Le 28 janvier 1972, la marque au losange présente au grand public son nouveau modèle, la Renault 5. Dessinée par Michel Boué, la Renault 5 a une bonne bouille, et avec ses couleurs flashy – jaune, rouge, vert pomme… – elle ne passe pas inaperçue. Sa campagne de lancement non plus, la R5 est incarnée par le personnage « Supercar » qui marque son époque…
A la fin des années 1960, le service commercial de la Régie avait déterminé qu’il y avait une place pour une petite voiture qui s’insérerait entre le duo R4-R6 et la berline R12. Cette nouvelle voiture devra être pratique et fonctionnelle, à l’aise pour un usage urbain tout en étant capable de suivre un rythme soutenu sur les nationales ou autoroutes. Cette nouvelle venue devait séduire les jeunes du baby boom devenus majeurs, accompagner un changement sociétal qui voyait les foyers s’éloigner des centres-villes impliquant un allongement des trajets du quotidien, le statut de la femme qui changeait et l’apparition des « multi-motorisés » au sein de la classe populaire (des foyers possédant deux véhicules minimum). Une clientèle nouvelle pour une voiture nouvelle, la future Renault 5 dont le lancement est prévu début 1972.
Fin 1971, la gamme Renault est déjà riche, outre les véhicules sus-évoqués, il y a également la Rodéo, la Renault 16, les coupés R15 et R17, on pourrait également évoquer les sportives Alpine A110 et A310… La Renault 5 devait se faire une place dans ce catalogue, la voiture avait déjà de quoi se démarquer dans la gamme Renault : elle était une deux portes plus une (le hayon), compacte mais à l’habitacle accueillant, elle abandonnait les classiques pare-chocs chromés pour des boucliers en matériau composite, il n’y avait pas de poignées de porte apparentes, ni de baguette sur les flancs… Voiture qui bousculait les traditions, Renault voulait faire de sa Renault 5 une voiture de conquête. La campagne de lancement devait mettre en avant les nouvelles qualités de la R5, conquérir une clientèle réticente – voire hostile- à la Régie, cibler la gente féminine qui était un objectif prioritaire dans les ventes, et rompre avec la communication traditionnelle.
Renault fit appel à l’agence Publicis qui mit au point, avec le service publicité de Renault, une campagne de lancement innovante. L’idée est de créer une relation affective par le dessin, la Renault 5 devient un personnage de bande dessinée avec des yeux en guise de phare et un large sourire sur le bouclier pour rendre la voiture sympathique, complice avec le destinataire de la publicité. On lui donne un surnom pour l’éloigner de l’objet qu’elle est, « Supercar », elle s’adresse directement au potentiel consommateur pour capter son attention : « Bonjour, je suis la Renault 5« . Telle une bande dessinée, les yeux se portent sur une seconde bulle où la Renault 5 dévoile son potentiel : « A la ville et sur la route, on m’appelle aussi Supercar« .
Autour du personnage « Supercar », Renault développe une campagne large. celle-ci débute le 28 janvier 1972 avec une pleine page couleur dans France-Soir, un quotidien dont le tirage est alors au-dessus du million d’exemplaires et tiré en noir et blanc. Les jours suivant, la presse écrite nationale puis régionale emboitent le pas, la Renault 5 s’affiche dans quatre-vingt-dix journaux quotidien, dans la presse magazine (Télé 7 jours, Paris-Match, Elle…). 6.500 abribus gérés par JcDecaux et 1.200 panneaux publicitaires à travers la France sont habillés d’une publicité pour la Renault 5. En région parisienne, c’est 2.000 bus de la RATP qui reçoivent des publicités pour la nouvelle Renault sur leurs flancs.
A côté de la presse écrite, Renault communique également via la radio avec un message à la voix rauque et au jungle créé pour cette campagne. Supercar fait aussi l’objet de deux dessins-animés de 45 secondes chacun, « les aventures de supercar« , l’un à la ville, l’autre à la campagne, diffusés dans les cinémas (1446 salles et 268 salles Arts et Essais). Impossible de passer à travers cet important matraquage publicitaire, l’objectif initial était de faire connaitre la Renault 5 à toute la population française en quinze jours. En outre, jusqu’en mars 1972, des actions ponctuelles sont développées : mise en scène de la Renault 5 dans les catalogue de mode féminin, lancement de miniatures Solido de la R5 avec un présentoir Supercar dans une grande partie des magasins de jouet de France…
Dès le samedi 29 janvier, la campagne publicitaire passe par la présentation du modèle dans les rues. Ce jour là, se tient une Convention du Réseau au Théatre Marigny à Paris où sont conviés les Concessionnaires et Directeurs de Succursale pour leur présenter le dispositif de lancement de la R5. A l’issue de cette convention, chaque intervenant récupère une Renault 5 pour participer à un « rallye » dans Paris. Ce même week-end, 2.500 Renault 5 avaient été réparties dans les concessions et succursales françaises pour une même démonstration dans les villes de province. Les lundi 31 janvier et mardi 1er février, c’est l’opération « Bonjour », des caravanes de Renault 5 sillonnent les rues de grandes villes suivant des horaires et points d’arrêt préétablis. Puis du 2 eu 5 février, l’opération devient « Prenez le Volant », les voitures reçoivent des stickers adhésifs sur les flancs invitant à essayer la voiture. Le public était invité à arrêter les Renault 5 d’un geste de la main pour prendre place à bord.
La campagne de lancement de la Renault 5 durait jusque fin mars 1972. Dès le mois de février 1972, Renault engrangeait 700 commandes par jour, le succès était bien au rendez-vous, dissipant les doutes d’une partie des commerciaux de la Régie qui craignait qu’une voiture trois portes ne puisse trouver sa clientèle. La carrière de la Renault 5 était bien lancée, le style bande dessinée du lancement se retrouva tout au long de la commercialisation de cette voiture, jusqu’à la toute fin lorsque « Supercar » fait ses adieux au monde cruel…
Sources
Revue Renault Histoire n°26, avril 2012.
Renault Informations n°12, avril 1972.
Jean-Louis LOUBET, « Renault. Histoire d’une entreprise« . Ed. E.T.A.I, 2000.