marché du trolleybus est trop étroit, mais Berliet décide de relever le pari !
Le nouveau trolleybus français fut réalisé sur la base du Berliet PR100, ce bus avait été présenté en 1971 par la firme lyonnaise et signait le retour de Berliet dans le marché du bus urbain après l’échec du PCM qui n’avait jamais su tirer son épingle du jeu par rapport au redoutable Saviem SC10. Mais avec le PR100, les choses changent car Berliet sort un bus moderne avec une face avant intrigante mais très bien développée pour le chauffeur avec un pare-brise incliné en arrière pour éviter les reflets, et des petites vitres sur les côtés transperçant les angles morts. Le PR100 rencontre vite sa clientèle, plus de 1.100 exemplaires ont déjà été commercialisés en 1976…
Berliet se penche donc sérieusement sur le trolleybus, le premier prototype de l’ER100 est présenté en Juin 1976, puis fut mis en test dans les rues de Grenoble. L’ER100 est équipé d’une chaîne de traction électrique fournie par l’entreprise franco-suisse Traction-CEM-Oerlikon. Après plusieurs mois de tests, les villes sont convaincues et passent leurs commandes définitives : 25 exemplaires pour Saint-Etienne, 50 pour Grenoble et 110 pour Lyon.
Les livraisons de l’ER100 débutent courant 1977, Grenoble inaugure ce bus, suivie en 1978 par Lyon et Saint-Etienne. Dans sa première version, ce trolleybus prenait le nom de Berliet ER100.R car ils étaient équipé d’un rhéostat, pour les néophytes, il s’agit d’une résistance électrique réglable qui permet de modifier l’intensité du courant dans un circuit. Le succès commercial du nouveau trolleybus français suit sa lancée avec une commande de la ville de Marseille en 1979 portant sur 48 ER100.R, qui ont été livrés à partir de 1980.
A noter si le trolleybus est avant un bus électrique, l’ER100 est équipé d’un petit moteur Diesel Deutz à refroidissement par air, qui est en réalité un petit groupe électrogène qui permet à l’ER100 d’évoluer en dehors de ses lignes aériennes, notamment en cas de travaux sur la ligne ou pour rentrer et manœuvrer dans le dépôt de bus. Mais ce moteur ne permet au trolleybus de rouler qu’à une vitesse très limitée : 15km/h.
Entre-temps, Berliet venait d’être absorbé par Renault en 1978 pour être fusionné avec Saviem pour former RVI (Renault Véhicules Industriels), un groupe à l’échelle européenne pour créer un géant français du poids-lourds. Dès lors, la marque Berliet s’éteint, les ER100 sont désormais siglés Renault. En 1980, RVI fait évoluer l’ER100 en troquant le rhéostat pour un hacheur à thyristor, le trolleybus prend alors le nom de ER100.H. Cette évolution trouve tout de suite un écho du côté de Lyon puisque la ville en commande 26 exemplaires en 1981, suivie par Saint-Etienne qui signe pour 25 exemplaires en 1982, et Limoges entre en scène en 1983 avec 15 exemplaires.
En 1982, Renault décline le PR180 (version allongée du PR100) en trolleybus, il s’agit du PER180 qui ne fut commandé que par les réseaux de Grenoble, Nancy et Saint-Etienne, pour une fabrication finale à 64 exemplaires. Ce n’est pas une grande réussite pour ce véhicule, qui toutefois a eu l’honneur de proposer une variante spécifique.
Une dernière évolution est à signaler dans la seconde partie des années 1980 qui fait passer l’ER100 dans sa version ER100.2H, que seule la ville de Limoges commandera à hauteur de 25 exemplaires, le dernier fut fabriqué en 1989, il est à ce jour le dernier trolleybus Renault.
Au final, la carrière de l’ER100 se termina en 1989 avec 324 exemplaires fabriqués, sans compter les PER180. Un score honorable quand on connait le faible marché du trolleybus en France et que l’ER100 n’a jamais été exporté, il a permis entre autre de donner un second souffle au trolleybus français, bien qu’aujourd’hui, seules trois villes ont encore un réseau de ce type : Limoges, Lyon et Saint-Etienne. Mais il est fort à parier que sans l’ER100, le trolleybus serait aujourd’hui qu’un souvenir du passé…
Cependant, l’ER100 a fait lui-aussi son temps et est rapidement devenu obsolète dans les années 2000. La question du remplacement s’est à nouveau posée mais cette fois, l’offre existait, d’autant que désormais, l’ouverture des frontières permet d’acquérir du matériel étranger. Les réseaux français resteront chauvin en choisissant l’Irisbus Cristalis produit en France mais portant une marque franco-italienne…
Quant à l’ER100, la réforme de ce modèle intervient dans les années 2000, les derniers exemplaires rouleront jusqu’au 16 Mars 2013 à Limoges. Quelques exemplaires ont été conservés dans l’hexagone, dont le dernier exemplaire qui est resté du côté des entrepôts de la TCL (Limoges), beaucoup d’autres exemplaires ont trouvé une seconde carrière dans les pays d’Europe de l’Est… Ironie quand on sait que le Renault/Berliet ER100 n’a jamais été vendu hors de France…