Si l’industrie britannique peut se résumer à la British Motors Corporation, entreprise qui possédait quasiment toutes les marques nationales, quelques irréductibles restaient autonomes, comme Triumph. Hélas, le passage au sein de la BMC écorna l’image de ce constructeur, dont la fiabilité deviendra aléatoire… Exemple avec la Stag, une tentative de montée en gamme…
Dans les années 1960, la marque Triumph avait la cote grâce à ses nombreux roadsters, la TR4 dévoilée en 1961 avait la lourde tâche de remplacer la TR3 et réussit à s’imposer en Europe, comme aux Etats-Unis. La TR4 marque aussi la première collaboration avec le styliste Michelotti qui donne aux roadster Triumph quelques traits caractéristiques des italiennes, lequel se transforme en TR5 (lire aussi : Triumph TR5) à partir de 1967 avec un moteur plus gros pour rester sur le devant de la scène du côté des performances, avant l’arrivée de la TR6 signée Karmann en 1969.
Si la TR6 va démarrer sa carrière sur les chapeaux de roues, Triumph ne peut ignorer que la clientèle attirée par les roadsters anglais commence à regarder du côté des coupés plus haut de gamme, segment sur laquelle la Mercedes SL se taille la part du lion, notamment aux Etats-Unis, principale débouchée de Triumph. Bref, la marque anglaise se rend à l’évidence, pour éviter de perdre des parts de marché, il faut monter en gamme, le projet Stag naît alors.
Pour la carrosserie, Harry Webster, patron de Triumph, reste fidèle au coup de crayon de Michelotti, qui livre un dessin moderne, élancé, tout en essayant de conserver un côté baroque à l’anglaise. La ligne de la Triumph Stag reste ainsi sage, sans surprise, à l’exception de l’arceau qui encercle l’habitacle, sorte de T-Top imposé par la législation américaine qui fait perdre beaucoup à la grâce du modèle.
Si Michelotti reste à la barre du design, le projet Stag prend un coup dans l’aile lors de l’incorporation de Triumph dans le groupe BMC en 1968, si un coupé et un cabriolet étaient de la partie, seule cette seconde proposition fut conservée. En revanche, convaincue parle côté haut de gamme du projet, la nouvelle direction de Triumph accorde à la voiture le droit de vivre avec pour seul et unique moteur un V8 de 3,0 litres de cylindrée. Adieux projets de six cylindres en ligne ou de quatre cylindres à seize soupapes…
Le moteur de la Stag est sans aucun doute son atout, du moins sur le papier, car proposant 147Cv sur la version européenne (127 aux Etats-Unis), cette puissance s’avère un peu légère pour mouvoir convenablement les 1.275kg de la voiture, bien que Triumph affiche une vitesse maximale de l’ordre de 180 à 190km/h. Mais en pratique, ce V8 fut le talon d’Achille de la voiture, sa fiabilité fait défaut en raison d’un refroidissement mal étudié ou encore d’une distribution à refaire tous les 30.000km…
Les déboires des premiers exemplaires si tôt connus, les ventes de la Stag stagnent sans jamais connaître une euphorie, le constat est hélas le même en Europe et aux Etats-Unis. L’industrie britannique connait alors sa pire décennie, la Stag fait partie de ces voitures qui participent à la décadence de l’automobile anglaise… Produite jusqu’en 1977, la Stag s’efface dans le plus grand silence après 25.939 unités écoulées, et ne fut importée aux Etats-Unis que durant trois années… Bref, outre le fait de n’avoir jamais pu rivaliser avec la Mercedes SL, la Stag écorna l’image de la marque…
Petite correction : la ligne de la TR6 n’était plus signée Michelotti, mais Karmann. A part ça, félicitations pour votre excellent site, que je consulte pratiquement tous les jours.