La Jaguar XJ40 a longtemps été le vaisseau amiral de la marque anglaise puisque, présentée en 1986, la XJ40 ne tire sa révérence qu’à partir de 1994, mais celles qui lui succèdent reprennent la même caisse jusqu’en 2002 ! Et si cette voiture est emblématique des productions anglaises des années 1980, elle aura hélas fait aussi du mal à l’image de Jaguar : les premiers exemplaires n’étaient pas des modèles de fiabilité, la voiture traînera pendant sa longue carrière cette mauvaise réputation. Et, produite durant de nombreuses années, malgré les importantes retouches esthétiques, la ligne a du mal à faire le poids face à la concurrence… d’autant que dans le même temps, les premiers exemplaires roulaient encore dans des états plus ou moins enviables. Une image difficile à tenir, qui malheureusement fait écho aux grandes difficultés de l’industrie automobile anglaise de son temps.
Chez Jaguar, la XJ40 fait office de voiture mal aimée, et ce dès son lancement avec ses deux optiques rectangulaires à l’avant en lieu et place des habituels phares ronds de la marque anglaise. Puis viennent les déboires de la fiabilité, puis celle des coûts d’entretient… Au final, nombre de ces XJ40 changent de main, et l’entretien devient de plus en plus aléatoire… Aujourd’hui, dénicher une XJ40 dans un bon état est plutôt difficile, mais nous avons là un peu de chance avec cette XJ40 2.9 Sovereign datant de 1987 que nous allons vous présenter !
Au milieu des années 1980, Jaguar est une marque aux abois, avec une gamme présentant seulement deux modèles, d’une part, le coupé XJS qui permettait la présence de la marque anglaise du côté des sportives; et d‘autre part, la berline XJ6 à la ligne vieillissante, et à la mécanique capricieuse. Jaguar vivait alors sur ses acquits, sans doute par manque de volonté de British Leyland, propriétaire de Jaguar, et société nationalisée, d’investir plus pour dynamiser la marque. De toute façon, le groupe propriétaire de Jaguar est alors en difficulté et se restructure, d’autant que le gouvernement Thatcher privatise à tout va. Durant quelques années, le quotidien de British Leyland va de fermeture d’usine en privatisations, Leyland bus, Leyland Trucks et Jaguar sont ainsi amenés à quitter le navire.
Pour la privatisation de Jaguar qui a lieu en 1984, peu d’investisseurs se montrent intéressés par la marque, et à l’issue de la vente publique d’actions, aucun actionnaire ne fut majoritaire. Jaguar devient donc indépendant, et finalise en toute quiétude le projet de remplacement de la Jaguar XJ, mais celle-ci n’arrivera pas avant au moins deux années. En attendant, Jaguar doit se contenter de son actuelle gamme. Mais la délivrance fini par arriver à la fin de l’année 1986, la nouvelle Jaguar XJ40 est fin prête à partir à l’assaut des concessions, il ne lui reste plus qu’une dernière formalité : la présentation à la presse et au public. Lors de cette première confrontation, il ressort que la XJ40 semble prometteuse, avec un nouveau châssis, des nouveaux trains roulants, une nouvelle gamme de moteurs développés avec l‘aide d‘Isuzu. Jaguar semblait fin prêt à éradiquer ses éternels problèmes de fiabilité. Mais à ses débuts, c’est sur son look que la XJ40 est attaquée, et notamment ses optiques avant, rectangulaires, qui choquent les puristes, plus habitués aux éternelles optiques rondes. Mais ce design était dans l’ère du temps et fini plus ou moins à être accepté au fil des ans, bien que Jaguar reviendra aux sources lors du premier grand restylage de la XJ40.
La presse se montre plutôt conquise par la Jaguar XJ40, l’intérieur est plus proche d’un salon, alliant parfaitement les très classiques matériaux nobles habituellement utilisés par Jaguar (cuir, bois vernis) à la modernité, puisque les plastiques apparaissent plus nombreux, et l’électronique fait son apparition en force, avec un tableau de bord digital, et des commandes permettant de faire à peu près tout, du réglage des rétroviseurs à celui du régulateur de vitesse … La conduite de la voiture est également remarquée, très stable avec un comportement plutôt dynamique malgré un poids frôlant 1,7 tonne. La boite de vitesses est bien étagée, quand au moteur, six cylindres en ligne oblige, il se prête tout aussi bien à une conduite coulée qu’à une conduite à rythme soutenu.
