Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les usines Renault relancent leur production avec des modèles d’avant-guerre, parmi lesquels la fameuse Juvaquatre. Après la commercialisation de la petite 4CV, Pierre Lefaucheux nouvellement nommé à la tête de la Régie ne souhaite pas la cantonner à la production de voitures populaires, et souhaite désormais se diriger vers le haut de gamme avec une berline capable de rivaliser avec la Traction. Le projet 108 est lancé…
Le lancement de l’industrie automobile se fait sous l’œil du gouvernement, notamment avec le plan Pons de 1946 qui cantonne le rôle des constructeurs à un type de véhicule. Renault est assez puissant pour s’affranchir des contraintes une fois la 4Cv sortie, et souhaite désormais s’attaquer à son grand rival : Citroën et sa Traction. Pour cela, Pierre Lefaucheux ordonne en 1947 la réalisation d’une berline moderne capable de rivaliser avec la Citroën, et pour cela, le dirigeant de la Régie veut un moteur de deux litres.
La Citroën Traction s’était en effet rapidement imposée sur le marché après-guerre, il faut dire que le modèle a rapidement été relancé et ses grandes qualités en ont fait une voiture incontournable. A la fin de l’année 1947, le projet 108 de Renault débute, l’objectif est de réaliser une grande routière à six places. Cette étude est mise sous la direction de Fernand Picard, directeur des études de la Régie depuis 1946. L’idée première est de construire une voiture dans l’esprit de la 4CV, avec un moteur à l’arrière. Le projet est validé, avec une date butoir : que la voiture soit présentée pour de salon de l’automobile 1951 !
Si le premier prototype réalisé ressemblait à une grosse Peugeot 203 mélangé à la Ford Vedette, Renault décide d’abandonner ce style jugé trop peu moderne afin de réaliser une voiture qui reprend les principaux traits de la 4CV. Avec ses formes toutes en rondeur, ses dimensions et son moteur à l’arrière, ce prototype n’est pas sans rappeler les berlines Tatra de l’époque ! La voiture est aérodynamique et légère, elle pèse seulement 930kg !
Le moteur quant à lui est placé en porte à faux arrière, à l’instar de la 4Cv avec le radiateur à l’avant. Celui-ci était un quatre cylindres en ligne de 1.997cm3 qui développait 55cv, un moteur développé à partir de l’année 1943 et qui avait déjà équipé un autre prototype de la Régie après-guerre. Ainsi placé, le moteur pourrait avoir des conséquences néfastes sur la tenue de Route, mais les ingénieurs de la Régie ont prévu le coup avec une suspension sophistiquée à l’aide de bras articulés perpendiculairement à l’acte de la voiture.
Toutefois, les problèmes de mise au point sont trop importants : le moteur chauffe dans son compartiment, et il s’avère mal fonctionner pour mouvoir la voiture, malgré de multiples tentatives de perfectionnements et des essais effectués en Septembre 1949 dans la vallée de Chevreuse, au cour duquel la voiture consomme 9,5 litres aux 100km et atteint la vitesse de 130km/h. Faute d’améliorations convaincantes sur les difficultés rencontrées, le projet 110 est abandonné en Novembre 1949. Mais tout ne fut pas jeté à la poubelle, les grandes lignes du projet 108 sont reprises sur le projet 110, mais cette fois avec le moteur à l’avant. Celui-ci donnera naissance à la Renault Frégate quelques mois plus tard…