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Citroën FAF A 4×4 – 1979

            A mi-chemin entre le prototype et la voiture de série, la Citroën FAF A 4×4, présentée en 1978, est ni plus ni moins que le dernier dérivé de la 2cv développé par Citroën. Mais s’il est le dernier véhicule de longue lignée commencée en 1948, le FAF n’en est pas moins un véhicule oublié; et pour cause, ses infimes chiffres de production et sa très confidentielle commercialisation en font un véhicule rare, sans doute l’une des plus rares Citroën bicylindre commercialisées !

            Le Citroën FAF demeure au rang des véhicules inconnus et anecdotiques. Et à moins d’être un connaisseur du modèle, la Citroën FAF est souvent confondue avec la Méhari ! Comment donner tort à ces passionnés au vu de la rareté du véhicule, d’autant plus que la FAF a bien un peu de Méhari dans ses gènes ! Reprenons donc l’histoire de la Citroën FAF pour la faire sortir de l’oubli, avec un modèle très rare, puisque pour cet article, c’est non pas une banale FAF, mais une FAF A 4×4 que nous disposons !

                Mai 1968, derrière les révoltes et les pavés, Citroën présente la Méhari, voiture de loisir dérivée de la 2CV dont elle reprend le châssis ainsi que la mécanique, mais en s‘équipant d’une carrosserie en plastique; un matériau moderne en ce temps. Si la vocation ludique de la voiture était mise en avant, la Méhari de part ses qualités va attirer une clientèle variée : celle des particuliers résidant sur le littoral, et celle des professionnels, notamment des agriculteurs, qui voient en la Méhari un outil de travail à la fois robuste et pratique. Ainsi, la Méhari aura comme meilleurs terrains de jeu les plages et les exploitations agricoles.

             Fort de ce succès, Citroën estime qu’une voiture ayant la même philosophie pourrait convenir aux pays en voie de développement. D’ailleurs, cette analyse semble se confirmer dans la pratique, puisque en Côte d’Ivoire, la 2CV y est modifiée artisanalement afin de servir de voiture de chasse : la Baby-Brousse. Cette transformation connait un certain succès, et Citroën va en racheter les droits de production en 1969, afin de l’améliorer, mais surtout pour décliner le véhicule pour d’autres pays. Ainsi vont naitre les Citroën Dalat, Pony, Yagan … lesquelles auront leurs propres spécificités selon les marchés afin d’adapter la voiture aux particularités locales.

          Toutes ces voitures ont quelques points communs, hormis la base châssis-moteur provenant de la 2CV, la carrosserie de ces Citroën exotiques est faite non pas en plastique comme sur la Méhari, trop complexe à produire et pas assez résistant pour un usage intensif, mais en tôle ! Et même en tôle pliée, alors que la carrosserie automobile est généralement faite de tôle emboutie. L’avantage de la tôle pliée est avant tout économique car elle permet d’éviter d’investir dans des presses, mais à l’inconvénient de produire des lignes très anguleuses, presque grossières.

         Ces voitures rencontrent un certain succès, si bien que Citroën lance au milieu des années 1970 le projet FAF, acronyme de « Facile à Fabriquer », ou encore « Facile à Financer », dont le but était de rationnaliser la production de ces voitures pour les pays en voie de développement. Mais le projet était avant tout porté sur l’Afrique, en remplacement du Baby-Brousse, et sans doute avec l’idée de diffuser le modèle dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne. En effet, parallèlement au développement de la FAF, Citroën signe accord sur accord pour produire et commercialiser des véhicules dans de nombreux pays du continent, Sénégal, Guinée Bissau, République Centrafricaine sont au programme …

          Si tout ces pays sont faiblement équipés en terme d’infrastructures industrielles, Citroën prévoyaient néanmoins que 50% de la FAF puisse être de conception locale; notamment la carrosserie, les sièges ainsi que les câblages électriques. Ainsi, outre le fait d’adapter le véhicule aux spécificités locales, Citroën pouvait vendre son projet aux pays visés en mettant en avant le développement de l’industrie nationale, ainsi que la création d’emplois. Cependant, la majorité des éléments du FAF seraient importés afin de garantir au véhicule un prix bas.

