Après guerre, Renault aura du mal à revenir sur le créneau des voitures luxueuses, la Frégate échoue face à ses concurrentes, puis Renault ne semble pas vouloir investir pour y être présent. En attendant une nouvelle voiture, Renault décide de produire une voiture américaine : la Rambler.
Devenu Régie nationale après guerre, Renault s’attèle d’avantage à répondre à une demande populaire avec la 4CV et délaisse le créneau des voitures de luxe. Certes, la Renault Frégate arrive en 1951 mais elle n’a pas la même prestance qu’une Suprastella d’avant-guerre, et la Frégate signe finalement une carrière en demi-teinte : la voiture est mal-née puis la Citroën DS qui apparaît en 1955 la renvoi au rang des antiquités. Finalement, la commercialisation de la Frégate cesse en 1960 sans laisser de descendance directe. En effet, le marché de la berline de luxe était occupé par Citroën et Peugeot et ne laissait que peu de place à une troisième concurrente.
A cette époque, Renault avait pourtant un projet de berline de luxe dans les cartons, le projet 114 qui était prêt à entrer dans sa phase d’industrialisation, mais Pierre Dreyfus oppose son veto au lancement de la voiture dont la rentabilité était plus que douteuse. Pour autant, la Régie qui souhaitait être généraliste ne pouvait pas être absent sur le segment de la berline pour notable, la solution viendra des Etats-Unis. En effet, à cette époque, Renault à des ambitions de l’autre côté de l’Atlantique avec ses Dauphine et sa Caravelle, et avait noué un partenariat avec AMC pour écouler en Europe une voiture américaine.
Ainsi, l’accord est gagnant pour les deux parties : AMC trouve un moyen d’écouler des voitures en Europe et Renault trouve une berline haut de gamme sans en assumer les frais de développement. Ce contrat est signé le 22 novembre 1961, il porte sur la Rambler Classic Six, une voiture choisie pour ses dimensions « à l’européenne » et pour sa fiscalité faible pour une américaine, avec tout de même 18Cv fiscaux ! La voiture est envoyée en kit en Europe puis assemblée dans l’usine Renault de Haren en Belgique.
La Renault Rambler arrive sur le marché européen en 1962, sa présentation est faite le 11 Avril 1962 en toute discrétion. Construite en Belgique, la Rambler-Renault est commercialisée en France, au Bénélux, en Autriche ainsi qu’en Algérie. Pour le reste de l’Europe, le modèle reste commercialisé sous la seule marque américaine. La voiture apparait adaptée pour le vieux continent, longue de 4,83 mètres, large de 1,84 mètres, les dimensions sont proches de la Citroën DS par exemple. Mais la ligne beaucoup plus massive en fait une voiture imposante, ne laissant que peu de doute sur son origine.
Sous le capot, on retrouve un six cylindres en ligne de 3.205cm3 alimenté par un carburateur simple corps, la puissance atteint 129Cv et permet à la voiture de filer au-delà des 150km/h malgré le poids de 1,3 tonne. Propulsion, boite manuelle à trois rapports, freinage à tambours, essieu rigide à l’arrière complètent la fiche technique. Hélas, son prix élevé (18.000 Francs – une DS19 valait 12.500 Francs en 1962) et le fait que la Rambler-Renault soit soumise à la super vignette limitent sa diffusion. Pour tenter de donner une image statutaire à la Rambler, une version limousine est préparée par Chapron pour en faire une voiture présidentielle, un projet qui ne fut pas retenu par le Général de Gaulle.
Si la Rambler a raté son lancement, Renault peut profiter de son restylage annuel, ainsi, la voiture est revue dès 1963. La mécanique se dote désormais d’un carburateur double corps qui permet de faire passer la puissance à 138Cv et la vitesse de pointe à 160km/h. Aussi, une boite automatique est désormais disponible en option. En dehors de ces changements mécaniques, c’est la caisse de la voiture qui évolue complètement, la ligne est plus conventionnelle, plus adaptée à la clientèle européenne dira-ton, tandis que l’habitacle s’améliore en terme de confort.
En 1964, l’évolution est plus discrète, la calandre est revue, les chromes changent, la Rambler reçoit aussi un nouveau capot, des nouveaux pare-chocs, des nouvelles optiques. Bref, tout est dans le détail pour faire croire à une nouvelle voiture, une politique très américaine.
Il faut attendre 1965 pour avoir un changement notable : nouvelle calandre, les éléments de carrosserie évoluent, le coffre est prolongé d’une dizaine de centimètres pour une longueur totale de la voiture frôlant les cinq mètres. Les lignes sont désormais très carrées, rien à voir avec la première Renault Rambler. Le prix reste en revanche élevé, 19.900 Francs et 21.900 Francs avec la boite automatique. Pour faire passer la pilule, l’habitacle est encore plus cossu et présente un luxe à l’américaine, seule les vitres électriques manquent à l’appel. Et côté moteur, c’est désormais un six cylindres en ligne de 3.258cm3 de 140Cv entrant dans les catégorie des 19Cv, le freinage obtient deux disques à l‘avant. Bref, la Rambler-Renault dispose de véritables atouts !
En 1966, c’est seulement des changements mineurs qui sont apportés à la Rambler : calandre, enjoliveurs, monogrammes … évoluent légèrement mais donnant un nouvel aspect à la voiture.
Nouvelle évolution majeure pour le millésime 1967, la voiture change du tout au tout. La carrosserie est totalement revue et dépasse désormais les cinq mètres, Renault propose désormais une version coupé de la Rambler. Le moteur change également, il développe 155Cv mais entre dans la catégorie des 22CV, autant dire que la voiture devient invendable en Europe. De toute façon, la Rambler était une voiture anecdotique en terme de vente, le choix est fait d’arrêter sa commercialisation, d’autant que la Renault 16 arrivée en 1965 remplissait le rôle de berline statutaire.
Au final, à peine plus de 4.000 Rambler-Renault furent écoulés en France, dont quelques dizaines d’exemplaires du millésime 1967. Finalement, la Rambler s’efface de manière très discrète, la voiture n’a jamais réussi à percer : trop chère à l’achat, trop chère à l’entretien, des dimensions à l’américaine…