Au début des années 1970, c’est un peu la bronca dans les différentes filiales européennes de Ford, le constructeur américain décide d’y mettre de l’ordre afin d’avoir une gamme harmonisée pour mettre en oeuvre une politique à l’échelle du vieux continent. Si les dissensions sont importantes entre les deux unités, un projet commun permet de les unir, la conception d’une petite citadine sous le nom de code Bobcat, connue sous la dénomination Fiesta à son lancement… Retour sur la première du nom, la Fiesta MK1 lancée en 1976…
Avril 1971, Fiat lance la 127, une voiture du segment B qui renouvelle l’espèce en adoptant la traction, un moteur transversal situé à l’avant et un hayon. Renault réplique dès Janvier 1972 avec sa R5 permettant d’avoir deux voitures sophistiquées sur un segment où les constructeurs était plutôt frileux. Dans une moindre mesure, la Peugeot 104 présentée quelques mois après la R5 participe également à ce renouveau.
Les autres constructeurs doivent donc s’adapter pour tenir tête aux nouvelles venues qui s’illustrent rapidement. Les filiales européennes de Ford le comprennent rapidement et demandent le feux vert de la maison mère pour lancer le développement d’une telle voiture. Toutefois, Ford n’est pas convaincu du projet, la firme américaine doute de la possibilité de faire des bénéfices avec une voiture de taille inférieure à l’Escort. D’autant que les solutions d’avant-garde des concurrentes, dont la traction, sont synonymes de développement coûteux.
A force d’arguments et face aux chiffres de ventes des petites Renault et Fiat, Ford doit bien s’incliner face à ses filiales européennes. Le feux vert est donné dès 1972, le projet Bobcat démarre mais les conditions sont drastiques, puisque le développement de cette voiture sera très coûteux, la future voiture devra plaire aux européens mais aussi aux américains afin d’en faire une voiture monde, en donnant l’exemple de ce que fut la Ford T en son temps : une voiture universelle.
Afin de disposer de véritables crédits débloqués par la maison mère, les filiales européennes de Ford doivent mettre en œuvre une étude de faisabilité et démontrer que le projet peut être rentable avec les investissements prévus. Dès l’accord de Ford USA obtenu, les filiales de Ford se mettent en rapport avec le carrossier Ghia, partenaire de longue date, pour concevoir les grandes lignes de la future voiture. Il en sort deux prototypes en 1972 et janvier 1973 qui déjà, présentent quelques lignes de la future voiture. Ford doit développer une voiture qui ne se démodera pas dans les cinq années à venir afin de maximiser l’investissement sur le design. D’autres pistes sont étudiées, comme celle d’une Escort raccourcie avec le prototype Cheetah, Ford USA met même la main à la patte avec deux prototypes nommés « Mini Mites ».
Autre problématique, les comptables de Ford estiment que le projet Bobcat sera rentable à partir de 140.000 unités vendues par an, mais les marchés anglais, allemand et français ne permettent pas d’avaler une telle quantité de voitures, et les usines Ford tournent déjà à plein régime avec les Escort, Taunus et autres Capri. Ford vise alors le marché espagnol, verrouillé par le gouvernement franquiste. Il faudra l’intervention d’Henry Ford II en personne pour permettre l’installation d’une usine Ford en Espagne, construite entre 1974 et 1976 dans la banlieue de Valence, qui accueillera l’assemblage des Fiesta.
Quant au développement de la voiture, le choix est pris en 1974 de produire la Fiesta dans une seule version, trois portes avec Hayon, on range alors dans les cartons l’idée d’une Escort raccourcie. Si les comptables se battent pour avoir une voiture « au rabais », les ingénieurs imposent la traction dont le coût est estimé à 100$ par voiture, la barre avant antiroulis, ou encore une suspension McPherson. Enfin, pour se démarquer de ses rivales, la Fiesta devra avoir une finition au moins équivalente à la nouvelle Volkswagen Polo.
Pour le moteur, Ford décide de reprendre la base du Kent de l’Anglia ou de l’Escort, revu pour donner naissance au « Valencia ». Développé au cours de la crise pétrolière, Ford proposera une version de base cubant à 957cm3 pour 40Cv, suivi d’un 1.117cm3 et d’un 1,6 litres pour le marché américain. Notons qu’avant l’apparition de ce moteur, les premiers prototypes du projet Bobcat utilisent l’ensemble moteur-boite et trains roulant de la Fiat 127 !
Ces développements s’achèvent avec la présentation de la Fiesta au cours de l’été 1976, d’entrée de jeu, trois finitions sont proposées, avec une entrée de gamme déjà riche d’une banquette rabattable, les panneaux de porte sont équipés d’accoudoirs, tandis que la sécurité n’est pas en reste avec un vitrage sécurit et des ceintures à enrouleur ! Le haut de gamme était occupé par la Fiesta Ghia et son moteur 1,1 litre de 53Cv, dont le niveau d’équipement était jamais vu dans cette catégorie. Face à une voiture bien née et répondant aux attentes, la clientèle accueille très favorablement cette nouvelle venue sur un marché très concurrentiel. Un an après son lancement, Ford compte déjà 350.000 unités produites, une réussite qui dépasse largement les espérances du constructeur.
En 1977, la gamme Fiesta est complétée d’un moteur 1,3 litre, puis en 1978, une Fiesta Van fait son apparition en Angleterre des flancs tôlés pour des raisons de fiscalité. C’est également en 1978 que la Fiesta part à la conquête du marché américain en complétant l’offre sous la Pinto (lire aussi : Ford Fiesta US). Hélas, la Fiesta s’avère trop petite pour le marché américain, la voiture s’y retire dès 1980 sans avoir connu la gloire, et laissant pour lui succéder la Ford Escort américaine.
Entre temps, la Fiesta s’engageait en compétition avec la version Groupe 1 produite dès 1977, suivie de la Groupe 2 en 1979. Côté production, le 09 janvier 1979, l’usine Ford de Valence produit la millionième Ford Fiesta, les ventes de la petite Ford ne s’essoufflent pas et démontrent que ce modèle était une nécessité sur le marché. Cette même année, les premières séries limitées apparaissent sur le modèle : « Million », « Disco » et « Festival ».
Pour les fans de sportives, la Fiesta offrait une déclinaison S qui se reconnait à ses stripping latéraux, disponible avec les moteurs 1100 et 1300. Mais la sportivité de cette version était très relative, c’est pourquoi Ford répond dès 1980 avec la Fiesta Super Sport, mais sous une robe alléchante, c’est la douche froide car ce modèle reprend les moteurs 1100 et 1300 sans aucune préparation. C’est seulement en 1981 avec la Fiesta XR2 que les passionnés sont comblés avec 84Cv permettant une vitesse de pointe à 180km/h, des performances toutefois sages comparées aux Renault 5 Alpine et autres Golf GTi.
Si en mars 1981, Ford célèbre sa deux millionième Fiesta, un score encore jamais vu chez le constructeur américain, la voiture commence à s’essouffler d’un point de vue commercial. La Fiesta obtient alors un léger lifting qui lui permet d’obtenir de nouveaux pare-chocs, l’habitacle bénéficie d’appuie-tête de série. Quelques séries spéciales viennent donner un peu d’attrait au modèle, mais les ventes n’ont plus le panache des premières années. C’est la raison pour laquelle la Fiesta I s’efface courant septembre 1983 pour laisser place à une seconde génération, qui est en réalité un très gros restylage de la première génération…
Sources
Opération Fiesta, autobiographie du projet Ford Bobcat.