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Peugeot 104 (1972-1988)

                 Lors du salon de Paris 1972, Peugeot dévoile la 104, la plus courte berline à quatre portes d’Europe selon le service commercial du constructeur sochalien. La 104 se positionne sur le marché novateur des petites voitures, mais dont l’habitabilité n’a pas à rougir face à une 204. La 104 est aussi la première concrétisation des accord de coopération avec Renault. 16 années de carrière et un succès en demi-teinte… 

             Pendant les Trente Glorieuses, le constructeur Peugeot bénéficie d’une bonne réputation, il faut dire que les productions sochaliennes sont reconnues pour leur robustesse, des voitures bien pensées et bien construites, faites pour durer. La gamme, principalement animée par des berlines, était destinée au « notable de province », ces mêmes berlines déclinées en breaks pour les familles ou le représentant de commerce. D’aucun ne souhaite tomber en panne sur le bord de la route. En fait, aucun conducteur ne le souhaite, mais certains refusent les solutions techniques modernes, les nouvelles voitures dont les premiers clients essuient les plâtres. C’est cette clientèle que visait la maison Peugeot avec des produits en continuité : de la 203 à la 404, c’est toujours la même recette : propulsion, moteur avant et boîte à quatre vitesses commandée au volant. Mais si réussite il y a, Peugeot n’est alors que le quatrième constructeur national, pâtissant d’une absence sur le segment de 6CV et moins, le plus porteur puisqu’il s’y vend 2/3 des voitures françaises.

              Finalement, la première Peugeot « moderne » fut la 204, présentée en 1965. Petite berline de 6CV, Peugeot a du s’adapter aux demandes des clients sur ce segment pour proposer un véhicule cohérent. Sans innover, la 204 inaugure chez Peugeot la traction, les quatre roues indépendantes, les freins avant à disques, le moteur transversal. Elle est aussi la première Peugeot à essuyer véritablement des défauts de jeunesse auprès des premiers clients. Mais qu’importe, la 204 gagne des clients, elle devient même la voiture la plus vendue en France en 1969, exploit réitéré les deux années suivantes, ce qui permet à Peugeot de passer à la seconde place des constructeurs nationaux. Un succès qui pousse Peugeot à continuer d’élargir sa gamme vers le bas, et d’aller vers le marché de la voiture urbaine. D’autant que depuis 1966, Peugeot a signé un accord de coopération avec Renault, les deux firmes mettent en commun une partie de leurs moyens, notamment pour créer une mécanique commune d’environ un litre de cylindrée, le futur moteur X, qui s’avère idéal pour une petite voiture. 

                       C’est ainsi qu’est lancé le projet M-121 chez Peugeot, il doit aboutir à une voiture de la catégorie des 5CV : la Peugeot 104. Pour amoindrir les coûts de développement, le train avant est développé en commun avec Renault qui l’utilisera en partie sur la Renault 14. A cette époque, Renault préparait également sa « citadine », la future Renault 5, mais la Régie joue solo sur ce coup en remployant la base et les mécaniques de la Renault 4, laissant à Peugeot le seul bénéfice du moteur X pour le moment. Il semblerait toutefois que les deux constructeurs aient convenu de ne pas se concurrencer frontalement, la 104 garde le bénéfice des quatre portes tandis que la R5 va proposer le hayon et donc trois portes. Un pari risqué pour Renault, une position sage de Peugeot, chaque constructeur reste dans son rôle. 

Un hayon ? Non, nous ne faisons pas ça à la maison Peugeot, laissons cela aux utilitaires

                Dévoilée en octobre 1972, la Peugeot 104 a la chance d’être l’une des rares nouveautés du salon de Paris, elle s’assure ainsi des unes de presse et nombre d’articles. Surtout, Peugeot lui a trouvé un slogan qui fait mouche : « la quatre portes la plus courte d’Europe« . Il faut dire qu’avec ses 3,58 mètres de longueur, il n’y a pas plus petite berline en Europe, et il faut aller du côté du Japon pour trouver plus petit, la Honda Life et ses 2,99 mètres conserve son record mondial. Cela dit, la Peugeot 104 ne brille pas par sa présentation, la ligne de la voiture est certes signée par Pininfarina, elle n’a toutefois pas le charme d’une Renault 5 présentée en début d’année, ses lames d’acier chromés en guise de pare-chocs ne tiennent pas la comparaison avec les boucliers en matériaux composite de la petite Renault, les lignes carrées et les optiques carrés font passer la 104 pour plus vieille qu’elle n’est… 

Austère, vous avez dit austère ?

