Dans les années 1920, Renault était un véritable constructeur généraliste et proposait, aux cotés de voitures populaires, des modèles haut de gamme, dont notamment la 40CV avec son moteur six cylindres. Dans, dans l’insouciance de l’après Première guerre mondiale, Renault ose monter en gamme avec la Reinastella et son moteur huit cylindres…
Le grand public l’a sans doute oublié, mais Renault était capable de proposer des berlines statutaires qui pouvaient rivaliser avec les plus grands noms de l’époque. La série des Renault 40CV en est la preuve, initiée en 1908 avec la Type AR, une berline de 5 mètres de long avec un moteur de 9,5 litres de cylindrée. Seuls les plus riches pouvaient s’offrir une telle voiture. Cette série des 40CV Renault connait son heure de gloire au début des années 1920, aidée par un record d’endurance effectué en 1924 avec la 40CV des Records.
Dans la seconde moitié des années 1920, l’idée de remplacer la 40CV émerge face à une concurrence de plus en plus redoutable sur le segment des voitures de luxe. Pour faire face, Renault décide de monter en gamme en dotant la remplaçante d’un huit cylindres en ligne, un créneau élitiste sur lequel étaient présent Hispano-Suiza, Delaunay-Belleville, Isotta Frascheni ou encore Panhard pour ne citer qu’eux. Aussi, cette nouvelle Renault statutaire opte pour une calandre située à l’avant du bloc moteur, et non à l’arrière comme il était de tradition pour le constructeur de Billancourt dont le capot « alligator » permettait de distinguer ses autos.
Cette nouvelle berline haut de gamme est présentée dans le cadre du salon de l’automobile de Paris 1928, elle prend initialement le nom de « Renahuit », faute de succès, la dénomination Reinastella prend le dessus au début de l’année 1929 et tente de donner ses lettres de noblesse à la voiture. La Reinastella se démarque aussi par sa carrosserie, l’avant devient plus conventionnel avec une large calandre, le châssis est plus bas que la 40CV et permet aux carrossiers d’exprimer leurs talent. Car à l’époque, le client achetait un châssis et allait commander une carrosserie chez un artisan, bien que Renault proposait déjà des carrosseries usines aux « moins fortunés » des riches.
Avec sa Reinastella, Renault ne joue pas tout à fait dans la même cour que les Rolls Royce ou Hispano-Suiza car ces rivales sont davantage sportives. Renault offre du luxe, du confort, mais aussi de la fiabilité… Et un prix : 190.000 Francs. Si ce prix était très élevé, la Reinastella est bien souvent plus abordable que ses rivales et propose un très bon rapport qualité prix, y compris en terme de performances : le huit cylindres de 7.125cm3 propose 130Cv et peut emmener la voiture jusqu’à 125km/h, une belle performance pour une voiture de 2,5 tonnes. Notons que la Reinastella s’équipe d’une boite à trois rapports.
Hélas, nul ne pouvait prévoir le krach boursier de 1929 qui impacte rapidement l’Europe, les grandes fortunes se défont, et moins d’un an après le lancement de la Reinastella, la clientèle visée se réduit brusquement. L’avenir de la Reinastella devient obscur, mais Renault ne joue pas sa survie sur ce modèle et, grâce à une gamme diversifiée composée de voitures populaires, passe ce cap difficile. Cette crise financière pousse toutefois Renault à composer une gamme de voitures de luxe plus homogène, c’est ainsi que naissent les Nervastella (8cyl), Vivastella et Monastella (6cyl) en 1929.
La Reinastella reste au catalogue et chapeaute la gamme de Billancourt jusqu’en 1934, preuve que le modèle, malgré la crise, ne marche pas si mal… A moins qu’il ne fasse office de faire-valoir pour Renault. Face à la crise, les constructeurs innovent pour lancer des voitures les plus modernes possible, les plus luxueuses… Renault, déjà présent sur le créneau, se contente de restyler la Reinastella en 1932 avec une nouvelle calandre et un capot redessiné en s’inspirant des voitures américaines, en particulier des Chrysler.
Côté mécanique, une boite manuelle à quatre rapports est disponible à partir de 1931 puis fut intégrée lors de la dernière année de commercialisation de la Reinastella. En 1932, concomitamment au restylage, Renault présente la Reinasport qui est en réalité qu’une Reinastella à l’empattement raccourci, ce changement de nom permet de faire croire au public qu’il s’agit d’une nouvelle voiture, et cela a plutôt bien fonctionné ! La Reinastella a également connu quelques moments de gloire en équipant la Présidence de la République Française. Mais, en 1934, Renault met un terme à la Reinastella, la Nervastella assure l’intérim pendant deux ans en attendant la Suprastella… La production de la Reinastella se situerait entre 150 et 200 unités, sans plus de précision.