           Le projet FAF est finalement présenté courant 1978 lors de la Foire de Dakar, et c’est une véritable gamme que Citroën offre sur la base du FAF : berline à cinq portes à toit en dur, break à trois portes, commerciale, pick-up et même une version « patrouille » destinée aux forces militaires ! Tous les modèles ont des lignes très anguleuses conférées par le procédé de la tôle pliée. La production est lancée dans quelques pays, en Guinée-Bissau, au Portugal et même en Indonésie. Quelques exemplaires ont été assemblés au Sénégal ainsi qu’en république Centrafricaine, et Citroën projetait l’assemblage des FAF au Vietnam et avait même quelques regards sur la Chine, sans que cela ne se concrétise. Au final, des rares chiffres officiels divulgués sur le FAF, il semblerait que 1.785 unités aurait été produites, un chiffre plus que faible…

            Si l’histoire de la FAF est ainsi retracée, pour notre article, c’est une Citroën FAF A 4×4 que nous avons, un véhicule encore plus rare que la FAF, elle-même peu courante ! Cette variante quatre roues motrices ne doit seulement son existence au fait que Citroën développait dans le même temps la Méhari 4×4, et il est fort à parier que sans cette dernière, jamais la FAF A 4×4 n’aurait été réalisée. Ainsi, pour comprendre ce modèle, après s’être intéressé aux nombreuses Citroën exotiques, il va falloir regarder l’histoire de la transmission 4×4 de la Méhari !

           D’ailleurs, l’histoire de la conception de la Méhari 4×4 rejoint également celle d’un dérivé du Baby-Brousse : la Citroën Dalat. Cette dernière est commercialisée au Vietnam par la société SAEO qui écoule également des 2CV depuis les années 1960. Complètement adaptée au climat et aux conditions de circulation locales, la Dalat rencontre un certain succès et est appréciée par le public. Mais un agent Citroën local en voulait plus, et va concevoir une transmission 4×4 qu’il adapte sur une Dalat. Un premier prototype est réalisé au début des années 1970, les essais sont plutôt convaincants, si bien que le représentant de Citroën Vietnam, averti du projet, en informe les hautes instances de Citroën France, qui rapidement envoient une équipe d’ingénieurs pour voir ce qu’il en était. Convaincu de ce projet, l’équipe fait construire un prototype qui sera envoyé en France si tôt terminé afin d‘être étudié sous toutes les coutures. La transmission 4×4 est récupérée, analysée, améliorée, et finalement installée sur une Méhari. La Méhari 4×4 était née, elle allait être présentée en 1979, marquant le retour de Citroën sur le créneau des véhicules à quatre roues motrices, après l’échec de la 2CV Sahara, qui certes avait une conception toute particulière avec ses deux moteurs. Mais c’est là une toute autre histoire …

              De la Méhari à la FAF, il n’y avait qu’un pas que les bureaux d’études ont franchi, c’est ainsi que la FAF va également se voir doter de la transmission 4×4 – et même plus largement de la base de la Méhari 4×4 – laquelle est proposée dans la gamme des FAF dès la présentation du modèle en 1968 sous l’appellation Citroën FAF A 4×4. Cependant, cette version quatre roues motrices n’est disponible que sur la version patrouille du FAF, une variante carrosserie disponible uniquement pour les forces militaires. La diffusion en était donc plus que limitée, d’autant plus que l’on peut se demander si les pays africains visés par la FAF avaient réellement les moyens de se doter en 4×4. Quelques autres documents Citroën plus tardifs évoquent la possibilité de monter la transmission 4×4 sur la variante pick-up du FAF, sans que l’on puisse réellement savoir si cette version a été matérialisée par la production ne serait-ce que d’un véhicule de présentation.

              Ainsi, les FAF A 4×4 sont restés au stade de « prototype », seule une cinquantaine de véhicules ont été assemblés dans l’usine de Mangualde au Portugal. Faute de débouchés en Afrique, la FAF A 4×4 est présentée aux armées portugaises qui en essayèrent trois exemplaires, tandis que l’armée française en commande dix pour mener une campagne d’essais, en demandant toutefois que le bicylindre de 602cm3 soit remplacé par le 652cm3 de la Visa. Quant aux autres FAF A 4×4 produites, on ne sait que peu de choses, seulement que le « Conservatoire Citroën » en dispose trois en configuration civile, le reste aurait fait l’objet de ventes confidentielles au Portugal ainsi qu’en Afrique. Une chose est certaine, jamais une FAF n’a été commercialisée en France, et bien qu’une FAF A 4×4 Civile ait été présentée dans l’hexagone en 1983, le projet est toutefois resté sans suite.