                    Dans l’habitacle, il y a certes de l’espace, mais la 104 n’a pas grand chose à offrir à ses occupants. Le conducteur se contentera d’un tachymètre en guise de tableau de bord, avec un voyant lumineux pour le niveau d’essence. Pas d’allume-cigare, ni montre, ni miroir de courtoisie… Que dire des fauteuils dont les dossiers sont fixes (la banquette n’est donc pas rabattable), seules les assises peuvent se régler en longueur. Niveau équipement, c’est pauvre ! Surtout que la 104 s’offre à 12.200 Francs, c’est un peu plus que pour une Renault 5 TL, mais avec deux portes en sus. Côté moteur, la 104 est donc la deuxième traction Peugeot et inaugure le moteur X, il s’agit d’un quatre cylindres en ligne en alliage avec un arbre à came en tête, et cube 954 cm³. La puissance de 46Ch (50CV SAE) permet de mouvoir les 760kg de la 104 jusqu’à 135km/h. Pas si mal tout compte fait. 

                  La Peugeot 104 est plutôt bien née, la clientèle l’adopte mais commercialement, elle a du mal à tenir la dragée haute à une Renault 5 qui cartonne. Dès le salon de Paris 1973, Peugeot brise le pacte avec Renault en présentant la 104Z, la version coupé dont l’empattement est réduit de 19 centimètres et une carrosserie qui adopte le hayon (mais la berline conserve sa malle de coffre). La 104Z utilise le même moteur que la berline et reçoit un meilleur équipement : tableau de bord à trois cadrans, sièges à dossier inclinable, peinture métallisée et phares trapézoïdaux. Mieux équipée, mais plus chère qu’une 104 berline (13.900Francs pour la 104 Coupé contre 12.600Francs pour la berline), Peugeot la place volontairement comme haut de gamme des 104. Côté performances, c’est peu ou prou la même chose, la 104 Coupé n’étant pas plus légère que la berline en raison de ses renforts structurels. 

                La clientèle demandait de l’équipement sur la berline, voilà les demandes entendues pour le salon de Paris 1974. Sur le millésime 1975, la Peugeot 104 reçoit de nouveaux feux qui débordent légèrement sur les ailes arrière. La version quatre portes se décline en une gamme composée des L et GL. La 104 L est ni plus ni moins que la 104 indigente connue jusque-là, la Grand Luxe se pare du tableau de bord de la 104Z, d’un rétroviseur intérieur jour/nuit, d’un essuie-glace à deux vitesses et d’un lave-glace électrique, sans oublier les cendriers et accoudoirs sur les garnitures de porte à l’arrière. Il reste quand même quelques options pour que les commerciaux puissent remplir leurs objectifs : peinture métallisée, lunette arrière chauffante… 

                A partir de septembre 1975, c’est au tour du coupé de proposer des finitions. La Peugeot 104 Z commercialisée jusque-là prend le badge ZL, c’est surtout l’arrivée d’une ZS qui est remarquée. Cette dernière se veut être sportive (mais sans se l’avouer), on lui octroi le moteur X dans sa version 1.124cm3 , alimenté par un carburateur Solex double corps. 66Ch pour 780kg, voilà la 104 ZS filer jusqu’à 156km/h. On note un circuit de freinage doublé et des barres antiroulis à l’arrière. Dans l’habitacle, l’esprit sport se traduit par l’arrivée d’un compte-tours, la voiture reçoit un meilleur équipement avec deux appuie-tête et des ceintures à enrouleur. N’oublions pas les « jantes sport », la seule fois au le mot est évoqué sur la 104 ZS ! En mars 1976, lors du salon de Genève, la Peugeot 104 ZS donne naissance à une déclinaison Rallye que l’on remarque de suite par ses  élargisseurs d’ailes et jante alliage, sous le capot prend place le X 1124cm3 mais avec une culasse spécifique, et surtout, deux carburateur Solex double corps, l’ensemble propose 80Ch et file à 166km/h en pointe… 

