Avril 1934, Citroën dévoile sa Traction, un mois plus tard, Renault « répond » avec la Celtaquatre, une voiture de la même catégorie qui prend une autre voie que celle du double chevron. Alors que la Traction est un concentré de technologies, Renault fait le choix d’une voiture aux technologies classiques mais ayant fait leurs preuves…
Depuis l’arrivée de Citroën sur le marché automobile français, une rivalité nait entre le double chevron avec ses techniques de production et de commercialisation, et Renault qui était jusque-là le premier constructeur de France avec une gamme complète de véhicules. Quand Citroën mise sur l’innovation, Renault est conservateur et préfère faire confiance aux solutions techniques éprouvées, l’histoire retient notamment les dissensions entre Louis Renault et l’ingénieur André Lefèbvre, ce dernier n’arrivant pas à imposer la traction auprès de Renault, il est limogé le 15 février 1933 pour insolence et atterrit chez Citroën à peine un mois plus tard. A cette époque, les constructeurs commencent à apprendre que Citroën prépare sa nouvelle voiture, la future Traction et ses technologies d’avant-garde, Renault décide de son côté de lancer une nouvelle 7CV pour épauler la Monaquatre.
Pour sa Celtaquatre qui devra être le futur best-seller du losange, Louis Renault ne veut pas bouleverser le marché et fait le choix d’une voiture technologiquement conservatrice, permettant d’être certain de sa fiabilité mais aussi de ne pas bouleverser les méthodes de production à l’usine. La Celtaquatre est donc une propulsion, elle utilise un châssis à longerons sur lequel vient se greffer une carrosserie dont la structure allie encore l’acier et le bois, elle conserve aussi l’essieu arrière rigide, le freinage par câbles… Sur le papier, on est encore sur une avant-guerre quand la Citroën Traction propose une caisse monocoque, un freinage hydraulique, le tout acier… Pour la mécanique, la Celtaquatre bénéficie d’un nouveau moteur quatre cylindres de 1.463cm3, mais là encore, Renault fait appel à des solutions techniques éprouvées.
Il y a quand même un domaine sur lequel la Celtaquatre n’est pas dépassée, celui du style. Si avec la Traction, Citroën s’inscrit pleinement dans le Streamline Moderne, Renault n’est pas en reste et propose des voitures à la carrosserie dite “aérodynamique”, la Celtaquatre s’inscrit dans cette tendance avec une calandre inclinée, un capot fin avec trois volets d’aération, et une caisse affichant des rondeurs désormais bien loin des caisses carrées. Pour autant, la Celtaquatre est une voiture compacte avec 3,80 mètres de long et les formes arrondies grossissent le trait, la voiture hérite rapidement du surnom “Celtaboule”.
Lors de la sortie de la Celtaquatre, l’utilisation de solutions techniques éprouvées permet d’afficher un prix moins cher que celui de la Traction, il fallait débourser 16.900 Francs pour la petite Renault alors que la Traction était affichée à 17.700 Francs. A cela, on peut ajouter comme qualités de la Celtaquatre une économie d’utilisation et des performances appréciables, sans oublier sa fiabilité. Un ensemble qui permet à la Celtaquatre de s’en sortir face à la Traction, d’autant que la Traction s’avéra rapidement peu fiable, lui assurant alors une clientèle refroidie par l’innovation technologique. De mai à fin octobre 1934, Renault commercialisa 6.044 Celtaquatre de première génération, dite ZR1.
Début octobre 1934 s’ouvre le Salon de l’Automobile de Paris, l’occasion d’apporter des retouches à la Celtaquatre qui répond désormais au code ZR2. Il s’agit du même modèle que la ZR1 mais le capot reçoit désormais des ouïes horizontales en lieu et place des volets, quelques petites modifications comme l’ajout de feux de position sur les ailes avant, les phares sont désormais chromés et des jantes à rayons sont disponibles en option. La gamme Celtaquatre commence avec la berline, toujours proposée à 16.900 Francs, elle est épaulée d’une version Grand Luxe, vendue 17.900 Francs et d’un élégant coupé deux places commercialisé 19.900 Francs. 7.001 exemplaires de la Celtaquatre ZR2 sont commercialisés jusque fin septembre 1935.
Lors du salon de l’automobile de Paris 1935, toujours en octobre, Renault dévoile la nouvelle génération de Celtaquatre, l’ADC1. Le modèle est profondément modifié avec l’empattement porté à 2,71 mètres (contre 2,45m auparavant, et une longueur passant de 3,80m à 4,20m), la carrosserie est revue avec des lignes désormais plus tendues, une calandre élargie, l’abandon des marchepieds. Désormais, la Celtaquatre est plus agréable à l’œil, des jantes types “artillerie” complètent l’ensemble. Du côté de la gamme, deux nouvelles versions apparaissent avec un cabriolet et un coach décapotable. On note aussi l’arrivée d’une version plus utilitaire, la Celtaquatre commerciale type AEC1 avec le panneau arrière s’ouvrant en deux parties. Enfin, pour être complet, il faut également citer la version Celtastandard, un modèle économique et dépouillé du superflu (jusqu’aux pare-chocs) pour proposer un prix très contenu de 13.900 Francs (contre toujours 16.900 Francs pour une Celtaquatre de base, et jusqu’à 23.500 francs pour le modèle le plus cher de la gamme, le coach décapotable).
Pour le salon 1936, la Celtaquatre mue en version ADC2 avec une calandre en V, seule véritable modification de la gamme qui est totalement reconduite mais avec des prix revus à la hausse, il faut désormais compter 15.900 Francs pour une Celtastandard, 18.100 Francs pour la conduite intérieure… Début 1936, la Celtaquatre intègre la gamme Véhicules Industriels avec le châssis ADV1 et sa charge utile de 500kg. Enfin, au salon 1937, on passe à la version ADC3 qui n’exista qu’en version conduite intérieure Grand luxe, ce millésime n’apporte aucune nouveauté à l’exception du pare-chocs rectiligne. Renault préparait l’arrivée de la Juvaquatre, effective en avril 1938, qui marque alors la fin de la carrière de la Celtaquatre.
S’inscrivant en opposition par rapport à la Citroën Traction, la Celtaquatre.gagne la première manche puisque les déboires de la Traction, commercialisée trop tôt par Citroën, mènent à la faillite du constructeur. Mais avec l’arrivée de la famille Michelin à la tête de Citroën, le constructeur se redresse, la Traction fiabilisé retrouve sa clientèle rapidement et le modèle marque l’histoire…