Le principal avantage de la Jaguar XJ40 réside donc dans le fait qu’elle est de conception moderne et, pour attirer la clientèle, Jaguar offre une gamme très large. Ainsi, la XJ40 s’articule entre deux « finitions » principales, la Sovereign, qui était à peu près équipée de la plupart des options disponibles; et la Daimler, qui était une quatre places avec une banquette arrière séparée en deux fauteuils, avec tablette rabattable, et présentait tous les équipements de série. Enfin, une troisième version plus anecdotique existait, la version de base, équipée du strict minimum, et même sans fauteuils en cuir, dont le but était avant tout de proposer un prix d’appel pour la gamme XJ40.
Côté motorisation, le client a le choix entre deux six cylindres en ligne, le premier de 2,9 litres, développant 165Cv, et le second de 3,6 litres avec ses 221Cv. Si le premier s’avère un peu faible pour la voiture, il fait le travail sans soucis, mais le 3,6 litres est plus adapté pour mouvoir le poids de la bête convenablement au vu du standing de l’auto.
Ainsi, la Jaguar XJ40 avait de quoi plaire à la clientèle qui pouvait quasiment composer sa Jaguar. Cependant, les premiers retours des clients se feront sans trop tarder. Si la mécanique s’avère globalement fiable, deux points posent problème : la corrosion, qui s’attaque à la carrosserie autour des surfaces vitrées et des chromes; mais surtout, la Jaguar XJ40 est critiquée pour son électronique peu fiable, à cause d’un faisceau électrique complexe et des composants de second choix. Les problèmes d’affichage sont monnaie courante, et certains organes électriques tombent en panne du jour au lendemain, avec plus ou moins de gène (ampoule qui ne s’allume pas à l’ouverture de la porte, vitre électrique qui tombe en panne …).
Autre soucis qui commence à apparaître, la finition qui a du mal à tenir dans le temps, les boiseries ont la fâcheuse tendance à voir le vernis s’écailler, et parfois se gondolent à cause des différences de température subies par l’habitacle. La pièce qui souffre le plus est sans aucun doute la porte de la boite à gants, si bien que l’on reconnait une belle XJ40 à l’état de cet élément !
Rapidement, ces premiers déboires des XJ40 se propagent, et entachent à jamais la réputation de la voiture, mais aussi de Jaguar, qui espérait tant de ce modèle. Si la firme anglaise commence à corriger ces imperfections, l’entreprise a la santé fragile, si bien que Ford vient en sauveur et prend possession du capital de Jaguar en 1990. La rumeur qui circulait depuis des années se réalise, en dépit des grandes différence entre Jaguar et Ford, que ce soit en terme d’image de marque que sur le plan technique. Mais cette acquisition permet de voir l’argent frais arriver chez Jaguar, des nouvelles idées apparaissent, la XJ40 est nettement améliorée et renaît alors, prête à affronter les années 1990 de façon sereine. Mais la Jaguar XJ40 de cet article datant de 1987, nous ne nous épancherons pas plus sur l’ère Ford !
Pour cet article, c’est donc une XJ40 2.9 Sovereign que nous avons, la voiture se présente dans un très bel état de conservation, la carrosserie est exempte de rouille, chose plutôt rare pour un modèle d’avant 1990, et la peinture est d’origine, mais présente quelques retouches effectuées à la bombe ici et là, mais ces dernières sont plutôt bien réalisées, seule la présence du soleil permet de les constater dans les reflets de la carrosserie, à moins d’avoir un œil averti. L’intérieur de la voiture est dans un aussi bel état que l’extérieur, et l’on ne peut rien reprocher à l’habitacle, si ce n’est l’usure normale du cuir sur les assises des fauteuils avant. Quant au reste, tout est encore en place, les plastiques ne sont pas fragilisés par le poids des années, le cuir n’est pas déchiré, et le bois vernis est plus que présentable, bien qu’il soit un peu terni par endroit. D’ailleurs, la porte de la boite à gants est dans un très bon état, si elle n’est pas gondolée, elle a toutefois légèrement bougé puisqu’elle n’est plus parfaitement alignée avec les autres boiseries.
