Guidée par l’innovation, l’entreprise clermontoise Michelin doit tester ses pneus en conditions réelles, ce qui peut être une opération délicate lorsqu’il s’agit de tester les pneus poids-lourd à haute vitesse. Michelin réalise un camion taillé pour cet exercice sur la base d’un châssis Willème…
Nous sommes dans les années 1950, à la toute fin de la décennie, la société Michelin surfe sur le succès avec son pneu radial inventé dix ans plus tôt, et commence son internationalisation mené par Pierre Michelin, dirigeant de l’entreprise familiale depuis 1955, qui investit pour construire des usines à l’étranger. Rappelons que les premières usines situées hors d’Auvergne n’avaient alors que quelques années (1951 pour Orléans, la première), ce qui permet à chaque site de se spécialiser, notamment dans les pneus pour l’aviation, le poids-lourd…
Avec l’innovation comme moteur, Michelin teste de nouvelles solutions et les mets en pratique lors d’essais intensifs. Pour les pneus automobiles, il n’y a pas réellement de problématique, Michelin opérant différentes voitures pour ses essais, de la 2CV aux voitures sportives pour les essais à haute vitesse. Mais pour les poids-lourds, certaines contraintes sont difficiles à mettre en oeuvre, et notamment ces fameux essais à vitesse élevée. S’il existe bien des « bancs d’essais » à Clermont-Ferrand, rien ne vaut les essais en conditions réelles.
Michelin se met alors à imaginer un véhicule capable de tester les pneumatiques poids-lourds en réel, la société clermontoise se fait livrer un châssis Willème flambant neuf en 1958, équipé d’un moteur huit cylindres en ligne de 18.050cm3 pour 250Ch que l’on retrouve sur la gamme lourde Willème, accolé à une boite à six rapports. Ce châssis est envoyé aux ateliers Teilhol, carrossier dans le Puy-de-Dôme, qui conçoit une ligne profilée, dont la cabine reprend des éléments de Citroën DS : pare-brise et pavillon tronqué.
Initialement utilisé sur les autoroutes italiennes dont le réseau d’alors, dense et sans limitation de vitesse, permettait de tester les pneumatiques jusqu’à 140km/h, une vitesse alors élevée pour un poids-lourd. Michelin utilisa le Willème sur ses pistes d’essais situées à Ladoux pour des essais à vitesses élevées ainsi que des tests de freinage. Remisé après une carrière remplie et remplacé par la « DS Mille Pattes » en 1972, le Willème est restauré aux débuts des années 2000 pour être exposé lors de l’édition 2005 de Rétromobile.