La France n’est-elle pas une terre d’artisans rêvant de voitures sportives ? Au panthéon des marques, citons entre autre Alpine, CG, mais aussi Matra qui se livraient une concurrence redoutable durant les années 1960. Dans les années 1970, CG disparaît, Alpine s’oriente vers les GT et Matra vers des véhicules aux formes atypiques, le premier acte est la 530, le second la Bagheera…
Après avoir repris les automobiles René Bonnet , Matra vend des voitures sous son propre blason en faisant perdurer la Djet puis la remplace en 1967 par la 530, un modèle atypique qui ne fera pas recette malgré presque 10.000 exemplaires commercialisés. Entre temps, Matra s’associe avec Simca qui lui permet de disposer d’un vaste réseau de distribution et lui ouvre les portes de sa banque de pièces pour disposer d’un moteur français pour concevoir un nouveau modèle. Quant à Simca, cette association lui permet de proposer des voitures sportives qui manquaient tant dans sa gamme.
La conception d’un modèle prenant la relève de la Matra 530 démarre rapidement, le choix se porte sur le quatre cylindres 1300 de Simca qui se loge en position centrale arrière comme il est de coutume désormais chez Matra. Le projet Matra 550 est en route et doit se diriger côté style vers une voiture plus conventionnelle que sa devancière. Il est décidé de faire une GT s’inspirant des Ferrari et des lignes de Pininfarina contemporaines, mais chez Matra, on est contre l’architecture 2+2, c’est pourquoi les ingénieurs optent pour une voiture à trois places de front ! L’idée n’est pas dénuée de sens car les GT proposent en réalité deux (très) petites places arrières quasiment inutilisables.
Les ingénieurs de Matra doivent aussi limiter les coûts de développement et de production, côté moteur, cela se concrétise par un moteur totalement d’origine Simca sans aucune modification visant à augmenter la puissance, cela permet également de conserver la garantie Simca. Mais surtout, Matra utilise au maximum les éléments de la banque d’organes du constructeur à l’hirondelle, notamment de la Simca 1100 dont sont tirés la direction, le freinage et le train avant. Le reste est du pur Matra, qui réalise un châssis parmi les meilleurs en terme de comportement routier.
Matra effectue de nombreux tests d’endurance sur cette nouvelle voiture, effectue des roulages dans le froid de la Scandinavie et dans la chaleur des sables mauritaniens pour mettre la mécanique à rude épreuve, mais aussi l’ensemble des composantes et des matériaux de la voitures, ne serait-ce la carrosserie réalisée en polyester armée de fibre de verre.
Finalement, le projet Matra 550 est mené à terme courant 1973, ce qui ouvre la voie à la présentation de la voiture qui s’effectua début 1974. La nouvelle Matra prend la dénomination Bagheera, elle est présentée aux journalistes le 14 avril 1974 dans la région d’Annecy, puis de manière officielle lors des 24 heures du Mans 1974, il n’y avait pas meilleur cadre pour lancer une sportive, d’autant que Matra y signe sa seconde victoire cette année là. Enfin, la Bagheera n’a de sportive que le nom car si la presse s’intéresse à la voiture pour son intérieur atypique et sa ligne attirante, les performances du moteur sont quelque peu décevantes… Avec ses 84cv, la Bagheera se permet un 185km/h en vitesse de pointe et met 33,5 secondes pour courir le 1000 mètres départ arrêté. Un peu juste !
Toutefois, Matra avait bien étudié une version plus sportive de la Bagheera, la U8 réalisée par l’accouplement de deux moteurs de 1300Cm3 Simca, donnant naissance à un huit cylindres en U de 2.588cm3. Développant 168Cv, ce moteur permettait une pointe à 220Km/h ! Hélas, la crise pétrolière passe entre temps et a eu raison de ce modèle qui aurait pu chapeauter la gamme Bagheera, seuls deux prototypes ont été assemblés… (lire aussi : Matra Bagheera U8).
La presse met également en avant la faiblesse de la finition de la voiture, peu aidée par la qualité des matériaux. Toutefois, la Bagheera s’avère rapidement être une réussite commerciale avec le 10.000ème exemplaire qui sort d’usine un an après son lancement. Au cours de l’été 1974, Matra s’offre les services du couturier André Courrèges qui permet de commercialiser une version totalement blanche (elle aurait dû l’être jusque dans les flancs blancs…), de quoi rendre encore plus atypique la Bagheera !
Au cours de l’année 1975, Simca lance les 1307/1308, la Matra Bagheera bénéficie du moteur de cette nouvelle voiture, le quatre cylindres de 1442cm3 qui offre 90Cv, la puissance commence à être au rendez-vous avec cette version nommée Bagheera S. Hélas, ce ne sont pas les performances qui en bénéficient mais l’agrément de conduite car le moteur offre un couple plus élevé.
L’année suivante, Matra opère un restylage de la Bagheera pour redynamiser les ventes qui commencent à s’essoufler, la marque réussit un bel exploit avec une transformation à faible coût qui opère un véritable changement au niveau du style, aidé par des pare-chocs plus enveloppants, mais aussi des nouveaux feux directement repris à la Simca 1307. Hélas, le poids de la voiture initialement de 885Kg augment à 915Kg, une mauvaise nouvelle pour une voiture qui souffrait déjà d’un manque de performances…
Courant 1978, la Bagheera Courrèges est stoppée après 661 exemplaires et remplacée par la Bagheera X, tout autant décalée avec une peinture noire métallisée et des liserés verts, tandis que l’habitacle se pare d’une sellerie verte; elle fut ensuite disponible en gris. Le renouvellement de la gamme continue en 1979 avec la suppression du moteur 1300, remplacé par le 1400 dégonflé à 84Cv, et le lancement de la Bagheera Jubilé, série spéciale équipée de toutes les options disponible au catalogue avec un moteur de 90Cv.
A la fin de l’année 1979, Peugeot prend le contrôle de Simca et opère un changement du nom de la marque pour Talbot. Cette acquisition a des conséquences chez Matra puisque la Bagheera S est stoppée et le reste de la gamme affiche la marque « Talbot-Matra ». Petit à petit, la Bagheera est stoppée, seule résiste quelques mois la Bagheera X dont la commercialisation s’éteint en septembre 1980. Au final, sur huit années de carrière, c’est 47.796 exemplaires qui ont été commercialisés, une grande réussite pour le constructeur de Romorantin-Lanthenay, qui laisse la Murena comme héritière.