En somme, voilà un exemplaire de XJ40 qui fausse complètement la présentation faite du modèle jusqu’à présent. Oui, une XJ40 dans un bon état, ça se trouve encore ! Mais c’est rare … très rare ! Celle-ci a en effet connu que peu de changements de propriétaires dans sa vie, et la voiture a toujours été suivie, avec un entretient fait en temps et en heure. Et c’est souvent sur ce point que les XJ40 font défaut, puisque la voiture, mal-aimée, se revend à un prix dérisoire pour une voiture de ce standing. Dès lors, des propriétaires peu argentés peuvent se retrouver avec une voiture haut de gamme. Cependant, ces derniers auront tendance à négliger l’entretien, dont les prix sont plutôt élevés dans les garages de la marque. Ainsi, les révisions sont décalées de quelques mois, années parfois, quand elles ne sont pas simplement oubliées. Et avec une mécanique qui demande une certaine attention, ce comportement fut fatal à de nombreux exemplaires. Et lorsque la XJ40 connaissait une grosse panne, au vu du prix des pièces de rechange et de la main d’œuvre, il était plus judicieux d’abandonner le modèle en panne et de repartir sur une autre XJ40 sur le marché de l’occasion. Petit à petit, le cheptel des XJ40 s’est ainsi restreint …
Mais revenons un peu sur notre XJ40, et sur son moteur, le six cylindres de 2,9 litres de cylindrée. Et malheureusement, ce moteur est celui le plus détesté par les puristes, car étant le moins fiable de la gamme. Si le bloc moteur est strictement identique aux autres (3,6 puis 3,9), et ne pose pas de soucis particuliers, le problème vient de la culasse. En effet, le 2,9 s’avère un peu juste pour le poids de la XJ40, par conséquent, à force de trop tirer dessus, la combustion a tendance a devenir trop rapide, augmentant la chaleur du bloc, allant jusqu’à faire fondre les pistons. Bref, côté vélocité, certaines populaires sont plus vaillantes !
Sur ce problème, les passionnés ont néanmoins trouvé quelques parades pour fiabiliser le moteur, en mettant un joint de culasse plus épais, et en n’abreuvant le moteur qu’avec du Sans Plomb 98. Mais le meilleur des remèdes restera de garder le pied léger avec le 2.9 ! Ce que nous essayerons de faire à son bord …
Et c’est donc parti pour un petit tour de Jaguar ! A l’intérieur, quel luxe, les matériaux utilisés sont nobles : du cuir, du bois, et des plastiques de qualité. Dans sa finition Sovereign, la XJ40 est plutôt bien équipée : vitres électriques, toit ouvrant électrique, rétroviseurs et fauteuils réglables électriquement … Une grande part est laissée à l’électricité pour améliorer le confort, mais comme on l’a précédemment évoqué, l’électricité et les anglais font rarement bon ménage. Pourtant sur cette XJ40, la quasi-totalité des commandes sont opérationnelles, mais on a tout de même quelques surprises sur le tableau de bord, un grand classique sur ce modèle; avec toute une partie qui ne fonctionne pas, partie intégrant notamment la jauge a essence … pas très rassurant, mais ceci ne nous empêchera pas de faire l’essai !