              L’histoire de la Citroën FAF A4x4 semble désormais reconstituée, il nous reste plus qu’à nous intéresser au FAF A 4×4 de cet article. Cet exemplaire date de 1979 et se trouve être équipé du bicylindre de 652cm3 venant de la Visa. Avec cette spécificité, aucun doute n’est permis, cette FAF A 4×4 fait partie des dix recrues de l’armée française utilisées afin de tester les compétences de la voiture.

             Pour l’armée française, la fin des années 1970 est marquée par des campagnes de tests intensifs de petits véhicules à quatre roues motrices, à une époque où l’armée était encore équipée en Jeep. Ces dernières, de conception ancienne, commençaient à pâtir du poids des années, et si les plus récentes dataient de 1966, elles avaient tout de même 14 ans de dur labeur … Le remplacement était de mise, mais aucun constructeur français ne produisait un véhicule équivalent. C’est pour cela que l’armée incite les constructeurs à développer des petits 4×4 dans les années 1970, avec à la clé un contrat portant sur plus de 10.000 véhicules. Renault-Saviem, Peugeot ainsi que Citroën participeront à l’appel d’offre, mais le constructeur qui en voulait le plus était sans aucun doute Citroën, lequel proposait trois véhicules : la C44, dérivé de la Volkswagen Iltis à moteur CX; la M7 développé conjointement avec Heuliez, et la petite FAF A 4×4.

              Les 10 FAF A 4×4 de l’armée française sont testées entre 1979 et 1980 par différents corps de l’armée, et fut l’une des favorites pour remporter le contrat. En effet, de ces essais ressort que la FAF A 4×4 est une très bonne franchiseuse tout en ayant un entretien des plus simples, le tout pour un poids et des dimensions réduites et un prix d’achat modéré. Si on commence à envisager sérieusement ce contrat du côté de Citroën, c’est finalement Peugeot et sa P4 qui remportent l’appel d’offre. La FAF A 4×4 n’intégrera donc pas les rangs de l’armée française. Après coup, ce choix fut sans doute le bon, vous imaginez nos vaillants soldats à bord de leur frêle FAF A 4×4 lors de la guerre du Golfe se faire dépasser par un Humvee américain ? L’image rendue aurait été sujet à bien des moqueries…

              Reste que les 10 exemplaires dont l’armée est dotée resteront en service plus ou moins actif durant les années 1980, avant que l’institution décide de s’en séparer via les ventes des Domaines. Cependant, pour vendre ces voitures, encore faut-il les faire homologuer, tâche que n’avait jamais réalisé Citroën pour la France. C’est donc par une procédure à titre isolé chapeautée par les Domaines que les FAF A 4×4 pourront être revendues à des particuliers. Neufs des dix exemplaires le seront ainsi, l’armée ayant gardé un exemplaire pour son musée qui conserve l’ensemble des prototypes malheureux. Et l’exemplaire de cet article a ainsi atterri dans les mains de passionnés, qui ont permis sa conservation dans un état remarquable. Et vu son état, un petit essai en condition ne lui fait pas peur !

            Une fois avoir grimpé à bord de la FAF A 4×4, l’on ne peut que être intimidé par l’abondance des commandes, entre trois leviers de vitesses et un tableau de bord aux multiples compteurs. Mais en déchiffrant le tout, le maniement s’avère simple. Regardons les leviers de vitesses, celui de couleur noire sert à passer les vitesses en marche normale, le blanc permet de passer en quatre roues motrices, quant au rouge, il permet d’enclencher les vitesses réduites. Entre les fauteuil avants, se trouve un petit levier blanc qui lui, sert à bloquer le différentiel arrière. C’est simple n’est-ce pas ?

             Pour cet essai, c’est dans le cadre de prises de vues pour la presse spécialisée que cet article a été rendu possible, mais faisant parti des photographes, je n’aurais pas le temps de me glisser aux commandes. Ce n’est pas grave, mon habituel pilote est là et me donne son ressenti, et le propriétaire de la voiture, lui aussi photographe, et aussi présent pour donner des conseils. De quoi aller crapahuter dans les bois !

