Le monde découvre avec effroi la puissance du nucléaire en 1945 après les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. Passé le choc, le public apprend que derrière la bombe nucléaire se cache le réacteur nucléaire qui, dans les années 1950, dévoile son potentiel civil comme la production d’électricité. L’énergie nucléaire est alors vue comme l’énergie du futur, certains constructeurs automobile se mettent à rêver d’une voiture nucléaire…
La découverte du nucléaire : de la bombe à l’énergie du futur
Pour cet article, nous n’allons pas retracer l’histoire du nucléaire mais en rappeler les grandes lignes. En 1886, le français Henri Becquerel découvre la radioactivité en manipulant des sels d’uranium. Dans le même temps, le couple Pierre et Marie Curie découvre des éléments dont la radioactivité est plus forte que l’uranium : le polonium et le radium. En 1933, le couple Joliot-Curie fait la découverte que la radioactivité peut être créée par l’homme, puis en 1938, des chercheurs allemands effectuent la première fission nucléaire et remarquent la grande quantité d’énergie qui en est émise. L’énergie nucléaire vient alors de naître.
Reste à savoir comment utiliser cette énergie. Les Etats-Unis, par le biais d’Einstein, lancent le projet Manhattan pour créer une bombe nucléaire. Dans le cadre de ce projet, la première réaction en chaîne est obtenue en décembre 1942, la première bombe nucléaire explose en juillet 1945, puis quelques semaines plus tard, deux exemplaires sont lâchés sur le Japon avec la suite que tout le monde connait.
A côté de la bombe à proprement parler, l’armée américaine souhaite mettre à profit la puissance développée par les réacteurs nucléaires pour mouvoir ses navires, et notamment les sous-marins. Un premier réacteur test, démarré en 1953, mène à la naissance du premier sous marin nucléaire lancé en 1955 : l’USS Nautilus. D’autres expérimentations sont effectuées pour propulser des aéronefs dès 1946 avec un premier vol en 1955… En parallèle, les applications civiles du nucléaire sont à l’étude, le réacteur expérimental EBR-I aux Etats-Unis est le premier à produire de l’électricité à la fin de l’année 1951 à des fins expérimentales. La centrale d’Obninsk en URSS est la première à produire de l’électricité pour le grand public, suivie deux ans plus tard de la centrale de Marcoule en France et de Sellafied au Royaume-Uni. L’énergie du futur est en route…
Les « atomic cars »
Avec le nucléaire, le monde entre dans une nouvelle ère, celle d’une consommation illimitée. Le nucléaire fait rêver, et après des expérimentations sur les navires et les avions, l’idée d’une voiture nucléaire se conceptualise autour d’une pile atomique, avec plusieurs avantages : longue durée de vie ne nécessitant pas de faire des pleins d’essence, et pas de rejets de polluant, du moins le croit-on à cette époque.
1. Studebaker – Packard Astral (1958)
Présentée pour la première fois lors du South Bend Art Center le 18 janvier 1958, puis lors du salon de Genève de mars 1958, ce concept-car tient davantage de la voiture conceptuelle. Réalisé sous la direction d’Edward E. Hermann, ce véhicule est muni d’une seule roue gyroscopique, la fiche technique du concept-car suggérait que l’Astral pourrait se doter d’un moteur nucléaire. Bien évidement, le concept-car Astral n’est pas fonctionnel et aucun moteur nucléaire n’est intégré dans cette coque. Le seul intérêt de ce concept-car, outre surfer sur le rêve de la voiture volante et la prospérité promise par le nucléaire, fut de travailler la fibre de verre. Après l’exposition à Genève, l’Astral part s’exposer dans diverses concessions Packard avant d’être remisée et oubliée.
2. Ford Nucleon
Le 13 Février 1958, Ford présente à son tour sa vision de la voiture nucléaire sous la forme d’une maquette à l’échelle 1/33ème. Contrairement à la Studebacker-Packard, la vision de Ford est moins utopique : la voiture est propulsée par un petit réacteur nucléaire situé à l’arrière de la voiture alimenté par une capsule contenant le combustible nucléaire qui permettrait de parcourir 8.000km. Les ingénieurs de Ford rêvaient d’une capsule facilement remplaçable pour modifier la puissance du véhicule selon la volonté du conducteur. La Ford Nucleon semblait présager l’avenir avec le combustible nucléaire comme principale source d’énergie.
La Ford Nucleon resta au stade de la maquette, la technologie ne permettant pas la miniaturisation des réacteurs nucléaires ni le maniement du combustible dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Toutefois, ce projet eu un certain écho auprès du public.
3. Ford Seattle-itt XXI (1962)
Le 20 avril 1962, Ford présente un concept-car lors de l’exposition internationale de Seattle sous la forme d’une maquette à l’échelle 3/8èmes. Ce imposant coupé explore diverses pistes pour rouler à haute vitesse sur les autoroutes américaines : six roues pour une meilleure stabilité avec un double train avant, les ingénieurs rêvent d’un ordinateur pour aider le conducteur dans sa conduite en lui donnant des itinéraires et moult informations sur l’état de fonctionnement du moteur. Le moteur justement, celui-ci se trouve dans la partie avant, détachable du reste de la voiture, et accueille un réacteur nucléaire et sa recharge de combustible. Ainsi, reprenant le modèle de la Nucléon, le conducteur peut changer à sa guise de moteur pour passer de plus à moins puissant. Là encore, le projet reste au stade de la maquette.
4. Arbel Symetric (1958)
Cocorico ! Les Etats-Unis n’ont pas le monopole de la voiture nucléaire, les français ne sont pas en reste avec le projet Symetric, proposé par la Compagnie Normande d’Etudes. A l’origine, ce concept car est équipé d’un moteur de Simca 8 qui alimente un moteur électrique par roue. En 1958, ce projet est reprit par l’entreprise Arbel et propose divers motorisations dont un « Génestatom » alimenté avec des déchets nucléaires assurant une autonomie de 5 ans à la voiture. Présenté au salon de Genève 1958, les promoteurs de la voiture croyaient dur comme fer à la voiture… Tenant davantage d’un coup de bluff que d’une véritable recherche technologique, l’Arbel Symetric ne fit pas long feu. L’entreprise disparait même en 1959 faute de pouvoir véritablement lancer une production de la voiture dans sa version thermique. A moins qu’il ne s’agissait là d’une simple arnaque… [Lire aussi : Arbel Symetric…]
5. Simca Fulgur (1959)
Autre délire français venant d’un grand constructeur, la Simca Fulgur qui répondait au journal de tintin pour concevoir la voiture de l’an 2000. Le designer Robert Opron se lâche sur ce projet et peut s’apparenter au concept Studebacker-Packard Astral : voiture dirigée par radar, deux gyroscopes pour la maintenir en équilibre au-dessus de la route et une pile atomique pour mouvoir cet engin. Présenté au salon de Genève 1959 avant de faire une tournée aux Etats-Unis dans les années 1960/61, la Fulgur avait une fiche technique quelque peu décalée pour son temps… [Lire aussi : Simca Fulgur]
Conclusion
Bien évidement, si le nucléaire fascinait dans les années 1950/60, la crainte était de mise pour une frange de la population. La technologie ne permettant pas de miniaturiser les réacteurs nucléaires, les diverses contraintes de sécurité comme la protection contre les radiations, le traitement du combustible usagé, un ensemble d’éléments qui rendait vain toute recherche dans la voiture nucléaire, qui resta au stade de « rêve ». Finalement, le plus simple était de concevoir une voiture électrique alimentée, entre autre, par les centrales nucléaires !