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Lancia D50 (1954-1955)

           Aux débuts des années 1950, pour tenter de soutenir les ventes de Lancia, le constructeur italien s’engage officiellement en compétition automobile. Rapidement, Lancia vise le tout jeune championnat de Formule 1 avec la D50…

Lancia D50 (1)

           Fondé en 1906 par Vincenzo Lancia, Claudio Fogolin et Davide Aupicci, le constructeur italien Lancia fait le choix de délaisser la compétition automobile pour se concentrer sur la qualité de construction de ses voitures et l’innovation. On retient de Lancia le lancement d’une voiture équipée d’une installation électrique complète (démarreur, phares,…) avec la Theta en 1913, la Lambda en 1922 propose un châssis monocoque, une suspension indépendante et un moteur V4 à angle étroit. Lorsque Vincenzo Lancia décède, le 15 février 1937, sa veuve, Adele Miglietti, reprend les rênes de l’entreprise avant de céder la main à son fils Gianni Lancia  en 1947. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Lancia reste un constructeur « à l’ancienne » avec une production principalement faite à la main.

Lancia D20 (1)
Avec la D20, Lancia s’engage en catégorie « Voiture de Sport »

          C’est au tout début des années 1950 que Lancia débute véritablement un  engagement sportif (auparavant, les Lancia en compétition étaient engagées par des privés), timidement tout d’abord en apportant un soutien à ceux qui engagent des Lancia; puis en fondant un véritable département compétition en débauchant l’ingénieur Vittoria Jano officiant alors chez Alfa Romeo, qui réalise la barquette D20 permettant à Lancia de s’engager sur circuit en catégorie Sport, une voiture qui fut suivie d’évolutions qui permettent à Lancia de remporter des succès, et notamment un triplé à la Carrera Panamericana 1953 avec ses Lancia D24.

Lancia D24 (1)
Les succès de la D24 poussent Lancia a viser plus haut

                Pour la saison 1954, Lancia vise le championnat de Formule 1, pour cette saison, la Commission Sportive Internationale modifie la règlementation pour autoriser les moteurs jusqu’à 2,5 litres de cylindrée. Surtout, avec Jano dans ses rangs, Lancia peut espérer investir dans une voiture qui sera compétitive dès ses débuts. Ainsi naît la Lancia D50, conçue autour d’un nouveau moteur, un V8 de 2,5 litres dénommé DS50 qui présente l’avantage d’être compact et proposant jusqu’à 255Ch. Il est le premier moteur V8 a être conçu pour courir dans la catégorie reine du sport automobile. Mais surtout, ce moteur est conçu pour participer à la rigidité du châssis de la voiture en recevant les fixations de la suspension ce qui permet de se passer des traditionnels châssis qui étaient jusque-là utilisés pour soutenir le moteur.

Lancia D50 (1)
L’inclinaison du moteur est un signe caractéristique de la D50

              Dans la réflexion globale moteur-châssis de la Lancia D50, le moteur se place à l’avant et est incliné de 12 degrés par rapport à l’axe de la voiture, ce qui permet de faire passer l’arbre de transmission sur la gauche du siège du pilote, et non en dessous. Cette astuce permet de positionner plus bas le conducteur et donc d’abaisser le centre de gravité de la voiture pour en améliorer la stabilité. A l’arrière, une boite de vitesses à cinq rapports fait partie intégrante de l’essieu et permet de répartir au mieux le poids entre l’avant et l’arrière. Dernière spécificité intéressante, on équipe la Lancia D50 de deux réservoirs d’essence sur les côtés de la voiture, entre les roues avant et arrière, mais séparés de la coque de la voiture (alors que les réservoirs prenaient place, traditionnellement, dans la partie arrière de la voiture). Cette architecture permet de répartir au mieux le poids de l’essence pendant la course.

Lancia D50 - monza 1954 (1)

              La Lancia D50 fait ses premiers tours de roues le 24 février 1954 sur l’aéroport du Turin-Casselle, débute alors une longue et couteuse période de mise au point de la voiture pour fiabiliser les solutions techniques adoptées. Lancia recrute les deux pilotes Ferrari, Alberto Ascari et Luigi Villoreso qui attendent toute la saison leur monoplace. La Lancia D50 est prête pour son baptême de la compétition pour le dernier Grand-Prix de la saison, le GP d’Espagne. Entre temps, Ascari et Villoreso avaient l’autorisation d’effectuer des piges chez Ferrari et Maserati.

Lancia D50 - san remo 1954 (1)

       Au Grand Prix d’Espagne, la Lancia D50 est prometteuse, Ascari signe la pole position, Villoresi une cinquième place honorable sur la grille de départ qui comptait alors 21 voitures. En course, si Ascari perd sa première place dans les premiers mètres, c’est pour mieux la récupérer au troisième tour. Villoresi était déjà contraint à l’abandon sur un problème de frein survenu au premier tour, Ascari mène le grand-prix pendant sept tours avant que son embrayage ne lui fasse défaut. Lancia a encore du travail, mais peu avoir des ambitions pour le championnat 1955.

