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Citroën Traction 7C – 1939

                 La Citroën Traction est sans aucun doute l‘un des plus grands mythes de l‘automobile française, entre ligne moderne pour les années 1930 et les nombreuses innovations qu‘elle embarque, notamment celle dont elle reprend le nom : la traction. Ses qualités sont nombreuses pour les années 1930, performances, tenue de route, confort et sécurité sont au rendez-vous, si bien que l’on surnommera rapidement la Traction en  « reine de la route ». Voiture mythique, elle le doit aussi parce qu’elle fut la dernière œuvre d’André Citroën, avant que celui-ci ne soit contraint de quitter son entreprise, peu de temps avant sa mort. Et enfin, voiture marquant l’histoire par son utilisation lors de la seconde guerre mondiale. 

               Pour cet article, c’est presque dans la version originale de la Traction que nous embarquons, avec une 7C! Mais celle-ci, de 1939 et donc d‘avant guerre, reste cependant éloigné des premières 7A de 1934 sur le plan technique, si bien que la 7C de 1939 n’a, en définitive, plus grand-chose à voir avec les premières Traction, si ce n‘est la ligne. Mais la dénomination « 7 » reste là, est c’est donc très humblement que nous allons étudier le modèle !

                 Le début des années 1930 n’est pas joyeux du côté du quai de Javel, puisque les Citroën C4 et C6 arrivent au terme de leur carrière en 1932, cédant leur place à la Citroën Rosalie, laquelle semble plus être une version améliorée de la C4. La gamme Citroën se réduisant plus qu’à cette voiture, peu innovante par rapport à ce qu’avait pu faire le constructeur jusque là, la Rosalie n’attire peu les foules. Si toutefois la voiture se vend bien, sa production à elle seule ne suffit pas à pérenniser la société, qui perdait inexorablement de l’argent. Et pour cause, André Citroën, communiquant maladif, dépense énormément en matière de publicité, et si le krach boursier de 1929 se répercute en France en 1930 avec une chute de 48% de ses ventes, les dépenses ne diminuent pas. Plus encore, pour réparer l’affront que Renault lui a fait avec sa nouvelle et ultramoderne usine de l’Ile Seguin, André Citroën s’endette pour moderniser l’usine du Quai de Javel, laquelle est désormais conçue sur le modèle américain et capable de sortir plus de 1.000 véhicules par jour ! Si l’inauguration de l’usine a lieu début octobre 1933 avec un fastueux banquet offert à 6.000 invités, d’autres dépenses importantes ont cours, dont le développement d’une voiture ultramoderne, commencée en 1932, laquelle donnera naissance à la Traction.

               Cependant, parler de « Citroën Traction » à cette époque est anachronique, puisque ce projet de voiture qui se veut être une 7Cv fiscaux portera le nom de Citroën « 7A » . Ce n’est que l’histoire qui rebaptisera ce modèle en Citroën « Traction Avant ». Innovante, la 7A devait donc l’être, ne serait-ce pour coller à l’image de Citroën, cette marque qui innove sans cesse, de la production en grande série en Europe, au moteur flottant, en passant par la caisse tout-acier. Et la Traction va frapper un grand coup en embarquant de nombreuses innovations. Et lors de sa présentation, le 18 Avril 1934, toutes ces innovations sont passées en revues.

               Ainsi, la Citroën « 7A » adopte la traction avant, c’est-à-dire que ce sont les roues avant qui entrainent la voiture, une particularité peu rependue dans les années 1930 où la propulsion était la norme car bien plus simple à concevoir. Mais la traction n’est pas une invention d’André Citroën, puisque durant les années 1928/1930, quelques rares voitures adoptent ce mode de transmission, aux Etats-Unis avec la Cord L-29, mais aussi en Allemagne en 1930 où Stoewer présente la première automobile à traction d’Europe, le français Tracta et l’anglais Alvis suivent le pas. Et l’année précédant la présentation de la Citroën Traction, les Rosengart Supertraction et Chenard & Walcker Super Aigle 4 proposent cette solution. Mais aucune d’entre-elles ne percera comme la Traction le fera… Injuste histoire qui retient la Citroën 7A comme la première traction automobile !

               Dans la liste des autres innovations adoptées par la Citroën Traction, citons la structure monocoque qui permet de s’affranchir d’un châssis, abaissant le centre de gravité de la voiture, afin de lui octroyer une tenue de route sans faille. D’ailleurs, pour concevoir cette caisse monocoque, Citroën achète un Brevet aux Etats-Unis auprès de l’entreprise Budd. Notons encore le freinage qui se fait non plus par câbles, mais par système hydraulique Lockheed; les quatre roues indépendantes; le système de cardan pour les roues avant; le moteur flottant, moteur à soupapes en tête … Le tout sublimé par une carrosserie à l’allure aérodynamique, permettant de se distinguer des « caisses carrées », et d’être dans l’ère du temps, avec des inspirations du Streamline Moderne.  La Citroën Traction n’a finalement d’innovant que le fait d’associer des solutions techniques peu diffusées pour les années 1930 ; mais elle conserve toutefois quelques éléments de son époque, comme une direction à boitier sur les premiers modèles, ou encore des amortisseurs à friction…

               Cependant, si la Traction était innovante lors de sa présentation, Citroën dû faire des compromis, l’entreprise étant à l’agonie. La Traction devait être lancée au plus vite afin d’inverser la baisse des ventes. Ainsi, à l’origine, la Traction aurait dû être équipée d’une transmission automatique, mais les problèmes de mise au point ne permettaient pas de lancer le concept, si bien que les ingénieurs Citroën intégreront une boite mécanique à trois rapports dont le maniement se révélera compliqué.

