Renault Vel Satis (2002-2009)

            La Vel Satis, elle devait être le fer de lance de Renault et marquer sa reconquête du marché haut de gamme avec un produit différent des rivales allemandes. Hélas, un plan produit se chevauchant avec l’Avantime, un style particulier et une fiabilité désastreuse ont fait de la Vel Satis l’un des grands échecs de Renault…  

            Renault devenue Régine Nationale en 1945 tente de proposer une gamme globale allant de la voiture populaire à la voiture « premium ». Si le succès est là pour sa gamme populaire avec les 4CV, Dauphine, R4 et tant d’autres, le haut de gamme patine et les échecs se succèdent : Frégate, Rambler, Renault 30… Le succès arrivait enfin avec la Renault 25, commercialisée entre 1984 et 1992 à presque 800.000 exemplaires. Le succès reste relatif puisque obtenu sur le seul marché français, à l’export, la Renault 25 s’écoulait au compte goutte. En 1992, la Safrane prend la relève, si la voiture a des qualités, elle demeure « fade » et la concurrence germanique s’est étoffée : seules 310.000 Safrane s’écoulent… Un petit « exploit » puisque les années 1990 sont marquées par la baisse des ventes de berlines, la clientèle se reportant vers les monospaces dont Renault fut l’un des instigateurs avec son Espace.

Avant la Vel Satis : la Safrane 

La Renault Safrane a le difficile rôle de remplacer la Renault 25, une tâche difficile car la R25 était la première berline haut de gamme à s’imposer sur le marché après de nombreux échecs. Si la Safrane n’atteint pas des volumes aussi conséquents que sa devancière, elle … [en savoir plus…]

             Pour exister face aux berlines allemandes, Renault – comme ses rivaux – a deux options : imiter les berlines allemandes ou exister différemment. Copier, c’est être en retard sur la concurrence et comme le dit le dicton, il est difficile d’égaler, bref, une voie qui mène vers l’échec. L’autre option, c’est d’exister différemment en proposant un produit en dehors des standards allemands. Renault prendra cette direction, le constructeur au losange avait tout les prérequis pour tenter d’imposer sa vision : un bureau d’études prolifique mené par Le Quément, auteur des Twingo et Scénic, et une direction assurée par un Louis Schweitzer prête aux coups d’éclats, preuve en est (entre autres) avec le lancement du Spider en 1995.

        Au milieu des années 1990, le bureau d’études Renault est déjà tourné vers le remplacement de la Safrane, en mars 1995, le concept-car Initiale est présenté dans le cadre du salon de Genève (il fut dévoilé en avant-première à Bagatelle). Berline statutaire mue par un moteur Renault Sport V10 de 3,5 litres pour 392Ch, un intérieur recouvert de cuir avec l’expérience de Louis Vuitton, et une ligne bien tranchée. Le modèle resta au stade de prototype, son dessin (pour la partie arrière) préfigure la future génération de Laguna. En tout cas, Renault tente de montrer qu’une autre voie est possible dans les berlines haut de gamme.

               Le slogan de Renault à cette époque, c’était « les voitures à vivre », un slogan qui deviendra d’autant plus vrai avec l’expérience de Renault dans l’habitabilité : l’Espace n’y est pas pour rien, les Twingo et le Scénic sont des références en la matière. La nouvelle berline haut de gamme de Renault sera tournée vers l’habitacle, dont les maîtres-mots sont volume et confort. Au salon de Paris 1998, Renault y dévoile le concept-car Vel Satis (pour Vélocité et Satisfaction), un étonnant coupé haut de gamme à quatre places au dessin radical qui préfigure les Renault de demain.

                 Renault avance dans sa quête du haut de gamme différent, le grand public ne sait pas encore que le sommet de la gamme Renault sera composé de deux modèles : un monospace-coupé proposé par Matra, l’Avantime, dont le concept est présenté début 1999, et la berline Vel Satis objet du présent article. L’Avantime doit apparaître à la fin de l’année 2000, la Vel Satis courant 2002 afin de laisser chaque modèle s’installer et éviter deux lancements coup sur coup qui pourrait brouiller la clientèle. Et malheureusement, le cauchemar de Renault arriva : la mise en point de l’Avantime prend du retard, sa présentation intervient en juin 2001 et une commercialisation effective à la fin de l’année. La Vel Satis est quant à elle présenté au salon de Genève 2001 et commercialisée au premier trimestre 2002.