Lancia D50 - argentine 1955 (1)

            Pendant l’intersaison, l’ingénieur Jano fait évoluer la D50 en D50 A : freinage revu, suspensions modifiées, système de lubrification repensé, la capacité des réservoirs d’essence augmente, l’empattement gagne 86mm et le nez de la voiture évolue. Lancia recrute un troisième pilote, Eugénio Castelloti. Pour le premier Grand prix de la saison 1955, en Argentine, la Lancia la mieux classée sur la grille de départ est celle d’Ascari à la seconde position, la seconde Lancia n’est que douzième et partagée entre les mains de Castellotti et Villoresi. En course, Ascari prend la tête de la course à partir du 11ème tour mais abandonne sur une sortie de piste au 21ème tour. L’autre Lancia D50 A ne voit pas le drapeau à damiers, également sur une sortie de piste survenue au 35ème tour. Lancia peaufine sa préparation en participant à deux courses italiennes, hors championnat, et signe deux victoires.

Lancia D50 -Monaco 1955 (1)

           Pour le Grand Prix de Monaco, seconde manche du championnat, Lancia engage quatre voitures, Louis Chiron, local de l’épreuve, complète l’équipe des pilotes Lancia. Ascari signe une seconde position sur la grille de départ, entre les Mercedes de Fangio (1er) et Moss (3ème). Castellotti est en embuscade sur la quatrième place, Villoresi signe une septième place et Chiron se classe 19ème soit à l’avant dernière place. En course les Mercedes prennent les deux premières places, les Lancia n’arrivent pas à les rattraper. A la mi-course, Fangio abandonne, puis le moteur de Moss rend l’âme au 81ème tour. Alors qu’Ascari allait prendre la tête de la course, sa Lancia D50 dérape à la sortie du tunnel sur l’huile répandue par la Mercedes de Fangio. Partant en tête à queue, la Lancia d’Ascari termine dans le port, le malheureux pilote réussit à s’extraire de sa monoplace pour être secouru par un plongeur.

Lancia D50 - belgique 1955 (1)

               La mésaventure d’Ascari laisse le français Trintignant sur Ferrari prendre la tête et mener sa voiture à la victoire, suivi de la Lancia de Castellotti, Villoresi termine cinquième et Chiron signe une belle sixième place. Malheureusement, quatre jours plus tard, Ascari trouvait la mort lors d’un essai de la Ferrari 750 Monza en vue sa participation aux  1.000km de Monza. Ce drame frappe Lancia qui perdait son principal pilote à une époque où le constructeur accumulait les dettes, le coûteux engagement en Formule 1 ne donne pas les résultats escomptés et les ventes n’augmentent pas. En réaction à la disparition d’Ascari, la Scuderia Lancia suspends ses activités et ne prend pas le départ au Grand Prix de Belgique, seule une D50 est engagée par Castellotti à titre privé. Il y signe la pole position mais perd la première place au profit des Mercedes dès le premier tour, pour finalement abandonner au 16 ème tour.

Lancia D50 (2)

                  Face aux importantes difficultés financières, la famille Lancia décide de céder le constructeur automobile à la famille Pesenti, propriétaires d’Italcementi, l’un des principaux cimentiers mondiaux. La transaction est chapeautée par Fiat qui récupère de son côté la Scuderia Lancia pour la rétrocéder à Ferrari, alors en perte de vitesse au championnat de Formule 1. Huit Lancia D50, un stock de pièces, du personnel dont l’ingénieur Vittorio Jano passent ainsi aux mains de la Scuderia Ferrari à l’été 1955, qui engage trois exemplaires pour le Grand Prix d’Italie à Monza. Si les Lancia se classent aux quatrième, cinquième et huitième places sur la grille de départ (soit devant les Ferrari 555), les D50 ne prennent pas course en raison des pneumatiques : les Lancia D50 avaient été conçues pour utiliser des Pirelli alors que la Scuderia Ferrari était liée aux pneus Englebert qui s’usaient prématurément sur la Lancia D50, Englebert, sponsor de la Scuderia Ferrari, refusa que cette dernière n’utilise des Pirelli sur les Lancia.

                La saison 1955 se termine ainsi, signant le clap de fin de la Lancia D50, on retrouve la voiture lors de la saison 1956 mais désormais dénommée Ferrari D50 qui courut jusqu’en 1957. La Lancia D50 rapporta un maigre palmarès à son constructeur : deux pôles positions, un meilleur temps en course et une seconde place comme meilleure place d’arrivée.