La première guerre mondiale voit l’industrie de l’armement faire un énorme bond en avant… pour alimenter une boucherie humaine de plusieurs millions de morts. Dans cette quête à la victoire, chaque camp développe des armes nouvelles, dont certaines sont liées à l’automobile au sens large. Et parmi ces dernières figure le char de combat, parmi lesquels le char français Saint-Chamond.
Dès 1914, la première guerre mondiale se transforme rapidement en guerre de tranchées, l’armée française cherche alors des méthodes pour passer les barbelés et avancer dans le « no mans land » de manière efficace. L’armée se dirige alors vers le véhicule blindé, mais celui-ci devra être apte de se déplacer sur un terrain défoncé par l’artillerie. Le tank français nait rapidement, le premier fut le Schneider CA1 présenté en 1915. Celui-ci est suivi par le Saint-Chamond produit à partir de l’année 1916, lequel offre d’autres atouts que son prédécesseur. Naît alors une rivalité entre les deux firmes.
A l’origine, l’armée française demande aux sociétés Saint-Chamond et Schneider la production d’un même char à 400 exemplaires pour chacune d’elle. L’armée a réalisé une base commune mais les deux entreprises finissent par avoir des désaccords sur l’habillage de cette base. Schneider a en effet développé une « carrosserie » qui permet de passer les tranchées tout en étant courte et légère, mais ne souhaite pas la partager avec Saint-Chamond, laquelle ne veut pas devoir de royalties à Schneider. C’est ainsi que les sociétés partent sur deux projets différents…
Le Saint-Chamond se veut plus compétitif que le Schneider en embarquant un meilleur armement : un canon de 75 mm et quatre mitrailleuses Hotchkiss. Cet armement est validé par le ministère de la Guerre, ce qui a pour conséquence d’alourdir le char, mais aussi d’allonger sa carrosserie. Au final, le compartiment de combat est allongé tant à l’arrière qu’à l’avant et dépasse largement les chenilles. La longueur totale est de 8,7 mètres (7,9 mètres sans le canon) pour un poids total de 22 tonnes.
Côté moteur, c’est un quatre cylindres Panhard Levassor sans soupapes d’une puissance de 90 Ch qui est monté dans ce char, il est accolé à une transmission électrique Crochat-Colardeau qui permet au Saint-Chamond une vitesse de pointe de 12km/h. Cette transmission était utilisée avant guerre sur les automotrices et avait l’avantage de proposer une conduite souple et rapide.
Le char Saint-Chamond est finalement présenté en Septembre 1916 à l’Armée qui l’approuve après quelques essais, la production des 400 exemplaires commandés par l’armée débute alors. Les premiers exemplaires sortent de l’usine de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt située à Saint-Chamond à partir du mois d’Avril 1917.
Cependant, sur le champ de bataille, le Saint-Chamond n’est pas à son avantage, la mécanique de ce char a avant tout été conçue pour fonctionner sur route plutôt que sur un terrain retourné par les obus. Pire encore, la carrosserie est son nez a la fâcheuse tendance à se bloquer sur le moindre obstacle, sans oublier le train de chenille sujet à de nombreux déraillements car trop court : les chenilles exercent une pression trop forte sur le sol.
Face à ces premières critiques, Saint-Chamond fait évoluer son char dans une seconde version, le Saint-Chamond M2 avec un toit à deux pentes pour laisser rouler les grenades sur sa carrosserie, les patins des chenilles sont élargies de 30%, des rouleaux cylindriques sont placés à l’avant et à l’arrière du char, et le Saint-Chamond ne dispose plus que d’une tourelle.
Mais, courant 1918, la première guerre mondiale passe d’une guerre de tranchée à une guerre de mouvement, et désormais, le Saint-Chamond montre ses capacités en frappant l’ennemi de loin. Mais ayant trop de tares, les Saint-Chamond cessent leur service en Septembre 1918, deux mois avant l’armistice, ils avaient été remplacés par des chars lourds anglais. Aujourd’hui, il n’existe plus qu’un seul Saint-Chamond, présent en France dans la collection du musée de Saumur.