Trois années après le lancement de la Renault 8, la Régie décide de proposer à sa clientèle une version plus grande tout en partant de la même caisse : la Renault 10. Cette voiture est un cas à part dans la production de Renault, puisqu’elle a fait l’objet de nombreux commentaires souvent virulents à son encontre, puisque son physique est jugé « discutable ». Aujourd’hui encore, cette voiture fait les frais de sa mauvaise image, un modèle quasiment oublié, ce à quoi nous allons tenter de remédier.
Vous considérez la R10 comme une voiture mal faite par les bureaux d’études de la Régie ? Détrompez-vous, ce modèle a bel et bien été pensée afin de poursuivre des objectifs déterminés. Remettons-nous en situation, au début des années 1960, Renault cesse la production de la Frégate, sa voiture haut de gamme qui fut un échec commercial. Pour la remplacer et espérer tenir tête à la Citroën DS, Renault rebadge une américaine venue de chez AMC, et assemblée en Belgique : c’est la Renault Rambler. Le succès n’est pas au rendez-vous, la voiture n’est pas faite pour l’Europe et sa fiscalité ne facilite pas la diffusion du modèle (18Cv fiscaux).
Dans le même temps, Renault, toujours présent aux Etats-Unis après la déroute connue par la Dauphine, importe la R8. Avec le faible réseau de concessionnaires sur place et la mauvaise réputation de Renault, la voiture ne se vend qu’au compte-goutte. Mais pour la Régie, l’échec de la R8 serait causée par les dimensions ridicules comparées aux concurrentes américaine. L’idée d’agrandir la R8 fait ainsi surface.
L’idée a certainement convaincue les bureaux d’études qui feraient d’une pierre deux coups, d’une part proposer une voiture qui pourrait s’exporter aux Etats-Unis, et d’autre part proposer une voiture plus haut de gamme en Europe qui pourrait se situer tout juste sous la nouvelle R16. La Renault 10 récupère la cellule centrale de la R8 ainsi que son moteur, un quatre cylindres en ligne de 1.108cm3 de 43Ch; et on lui allonge le nez afin d’augmenter le volume du coffre. Par soucis d’équilibre, l’arrière est lui aussi allongé.
La Renault 10 est donc présentée courant 1965, celle-ci se dote d’une finition luxueuse avec un tableau de bord en imitation bois, des sièges rembourrés… La R10 se veut plus confortable en adoptant des amortisseurs plus souples et une direction plus douce. Rien à voir avec la R8 au final, la voiture n’est pas vive ni sportive dans sa conduite. Avec l’arrivée de la R10 dans la gamme Renault, la R8 Major disparaît cette année pour ne pas créer une concurrence fratricide.
Décriée lors de sa sortie, la Renault 10 arrive à convaincre une clientèle en France, mais du côté des Etats-Unis, les résultats ne furent guère plus concluants que ceux de la R8. En 1968, la R10 est remaniée pour lui octroyer des phares rectangulaires issus de la R16 (rationalisation quand tu nous tiens !), ce qui provoque le retour de la R8 Major. Pour mieux les différencier, la Renault 10 Major adopte un moteur plus gros en 1970, un 1.300cm3 pour la troisième génération de la R10, et la dernière voiture à moteur arrière de la Régie initié avec la 4CV en 1946.
Pour finir, la Renault 10 connaîtra un échec aux Etats-Unis. Néanmoins en Europe, elle fut vendue à 699.490 exemplaires jusqu’en 1972, date de fin de production. Un chiffre atteint essentiellement en France et en Espagne, et surtout, un succès qui contredit rétrospectivement les nombreuses critiques apparues lors de la présentation du modèle. La Renault 12 prendra le relais, une succession partagée avec la R8…