              Dans sa version définitive, la Vel Satis est une berline haut de gamme de 4,86 mètres de long pour 1,86 mètre de large. Voulant une voiture spacieuse, le pavillon de la Vel Satis culmine à 1,55 mètre de hauteur (assez pour permettre à la Reine d’Angleterre d’entrer dans la voiture avec son chapeau en 2014 !). Le moins que l’on puisse dire, la ligne de la Vel Satis ne laisse pas indifférent : on aime ou on déteste, une grande partie du public critique la voiture : le profil déroute (Renault restant fidèle au hayon), la face avant avec ses grandes optiques et sa calandre à barres chromées dérange… Pour certains, nous ne sommes pas face à une berline mais un hybride break/monospace.

                 Heureusement, l’habitacle est à la hauteur, le volume est présent et la finition de base est plutôt bien lotie : climatisation bizone, rétroviseurs électriques et dégivrants, radio-CD, frein de parking électrique, six airbags et ESP, ASR pour la sécurité. Dans les finitions plus luxueuses, on notera les jantes alliage, le GPS, radar de recul; le bois et le cuir sont quant à eux réservés à la finition Initiale en haut du catalogue. Les matériaux utilisés semble de qualité, la finition est travaillée, les fauteuils bénéficient de très bonnes assises : on n’est pas loin du salon roulant.

               En revanche, l’offre de motorisations n’est pas à la hauteur, au mieux, la Vel Satis s’équipe de V6 : V6 3.5 essence de 245Ch d’origine Nissan (la récente alliance n’est pas loin) ou V6 DCi (Diesel donc) de 3,0 litres pour 180Ch. Mais le V6 est réservé pour le haut de la gamme, le reste se contente de quatre cylindres essence (2,0 Turbo de 165Ch) ou Diesel (2,2 litres DCI de 115 ou 150Ch). Si Renault disposait bien d’un V6 essence (le V6 ES/L) présent sur l’Avantime, Renault en fait l’impasse sur la Vel Satis. Renault a malheureusement été à l’économie sur les moteurs, le V6 DCi en est l’exemple le plus criant : développer ce moteur en interne aurait coûté trop cher, on préféra faire appel à Isuzu, spécialiste des Diesel, pour lui acheter un moteur et le rebadger du losange.

               Avec les lancements simultanés des Vel Satis et Avantime, Renault propose une offre haut de gamme certainement la plus décalée du marché, mais la clientèle y perd son latin. Début 2003, le bilan des ventes sur l’année 2002 n’est pas bon (certes, Vel Satis n’a été vendue que sur neuf mois), pire, les Vel Satis sont abonnées au service après-vente pour divers maux, parfois anodins (perte des baguettes de porte en roulant – ce qui fait enrager sur une voiture à 40.000€ en entrée de gamme) mais souvent pour des problèmes majeurs : l’électronique n’est pas au point (tant pour la gestion du moteur que pour la carte de démarrage), des vannes EGR s’encrassent, une direction qui prend du jeu, des optiques qui se dérèglent… La liste pourrait être encore plus longue.

           Pire, le moteur V6 DCi provenant de chez Isuzu accumule les problèmes, outre une consommation excessive, les problèmes d’injecteurs sont fréquents, et surtout, le refroidissement n’empêche pas le moteur de chauffer jusqu’à la casse. Les déboires de la Vel Satis font les choux gras de la presse automobile, Renault lance un rappel général au cours de l’été 2003. Cette année fut une année noire pour le haut de gamme Renault, l’Avantime ne trouvant pas son public est stoppé sur le champ, les ventes de la Vel Satis sont en chute de 23% par rapport au millésime 2002. L’échec commercial est alors inéluctable.