               Mais pire encore, les problèmes financiers de Citroën ne permettent pas de faire une mise au point minutieuse de la Traction, laquelle sera lancée sans doute trop hâtivement. La marque aurait-elle pu faire autrement ? Sans doute que non. Malheureusement, se seront les premiers clients qui en essuieront les plâtres, entre cardans qui cèdent en laissant s’échapper les roues avant, la caisse monocoque pas assez rigide qui a tendance à se vriller, sans oublier que fin 1934, le réseau Citroën n’était pas encore alimenté en pièces de rechange pour la Traction et peu de garages disposaient de formation pour réparer la Traction. De là, la Traction pâtit d’une image de voiture peu fiable, affectant les ventes. Le miracle tant espéré ne se réalise pas, Citroën est mis en liquidation le 21 Décembre 1934.

               Heureusement, Michelin vient en sauveur, sauvant l’entreprise et apportant de l’argent frais qui permettra aux ingénieurs d’améliorer sans cesse le modèle, tant sur le plan de la fiabilité, que sur le plan de la puissance développée par les moteurs. Ainsi, aux côtés de la Traction 7Cv figurent désormais la 11Cv, et bientôt la 15Cv présentée en 1938.

               Mais pour cet article, c’est la version 7 qui nous intéressera, car cette Traction est une 7C de 1939. La version 7C apparait courant décembre 1934 et était une amélioration de la 7B, elle-même issue de l’originale 7A. Au rang des nouveautés figurent sur la 7C un nouveau moteur de 1.628Cm3, lequel permet à la voiture d’avoir une puissance fiscale de 9CV. Ce quatre cylindres en ligne développe 36Cv à 3.800TYr/min, guère plus que la 7B en définitive, mais en améliorait la fiabilité. Autre nouveauté, sur la caisse autoporteuse cette-fois, le toit est désormais entièrement tôlé, car les premières Traction avaient un toit en molesquine, non pas par soucis d’économie, mais parce que début 1934, Citroën ne disposait pas de l’outillage pour usiner des toits d’une seule pièce. Avec cette évolution, la Traction gagne en rigidité, et compte bien mettre un terme aux problèmes rencontrés jusque là par les caisses.

              Puis la 7C évoluera au fur à mesure des nouveautés apportées sur la gamme Traction, en 1935, la malle peut désormais s’ouvrir de l’extérieur, en 1936 la direction à crémaillère fait son apparition, et en 1938, la 7C s’équipe d’ailes larges et de roues « Pilote » de couleur jaune. Et c’est une de ces versions que nous avons pour cet article, avant que les 7C, courant 1939 deviennent des 7C Eco. Quant à la carrière de la 7C, elle se termine en 1941, après 67.000 exemplaires.

               Pour en revenir à la Citroën Traction 7C de notre article, cette-ci a été acquise début 1939 en Saône et Loire. Bien évident, datant de 1939, la seconde guerre mondiale fait partie de l’histoire de l’auto, où la Traction était réquisitionnée à la fois par l’armée française au début, puis par l’armée allemande ou la Résistance par la suite. Son propriétaire d’alors, ancien soldat de la première guerre mondiale, connaissait ces pratiques, et avant que les Allemands n’arrivent dans la région, celui-ci démonte les roues de la voiture et met la Traction sur calles, sans oublier de cacher les jantes. Ainsi, lorsque les allemands arrivent, et demandent à réquisitionner la voiture, les voilà bien embêtés, son propriétaire jurant que l’armée française est venue réquisitionner les pneumatiques et les jantes auparavant. Par ce petit acte de résistance, la voiture est restée à l’abri durant le conflit, et ne retrouvera ses roues qu’une fois la guerre terminée. Ensuite, la voiture  restera dans la même famille pendant de nombreuses décennies, puis suite à un héritage, un descendant reprend cette Traction et lui octroie une restauration dans les années 1980. Et aujourd’hui, c’est dans cet état que nous est parvenue cette Traction 7C, certes restaurée mais présentant la patine des restaurations ayant quelques décennies, et c’est sans doute de la sorte que les Traction sont les plus belles. Pour la petite histoire, cette voiture ne quitta le patrimoine de la famille propriétaire qu’en 2014, où elle été acquise par un passionné de véhicules de la seconde guerre mondiale, où elle jouera le rôle honorable de voiture de la Résistance, en étant active cette fois-ci !

