Si on pense le camion à quatre roues motrices comme une invention récente, ce type de véhicule existait déjà à l’aube de la Première Guerre Mondiale, comme nous le prouve le Châtillon-Panhard…
Au sein de l’armée française, une mouvance apparait au début des années 1900 pour s’intéresser à la traction automobile qui pourrait remplacer la traction animale tant sur la route que sur les champs de bataille. L’armée française commence ainsi, vers 1910, à parrainer des systèmes de traction testés lors de concours du Ministère de la Guerre. L’un des premiers acteurs à répondre fut la société Châtillon-Commentry, une entreprise métallurgique qui s’associa avec le constructeur Panhard & Levassor.
Pour les besoins des militaires, il faut un véhicule capable de rouler dans un milieu hostile à l’automobile, mais aussi être capable de tracter de lourdes pièces d’artillerie. L’association entre Panhard et Levassor et Châtillon-Commentry donne naissance à un camion, le Chatillon-Panhard, doté d’une transmission intégrale dont le prototype est finalisée courant 1911 et testé en la présence de membres de l’armée française. Equipé d’un moteur six cylindres développant 45Ch, le Chatillon-Panhard réussit à tracter 18 tonnes sur une rampe à 6,5%, à évoluer sur un terrain meublé jonché d’obstacles en tout genre, dont un arbre de 40cm de diamètre placé en travers d’une route.
Ces premiers tests permettent de connaître les points à faire évoluer en vue de nouveaux tests effectués en juillet 1912. Cette année-là, le Châtillon-Panhard tracte 19 tonnes à la vitesse de 18km/h sur un terrain plat, la vitesse descend à 3km/h sur une pente à 9%. Le tracteur seul est capable de gravir une pente de 37%, de transporter un canon de 155mm mais aussi de procéder au dégagement de convois embourbés. Des résultats convaincants qui poussent l’armée à s’équiper de tels véhicules, un concours officiel est lancé pour le mois de mars 1913.
Le Ministère de la Guerre fixe le programme du concours : les camions qui peuvent y participer ne doivent pas dépasser le poids de 7,5 tonnes dont 2 tonnes de charge utile, rouler à la vitesse moyenne de 8km/h en tractant 15 tonnes, être capable de gravir, sans remorque, une pente de 18%. Pour ce concours, le Châtillon-Panhard était équipé d’un quatre cylindres développant 42Ch et, s’il démontra ses capacités en répondant parfaitement aux demandes des militaires, un concurrent se démarque davantage, le Latil TAR, qui aura la préférence des militaires.
Un nouveau concours organisé au cours de l’année 1914 voit à nouveau le Châtillon-Panhard confronté aux Latil TAR mais également à un nouveau venu, le Renault Type EG. Là encore, malgré des qualités indéniables, le Châtillon-Panhard se fait surclasser par ses rivaux qui intègreront les rangs de l’armée française. Au final, le Châtillon-Panhard fut commandé en quelques rares exemplaires par l’armée, une cinquantaine selon les sources, qui furent parmi les premiers véhicules motorisés à monter vers le front lors de la première Bataille de la Marne. Aucun exemplaire de ce véhicule n’est recensé de nos jours.