 

               Certes, Renault tenta de corriger le tir en améliorant en permanence Vel Satis, jusqu’à un restylage lancé en avril 2005 censé rendre la voiture plus attrayante, Renault en profite pour lancer le quatre cylindres 2,2 litres DCi de 140Cv. Mais le mal est fait, la Vel Satis souffre de sa réputation de voiture peu fiable, sa carrière ne s’en releva pas. En juin 2006, Renault remplace les 2,2 litres Diesel par des 2.0 litres DCi, la fiabilité est enfin de mise. Trop tard. En outre, les Vel Satis souffrent d’une forte décote : à quoi bon en acheter une neuve disponible moitié moins chère en seconde main ? Au cours de l’année 2008, moins de 1.800 clients prennent commande d’une Vel Satis ! En 2009, Renault met un terme à la production de la Vel Satis après 62.201 exemplaires (quand Renault tablait sur 50.000 exemplaires par an…), les derniers exemplaires sortent des parcs des concessions fin 2010. 

               Inutile de le dire, la Vel Satis est un échec important pour Renault, à l’exception de l’Avantime, il faut remonter à la Colorale des années 1950 pour trouver un échec aussi cuisant (si l’on excepte la Rambler que Renault n’avait pas conçue). Le haut de gamme Renault aura du mal à s’en relever, pour remplacer Vel Satis, Renault rebadge une Samsung (un constructeur coréen appartenant au Groupe Renault) pour donner naissance à la Latitude qui, elle aussi, connait l’échec; suivie par une Talisman prenant une place hybride en remplaçant tant la Laguna que la Latitude.

4 réflexions sur « Renault Vel Satis (2002-2009) »

  1. Côté déboires en fiabilité, il faut aussi se rappeler de la psychose des régulateurs de vitesse, qui selon leurs victimes, se bloquaient et transformaient en missiles… aux barrières de péage!!!
    Dommage, le concept Initiale à vraiment fait rêver le gamin de cinq ans que j’étais, et certains commerciaux ont bien fait rire les clients potentiels qu’étaient mes parents-lorsqu’ils se sont vus refuser un essai, étant venus à moto, mais ce refus s’était envolé une fois revenu à la concession avec leur A6 d’alors… Tout était dit…

  2. Des lignes étranges pour une automobile qui déroutait à l’époque de sa sortie et qui a très vite et mal vieilli. Cet hybride de monospace et de berline se prêtait mal aux extrapolations de carrossiers dont ont pu bénéficier les précédents haut-de-gamme français, avec la fortune que l’on sait : cabriolets, limousines, landaulets. En outre, comme à chaque fois qu’on a prétendu en France donner dans le premium depuis les années 70, la motorisation n’a pas suivi. L’Avantime surfait sur un retour hypothétique du coupé haut-de-gamme sous nos latitudes. Trop cher, insuffisamment motorisé, d’un style peu évocateur d’une voiture de rêve, l’Avantine a connu le triste sort du mini-Kangoo, autre aberration dont Renault était coutumière à cette époque-là.
    Citroën ne fut pas en reste avec sa C6. Comme quoi, en matière de haut-de-gamme, il ne suffit pas de faire différent, il convient de mieux faire.

  3. De très beaux véhicules, mais effectivement, comme souvent (rappelez vous la DS, la SM, la 605 …) les premiers acheteurs servent de béta testeurs, mais avec la concurrence, et à ce prix, ça ne pardonne plus.
    Par contre les dernières Vel Satis V6 essence sont de très bon véhicules qui ne valent souvent pas très chers en occasion.

    Savez vous comment était surnommée l’Avantime au sein du technocentre ? After Time.
    ça donne un idée du retard accumulé … et qui ne sera jamais rattrapé par les ventes.

  4. Ha la Vel Satis… à l’époque quant je la comparais au concept car Initiale… je suis surpris qu’il en ai gardé que le nom… Berf…
    J’ai une Latitude et c’est une excellente auto que j’ai toujours trouvé belle mais qui dans l’habitacle n’a pas la finition qu’il faut En Europe.
    Par contre elle n’est pas un échec commerciale en Corée où elle y est toujours produite !

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