Une fois le moteur mis en marche, le bruit si typique du six cylindres en ligne se fait légèrement entendre dans l’habitacle, et nous invite à rouler. Sur le modèle essayé, la boite de vitesses est automatique, ce qui permet de profiter encore plus du luxe en laissant aller la voiture, qui en plus est équipée d’un régulateur de vitesse qui permettrait de lâcher quelques temps la pédale d’accélérateur, laissant au conducteur le seul soin de tourner le volant et d’être vigilant. Cependant, je n’aurai pas cette chance car le régulateur faisait partie des instruments en panne ! Ah ces anglaises …
Très rapidement, j’aurai confirmation que la mécanique est quelque peu légère pour le poids de la XJ40, puisque les 165Cv du 2.9 prendront leur temps pour lancer la voiture jusqu’à sa vitesse de croisière. Mais une fois lancée, on ne s’arrêterait plus ! Le moteur et la boite automatique font leur travail, dans un certain silence puisque de l’habitacle, on n’entend presque rien, et il faut être attentif pour percevoir le bruit des changements de rapport. A ce silence, quelques grincements divers et variés viennent perturber le calme. Et tout ceci à 90km/h, on fait la route dans un confort tel qu’on ne se fatiguerait pas sur un long trajet, laissant à ses occupants le confort de prendre un thé tout en discutant !
Bien évidement, la XJ40 pourrait rouler à vitesse plus soutenue encore, mais nous n’aurons pas l’occasion d’aller sur des routes plus rapides, mais aussi pour ménager le moteur. Et à vrai dire, on prend un malin plaisir à rouler tranquillement, le confort nous inviterait presque à prendre une vitesse de croisière réduite pour profiter plus longtemps de ce luxe.
Au cour de l’essai, plusieurs choses me surprendront, à commencer par la tenue de route, la voiture est littéralement collé au sol, et enchaîne les kilomètres dans une stabilité rarement vue sur une ancienne (si on peut dire que la XJ40 est une ancienne), en ayant que faire des éventuelles aspérités de la chaussée. Autre point très positif, la direction, qui est très précise, mais surtout très légère, faisant oublier le poids de la voiture, mais aussi ses dimensions, car l’on a l’impression de manier une citadine de la même époque. Et j’en ferais même les frais en léchant un trottoir, heureusement sans conséquences, mais qui me vaudra un rappel sur les dimensions de l’auto. Ça tombe bien, il ne me reste plus qu’à me garer et à rendre les clés, et c’est là-dessus que je quitte ce petit morceau d’Angleterre, non sans être surpris par les qualités de cette voiture tant dénigrée ! Bref, à redécouvrir d’urgence … Et pour moins chère qu’une 2CV par exemple !
Les +
_ Confort
_ Prix d’achat
_ Tenue de route
_ Direction précise
Les –
_ Moteur 2.9 trop léger
_ Voiture mal-aimée
_ Electricité/Electronique capricieuse
_ Entretien rarement à jour
L’avis d’Alex
La Jaguar XJ40 est une très bonne affaire, puisque les prix de ces véhicules sur le marché sont bas, très bas pour une voiture de ce standing. Mais ceci cache-t-il quelque chose ? Si, au premier coup d’œil, on serait tenté de dire oui, en arguant du fait que c’est une anglaise, et que les anglaises ne sont pas fiables; ceci s‘avère plutôt faux sur la XJ40. En fait, cette voiture est avant tout mal aimée, que ce soit par les fans de Jaguar, que par les fans d’automobiles anciennes, et très souvent, on ne peut que pardonner ce genre de véhicule. Mais ceci ne lui empêche pas d’avoir quelques défauts, avouons-le, l’électricité risque de vous faire hérisser les poils par ses pannes, la voiture prend de la place pour un intérieur par si grand que ça, le coffre est certes grand mais trop profond, et finalement, mieux vaut être petit pour apprécier pleinement la XJ40. Mais le confort, la tenue de route, sa ligne dans l’ère du temps des années 1980, sa relative fiabilité mécanique, et surtout son prix, devraient permettre de sortir ce modèle de sa lente déchéance ! Si le choix vous est permis, évitez le moteur 2.9, moins fiable que ses confrères, sauf à vouloir rouler tranquillement. Et si vous passez à l’achat, redoublez de vigilance sur l’entretien effectué, souvent oublié sur ces autos …
Mes remerciements a Ludovic A. du Relais de l’Auto Ancienne pour l’essai de cette Jaguar XJ40, la mise à disposition de la voiture pour les photos et pour les nombreuses informations délivrées sur le modèle.