A la fin des années 1950, suite au succès de la Dauphine, Renault souhaite désormais être présent sur le marché des voitures de loisirs, c’est pourquoi la Régie mandate le carrossier Ghia de lui concevoir un cabriolet et un coupé aux lignes similaires. Avec ce nouveau modèle, la Régie espère marcher sur les plates-bandes de Volkswagen et son Karmann Ghia qui s’écoule aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis.
Avec la Dauphine présentée en 1956, Renault trouve une voiture qui plait en Europe, mais également aux Etats-Unis où le modèle réussit un début de commercialisation remarquable pour une voiture importée. Sur les deux marchés (européen et américain), Renault trouve un concurrent de taille avec Volkswagen et sa Cox, sans oublier le Karmann Ghia, un coupé issu de la petite allemande qui connait un véritable succès, ce qui persuade les dirigeants de la Régie à investir dans ce créneau.
A cette époque, les carrossiers italiens sont sans conteste les plus créatifs et leurs œuvres sont admirées dans le monde entier, devenant petit à petit un référence en la matière. Tout comme pour la Dauphine, Renault va s’octroyer les services de Ghia pour réaliser la carrosserie de la future voiture de loisirs de la Régie, laquelle devra être sportive et capable de plaire à un public américain comme européen.
Pour arriver à ce but, Ghia appelle à l’aide Virgil Exner, designer américain, qui réalise les premières esquisses du projet. Renault donne son approbation, le projet « 1092 » débute. Exner réalise les plans de la voiture à la fin de l’année 1957, puis Ghia en réalise une maquette. Le tout est proposé à la Régie qui donne son aval à la construction d’un prototype en vue de présenter le modèle pour le Salon de Paris qui aura lieu en Octobre 1958. Ce chantier fut confié par Ghia à Pietro Frua, lequel avait signé un contrat d’exclusivité avec Ghia-Aigle (ancienne filiale de Ghia) et qui connaissait également la Dauphine pour avoir réalisé une Dauphine Coupé Sport en 1956. Cette sous-traitance fut imposée car Ghia avait un contrat d’exclusivité avec Volkswagen pour qui avait été réalisé le « Karmann Ghia ».
Cependant, cette sous-traitance fut le début des problèmes pour le programme de la future Renault car une fois le prototype réalisé, Pietro Frua contacte Renault afin de leur remettre le véhicule… En vain. Il faut dire que Renault était en contact avec Ghia et non directement avec Pietro Frua. En l’absence de réponse, Frua se tourne vers Ghia, qui ne donne pas non plus signe de vie. Or, Pietro Frua n’avait pas encore été payé pour son travail, et face au silence des différents acteurs, il fait exposer sur le stand de Ghia-Aigle le prototype sous le nom de « Renault Dauphine GT » lors du Salon de Genève 1958 qui se tient en Mars.
Lors de l’ouverture du salon, stupéfaction. Pierre Dreyfus, alors président de la Régie Renault, découvre son prototype exposé alors qu’il n’aurait pas du l’être avant Octobre. Des échanges violents débutent entre ce dernier et Pietro Frua, puis d’intenses négociations ont lieu au téléphone. Petit à petit, les contours du litige se dessinent, Renault avait payé Ghia en temps et en heure pour l’étude de cette voiture, mais Ghia n’a pas reversé l’argent à Frua. Par conséquent, Renault prend le problème à bras le corps et demande à ce que le prototype soit bâché. Cette première exigence est respectée, et l’on sort de la crise avec le paiement de Pietro Frua par Ghia. Quant au prototype, si Renault demandait son retrait, les organisateurs du salon on préféré le laisser sur place.
Au final, cette présentation précoce de la voiture ne change rien au programme chez Renault, si ce n’est que la voiture est terminée par les designers de la Régie, et prendra le nom de « Floride ». Mais sans doute à t’il laissé quelques traces, puisque le dossier de presse qui présente la Floride ne mentionne pas Ghia au rang des contributeurs.
Quant au conflit entre Pietro Frua et Ghia, celui-ci continue, avec un autre acteur cette-fois-ci : Virgil Exner. En effet, le styliste américain conteste la participation de Frua et considère qu’il a dessiné la ligne de la voiture et que Ghia a réalisé le prototype. Le procès se termine en 1962, la ligne de la voiture a été réalisé par Ghia, Frua quant à lui a bien réalisé le prototype en suivant les plans du carrossier italien.