              Mais avant cela, encore faut-il acheminer la voiture par la route, de quoi mettre en température le bicylindre provenant de la Visa, qui du haut de ses 36Cv est le plus puissant bicylindre de Citroën. Pourtant, le moteur se révèlera rapidement être peu nerveux sur la route, chose assez surprenante quant on connait le faible poids du FAF A 4×4 (680kg). Et si nous étions trois dans la voiture, la FAF A 4×4 avait une vocation militaire et donc, à recevoir des soldats avec leurs paquetages ! En somme, si besoin il y aurait eu d’une intervention rapide, la FAF A 4×4 n’aurait certainement pas été à son avantage dans les rangs de l’armée.

           Nous continuons notre périple au rythme d’une 2CV ancienne, avant d’arriver sur le premier chemin. Large et plat, nul besoin d’activer la transmission 4×4, ce n’est qu’une formalité pour la FAF que de rouler dessus, mais d’ores et déjà, on sent la voiture plus à son aise, faisant que fi des éventuelles aspérités présentes. Seules les montés se révèlent fatales pour la FAF, le rythme baisse soudainement, mais le souffle revient une fois le plat revenu. Sur ce chemin, on met en jambe la FAF A 4×4, passages rapides, passage à travers un champ labouré, grimpette jusqu’au sommet d’une butte sur herbe mouillée… Le tout en restant en deux roues motrices, la voiture se montre plutôt agile, en dépit de son moteur anémique.

               Pour l’instant, cet essai du FAF A 4×4 n’était que de la rigolade, le plus dur reste à venir avec un chemin très chaotique, pentes et descentes raides, le tout agrémentés de marches naturelles et d’ornières qui, pour la taille du FAF A 4×4 paraissent bien grandes. Et pour parfaire le tout, le chemin est recouvert de feuilles d’arbres humides en raison des pluies des jours précédent l’essai. Sur ce terrain, la transmission 4×4 est indispensable et la FAF A 4×4 va révéler ses capacités de franchissement. Après un rapide passage de gué passé sans encombre, l’ascension commence, en laissant avancer la voiture sur un filet de starter. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette petite Citroën boit l’obstacle, rien ne semble lui faire peur !

             Et même si la voiture est rare, rien n’est épargné lors de cet essai ! Sur certains passages, le blocage de différentiel a été nécessaire, ce qui permet aussi de constater que tous les éléments mécaniques de cette FAF A 4×4 sont en bon état de fonctionnement. Et des passages un peu plus complexes sont réalisés, jamais la FAF ne bute sur l’un d’entre eux. Impressionnant ! Mais l’heure tourne, nous voilà embarqué avec cette FAF depuis deux heures, il est grand temps de la ramener gentiment vers son garage !

Les +

_ Vrai 4×4
_ Esprit 2CV
_ Rareté
Les –

_ Transmission fragile
_ Véhicule méconnu
_ Allumage électronique introuvable

L’avis d’Alex

             La FAF A 4×4 est à la fois un prototype et une voiture « de série »; prototype car jamais ce véhicule n’a été commercialisé et la cinquantaine d’exemplaires réalisés demeurent pour la plupart introuvables; et voiture de série car malgré tout, le FAF est étonnant de simplicité et sa conception démontre une véritable volonté d’industrialisation du véhicule ! Dommage, la voiture est arrivée sur le marché européen trop en retard, ce qui ne pourra que la faire échouer. Si la FAF A 4×4 se révèle être un vrai 4×4, et se trouve très agile sur les terrains accidentés, son moteur, pourtant le plus puissant de la gamme, se trouve malheureusement trop faible pour satisfaire aux ambitions de la voiture. Imaginez-donc ce que ça peut donner avec le moteur de la 2CV6 qui est son moteur d’origine ! Pour autant, au vu de la rareté de la voiture, on pourrait presque l’excuser, car ce ne sont pas ses capacités de franchissement, sa vélocité qui font ses atouts, mais sa place d’inconnue au bataillon des dérivés de la 2CV. Cependant, en trouver une sur le marché s’avérera difficile, puisque on ne sait que peu de chose sur les modèles encore survivants chez des particuliers. Reste une dernière inconnue, le prix, quand on sait que la Méhari 4×4 dont elle prend la base d’échange aux alentours des 15.000€ !

            Mes remerciements à Vincent H., actuel propriétaire de cette FAF A 4×4 pour l’ensemble des renseignements fournis sur le véhicule, ainsi qu’à Ludovic A. pour la mise à disposition de ce rare véhicule pour le shooting photo. Sans oublier J-F, mon fidèle relecteur !