               1976 est une grande année pour la 104, en juin, la caisse de la 104Z sert de base pour la Citroën LN, la voiture s’équipe du bicylindre de l’Ami8 pour tenter de faire la synthèse des deux marques (Peugeot venait de racheter la totalité de Citroën) et proposer un véhicule d’entrée de gamme. Puis, à l’été 1976, Peugeot procède à la refonte de la gamme 104 à l’occasion de l’arrivée du hayon sur les 104 quatre cinq portes. La 104 monte en gamme, la version L est supprimée et remplacée par la GL (qui reprend la finition de la L), elle conserve le 954cm3. Au-dessus, arrive la GL6 qui entre dans la catégorie des 6CV avec le moteur X de 1.124cm3 à simple carburateur pour 57Ch, elle reçoit les optiques des 104Z et les clignotants migrent dans le pare-chocs. Au-dessus, le haut de gamme nommé SL reprend le moteur 1.124cm3 de 57Ch mais reçoit la finition de l’ancienne GL, avec en sus une montre électrique, les ceintures avant à enrouleur et des commandes de ventilation éclairées. Pour tenter d’être complet, notons la présentation d’une barquette sur base Peugeot 104, la Peugette, dessinée par Pininfarina et dévoilée lors du salon de Paris. Hélas, sans suite… 

                   Jusqu’en 1978, la Peugeot 104 subit peu de modifications, cette année-là, la 104 coupé reçoit de nouveaux feux arrière et les ZS des longues portés intégrés sur le pare-chocs avant. Peugeot décline également la 104 trois portes en une version commerciale, la ZA, sans banquette arrière.  1978 est surtout marquée par l’arrivée de la première série limitée du modèle, nommée Sundgau, elle célèbre les 15 ans du centre de production de Mulhouse et ne fut produite qu’à seulement 1.200 unités. La Zungdau est construite sur la base d’une GL6, et reçoit une robe grise métallisée avec une bande adhésive de couleur noire et un numéro sur l’aile avant droite. Le modèle s’équipe aussi de jantes alliage « Dunlop » et d’un essuie-glace sur le hayon.

                    En 1979, la gamme 104 est complétée d’une 104S, il s’agit d’une berline cinq portes reprenant le moteur et la finition de la Zundgau, sans sa présentation spécifique, elle s’équipe du 1.124cm3 de 66Ch. L’année 1979 est surtout marquée par la présentation de la version sportive de la 104, la ZS2. Cette dernière reçoit le moteur X de 1.360cm3 pour une puissance de 93Ch, obtenue notamment avec l’aide de deux carburateurs Solex double corps et d’un arbre à cames spécifique. Avec son poids plume de 780kg, la ZS2 s’offre de belles performances :  jusqu’à 180km/h, 10,5 secondes pour le 0-100km/h, ou encore 32,5 secondes pour couvrir le kilomètre départ arrêté. Malgré tout, il y a de quoi tenir la dragée haute aux Renault 5 Alpine ou Volkswagen Golf GT 1600. Le coupé ZS2 ne sera disponible qu’à 1.000 exemplaires, une production nécessaire pour homologuer le modèle en Groupe 2. Pour être complet, 1979 voit le coupé ZL recevoir le 1124 cm³ de 57ch.

                   En 1980, Peugeot opère une refonte de la gamme 104 pour reprendre les appellations des récentes 305 et 505 : on parle désormais de GL, GR, SR…A partir de juillet 1980, les rapports de boite sont modifiés permettant d’abaisser la puissance fiscale des modèles. Du côté des berlines, la gamme débute avec la 104 GL qui devient une 4CV (moteur 954cm3 pour 45Ch), suivie de la GR avec son 1.124cm3 de 50Ch, également une 4CV. Suit la 104 SR avec ses 5CV, elle adopte le 1.219cm3 de 57Ch. Enfin, la 104 S chapeaute la gamme avec ses 7CV fiscaux. Du côté des coupés, les 104 Z et ZR héritent du 1.124cm3 de 50Cv et entrent dans la catégorie des 4CV, la 104 ZS reçoit le 1.360cm3 (également utilisé sur la Renault 14 TS) pour une puissance de 72Ch et 7CV fiscaux. 