               Pour réaliser cet essai, il me faudra au préalable monter à la place du passager, afin de comprendre les rudiments de la Traction, mais aussi pour faire chauffer la mécanique. Quelques kilomètres plus loin, après un petit trajet par des routes de campagne, vient mon tour de prendre les commandes. La mécanique étant chaude, la procédure de départ est réduite à son minimum, et le simple fait de déloger la tirette de démarreur de son emplacement fait vrombir le quatre cylindres de cette Traction, lequel est prêt à avaler les kilomètres.

               Avant cela, il ne reste plus qu’à enlever le frein de stationnement, dont le levier, une simple barre métallique, se situe devant les genoux du passager, à l’évidence peu pratique à aller rabattre. Mais le plus difficile m’attend selon mon copilote : passer les vitesses sans faire craquer la boite ! Armé de son précieux conseil de décomposer le mouvement, je m’exécute tout en finesse pour amener le levier en bas à droite du cadran, et ça passe sans aucun bruit ! Mettons donc la voiture en mouvement, puis passons la seconde : là encore, en s’appliquant, la boite de vitesse ne craque pas !

               Mais ne nous focalisons plus sur cette boite de vitesses dont le maniement me semble acquis, et profitons de la conduite de cette Traction 7C. Et étonnamment, on roule sans se poser de questions, alors que nous sommes dans une voiture des années 1930 ! Les accélérations, sans être franches, sont plutôt honorables pour une voiture de son époque, quant à la vitesse de pointe, cette Traction 7C tient le 80/90km/h sans problème, seules les côtes marquées feront ralentir la voiture ! On pourrait même rouler sans aucun soucis dans le flot de la circulation actuelle. D’ailleurs, mon copilote du jour me fait justement remarquer que dans cette version, la Traction ne souffre pas du manque d’une quatrième vitesse, impression que l’on retrouve sur les Traction d’après guerre, notamment sur les 11.

               Les premières impressions sont bonnes, et rapidement en confiance, une ligne droite nous fait de l‘œil. Faire une pointe de vitesse en 7C serait un bien grand mot, nous sommes déjà à 90km/h et le cap des 100km/h, sans être inatteignable, parait bien loin… Au lieu de cela, mon copilote à un autre programme, me faire manipuler l’avance à l’allumage par une molette que l’on retrouve sur le tableau de bord à gauche du volant. Cette petite molette permet, selon le sens dans lequel on la tourne, de régler le moment où se déclenchera l’étincelle selon l’emplacement du piston, soit un peu plus tôt, soit un peu plus tard que le point de référence. Cet équipement était absolument nécessaire autrefois pour régler au mieux le moteur selon la qualité de l’essence servie dans les stations-service, et qui peut ne pas s’avérer si inutile de nos jours !

                Un autre point positif de la Traction est sans aucun doute sa direction, très précise, qui permet de placer la voiture exactement où on le souhaite ! On retrouve là les qualités du châssis monocoque qui abaisse le centre de gravité, permettant de prendre les virages à vitesse soutenue … du moins, à 70km/h, ce qui dans les années 1930 se révélait être une conduite sportive ! Cependant, il y a un revers à cette médaille, car si la direction est très précise à vitesse soutenue, à vitesse réduite, c’est un véritable calvaire qu’elle fait endurer au conducteur. Très lourde, la direction amène à un rayon de braquage considérable qui nécessite de nombreux tours de volant, de quoi garder la forme sans banc de musculation !

               Le freinage, enfin, est plutôt bon pour une voiture de son époque, les quatre freins à tambour font leur travail, bien que pour être efficaces, ils demandent d’appuyer fort sur la pédale; à moins d’anticiper fortement sa route ! Mais après tout, nous avons le temps à bord de nos anciennes, alors prenons un rythme plus calme pour ramener la voiture vers son garage…

               Au final, la Citroën Traction est une voiture carrée, presque sans surprise en ce qui concerne sa conduite, ou en tout cas, sans mauvaise surprise. La voiture dispose de grandes qualités qui, une fois testées, permettent de se rendre compte de l’avancée que fut la Traction dans l’histoire de l’automobile, et de se rendre compte de ce qui fait son mythe. On comprend ainsi facilement pourquoi les déboires des premières Citroën Traction ont été rapidement oubliés, ou pourquoi son utilisation était tant prisée par ceux que la vitesse obsédait ! Une voiture à essayer d’urgence si ce n‘est pas déjà fait !

Les +
_ Voiture mythique
_ Tenue de route
_ Confort
_ Fiabilité

Les –
_ Côte soutenue
_ Rares d’avant-guerre
_ Performances limitées
_ Maniabilité

 

Mes remerciements à Ludovic A. du « Relais de l’Auto Ancienne » pour la mise à disposition de cette Citroën Traction 7C de 1939 pour le temps d’un essai et des prises de vues, sans oublier J-F, qui corrige les articles avant publication.