Dans les années 1950, c’est l’hécatombe du côté des grands constructeurs français qui disparaissent les uns après les autres. Le luxe à la française ne se vend plus, laissant la place aux marques étrangères, tandis que l’industrie automobile française se tourne vers les voitures populaires. Certains tentent de survivre, comme Talbot qui lance en 1955 un coupé nommé T14…
L’automobile de luxe est un segment oublié du plan Pons au lendemain de la seconde guerre mondiale, pourtant, la France avait ses fers de lance avec de nombreux constructeurs capables de produire les plus belles voitures du monde avant-guerre, citons entre autres Talbot, Hotchkiss, Delahaye, Bugatti… Mais objectivement, en 1945, le marché automobile français était quasiment inexistant et la France avait besoin d’utilitaires et de petites voitures pour se reconstruire. Exit donc l’automobile de luxe ?
Bien qu’oublié, les constructeurs de luxe reprennent leurs productions rapidement, Talbot développe dès 1946 une voiture sportive, la T26, qui s’habille chez les plus grands carrossiers, et qui fit la gloire de son constructeur en compétition avec une victoire aux 24 heures du Mans 1950. Mais derrière cette façade, et malgré l’apparition de nouveaux modèles comme la T15 en 1949 et la T14 Baby en 1950, les finances de Talbot ne sont pas au beau fixe.
En 1953, Anthony Lago fait prendre un virage à sa marque Talbot en décidant d’abandonner la commercialisation des berlines Baby et Record, seule reste la sportive T26 qui se voit profondément remaniée, avec une carrosserie Ponton pour rivaliser avec la concurrence étrangère et surtout, donner une image moderne à la marque. Cette ligne est signée par le styliste Carlo Delaisse qui travaillait également pour les carrossiers Chapron et Letourneur & Marchand. Et sous le capot, la T26 de 1953 reprend le moteur 26Cv des records qui emmène la voiture jusuq’à 195km/h. Hélas, le prix trop élevé de ce modèle (50% plus cher qu’une Jaguar par exemple) ne la fait s’écouler qu’à 15 unités en deux ans…
En mai 1955, Talbot est une entreprise aux aboies, mais elle tente de lever la tête en présentant un nouveau modèle, la berlinette T14 LS (pour Lago Sport) qui prend la place de la T26 en reprenant le dessin de sa carrosserie dans des proportions réduites. Anthony Lago souhaite en effet produire une voiture plus petite que la T26 tout en reprenant la même recette pour espérer proposer un prix plus accessible. La Talbot T14 LS est donc une stricte deux places, le châssis tubulaire voit son empattement réduit à 2,5 mètres, ce qui permet de gagner 600kg par rapport à la Talbot T26.
Pour des raisons d’économies, le moteur de la T14 LS est donc moins prestigieux que celui de sa devancière, il s’agit d’un nouveau quatre cylindres en ligne de 2.491cm3, alimenté par deux carburateurs Weber double corps, qui développait 120Cv. Il lui est adjoint une boite de vitesse Pont-a-Mousson, déjà montée sur les Ford Comète et autres Facel Vega V8, qui présente l’avantage d’être moins onéreux à l’achat. Les performances sont au rendez-vous, la Talbot T14LS peut se vanter d’une pointe à 180km/h !
Quant à la ligne de la voiture, Talbot a réussi son pari car la T14 LS séduit le public avec son allure racée. Hélas, commercialisée à partir d’octobre 1955 lors de la présentation du modèle au Salon de Paris, la Talbot T14 LS n’amène pas les clients tant espérés et le carnet de commandes demeure faible. Il faut dire que le prix de la voiture est très élevé, 2.150.000 Francs, alors que Citroën venait de proposer sa révolutionnaire DS au prix de 930.000 Francs. A moins d’être un passionné de la marque Talbot, il fallait avoir de l’argent à revendre pour acheter la T14 LS…
Un an après le lancement de la voiture, les comptes ne sont pas terribles : seuls 45 exemplaires de la T14 LS ont trouvé preneur. Certes, c’est bien mieux que la T26 entre 1953 et 1955, mais Talbot attendait bien plus de sa nouvelle berlinette. Pour tenter de sauver le navire Talbot d’un naufrage certain, il est décidé de monter un V8 BMW sur le châssis de la T14 pour donner naissance à la Talbot T14 America. Avec ce modèle, Talbot met le cap aux Etats-Unis où les roadsters anglais et les sportives se vendent magnifiquement bien. Avec ce V8 de 2,5 litres qui développait 138Cv, la Talbot T14 America pouvait tutoyer les 200km/h. Hélas, son prix reste tout aussi élevé, la voiture était proposée en France à 2.900.000 Francs.
La Talbot T14 America connait le même échec que la T14LS avec seulement 12 unités produites en huit mois, contraignant Anthony Lago a chercher un nouveau partenariat. Des liens sont tissés avec Maserati mais aucun accord n’est conclu. Acculé, Anthony Lago se voit contraint de céder Talbot en décembre 1958 à Simca qui voit en Talbot la possibilité de racheter une usine, située à Suresnes, et surtout, les terrains voisins afin de soutenir la production de l’Aronde.
Simca tenta de faire vivre la T14 avec le moteur V8 Acquillon de la Chambord, mais avec ses 95Cv, la voiture ne pouvait atteindre qu’un petit 165km/h. En réalité, il ne s’agissait que de caisses de Talbot T14 restant dans les stocks de l’usine, seuls cinq exemplaires de la Simca-Talbot T14 ont été réalisés. Dès lors, la marque Talbot disparaît et est mise en sommeil, avant de réapparaître en 1979 lorsque Peugeot rachète Simca et décide de la renommer en Talbot…