                   Faisons un petit interlude pour regarder de haut le groupe Peugeot, composé de Citroën depuis 1974 et de Chrysler-Europe depuis 1978, renommé Talbot entre temps. L’ambition du constructeur sochalien était de faire émerger un General Motors à l’européenne, mais l’intégration de ces deux constructeurs (surtout de Talbot) ne se fait pas sans difficultés. Financièrement, les comptes de Peugeot passent dans le rouge et la survie de l’entreprise n’est plus assurée. Le projet M24 qui va faire naître la Peugeot 205 est encore dans les bureaux d’études, la direction en attend beaucoup pour remettre les comptes dans le vert à échéance 1985. En attendant, il faut survivre. Du côté de la Peugeot 104, sa base technique sert à l’élaboration de la Citroën Visa (1978) et de la Talbot Samba (1981), deux offres différentes de la 104 mais qui peuvent venir gêner la carrière de la petite Peugeot.

            En 1981, Peugeot joue à nouveau la carte de la série spéciale en présentant la 104 Z Plus, dont l’objectif est de dynamiser les ventes de la 104. Proposée à partir d’avril 1981, la 104 Z Plus se pare d’une robe noire avec des décorations orange, et un habitacle richement équipée avec une sellerie spécifique, appuie-tête, autoradio FM et volant type sport. Les 3.000 exemplaires s’écoulent rapidement, si bien que Peugeot lança une seconde opération 104 Plus pour le millésime 1982 avec une dotation de 5.000 unités.

               Entre temps, la gamme Peugeot 104 reçoit un restylage qui les voit adopter une nouvelle calandre et des optiques larges, Peugeot en profite pour monter un rétroviseur en plastique et le pare-brise feuilleté, désormais rendu obligatoire. La 104 GL troque son moteur 954cm3 contre le 1.124cm3. Début 1983, le coupé ZR s’efface au profit d’une ZS de 72Ch (commercialisée en parallèle de la ZS 80Ch), et Peugeot lance une nouvelle série limitée, la 104 Style Z réalisée sur la base d’une 104 Coupé, avec un intérieur en tweed et une présentation extérieure rehaussée d’un spoiler avant et d’un monogramme spécifique, sans oublier l’adoption d’une boite à cinq rapports.

           Février 1983, la Peugeot 205 est commercialisée et connait rapidement un succès commercial. La 104 commence à s’effacer pour laisser le plus de place possible à la nouvelle venue, que ce soit en concession ou sur les chaînes de montage. Dès lors, à partir de juillet 1983, la gamme 104 est simplifiée : les berlines cinq portes s’effacent au profit de la seule 104 GL, remplacée à partir de juin 1984 par la GLS, une version richement équipée avec peinture métallisée, enjoliveurs en plastique, autoradio, sellerie tweed. Sa production quitte Sochaux pour être transférée au sein des établissements Chausson. Du côté des coupés, seule la 104ZS 72Ch est supprimée après quelques mois au catalogue.  

1986 : dernier restylage avec une calandre trois lames

                     A partir d’avril 1985, la Peugeot 104 ZS s’efface à son tour, il s’agit de laisser la place libre à la 205 GTI sortie un an plus tôt. La gamme 104 est alors composée de la berline GLS et des coupés Z, ZA et Style Z. Peugeot offre à la 104 une nouvelle calandre à l’été 1986, avec ses trois barrettes horizontale, elle est censée harmoniser le style Peugeot. On en profite pour peindre les pare-chocs en gris et doter la 104 de véritables enjoliveurs. Une ultime évolution qui mène la 104 vers sa fin de carrière.

                       Les dernières Peugeot 104 sont produites courant mai 1988, le modèle est alors peu mis en avant par le réseau Peugeot qui n’a d’yeux que pour les 205 et 405. Au final, ce sont 1.624.992 Peugeot 104 qui ont été produites, c’est certes un beau score mais on est très loin des cinq millions de Renault 5. En rajoutant les 1,2 million de Citroën Visa, les 288.010 Talbot Samba et les 350.000 LN/LNA, c’est tout de même 3,5 millions d’automobiles qu’aura engendré la Peugeot 104.

Sources
PAGNEUX Dominique, PEUGEOT, l'aventure automobile. Ed. ETAI, 2000. ISBN 2-7268-8434-2
BELLU René, Toutes les Peugeot, Ed. jean-Pierre Delville, 1994. ISBN 2-85922-025-9.