L’Avantime, c’est l’histoire d’un des plus gros ratages de Renault et de l’industrie automobile française, dont l’échec mène à la disparition de Matra. Mais derrière ce portrait au vitriol se cache une voiture tout à fait attachante et « collectionable » dès sa sortie de concession…
L’histoire de l’Avantime commence avec la décision de Renault de concevoir l’Espace 4 et de le produire dans ses propres usines, marquant la fin de l’ère Matra dans la carrière de l’Espace conçu et produit par la firme de Romorantin-Lanthenay depuis 1984 (lire aussi : Renault Espace I). Pour ne pas mettre à mal son partenaire, Renault alerte Matra assez tôt de cette décision et ainsi l’inciter à concevoir un nouveau produit qui pourrait s’insérer dans la gamme du constructeur au losange.
L’Espace 3, le dernier de Matra
Dans la seconde partie des années 1990, malgré un troisième opus à succès de l’Espace, Renault décide de faire cavalier seul pour la quatrième génération. C’est cette décision qui va pousser Matra à imaginer l’Avantime…
Assez logiquement, Matra ayant une expérience dans le monoplace, c’est dans ce domaine que travaillent les ingénieurs de Romorantin, l’idée d’un « coupé-space » émerge rapidement en analysant la clientèle historique de Renault : ceux qui ont acheté les deux premières générations d’Espace sont aujourd’hui libérés de leurs contraintes familiale et disposent d’un fort pouvoir d’achat, ils peuvent avoir envie de se faire plaisir avec un coupé mais cette carrosserie offre trop peu d’espace, et ne permet pas d’emmener les petits-enfants. Il y a un marché à créer, à conquérir, et Matra se rêve de refaire le coup de l’Espace premier du nom.
Cette idée de coupé-space à vocation haut de gamme et sportive surprend les cadres de Renault, mais ces derniers n’hésitent pas à valider ce choix. Matra propose un concept sur la base de l’Espace III, les designers Renault dont Thierry Metroz offrent une ligne à la voiture en moins de six mois. Présenté en mars 1999 lors du salon de Genève, l’Avantime est une voiture aux lignes futuristes, lignes saillantes, jeux d’angles, arches en aluminium, toit en verre… Le service presse annonce que le concept-car préfigure une voiture qui sera proposée dans les concessions Renault, et qu’elle reprendra 95% des éléments du concept-car.
Alors que la commercialisation s’annonçait imminente, il faut attendre trois ans de plus pour voir l’Avantime enfin disponible au catalogue Renault, un retard imputable à divers problèmes de mise au point, et non des moindres : la cinématique de l’ouverture des portes, pesant 55kg pièce, nécessite de longs mois de tâtonnements pour déboucher sur un système à double articulation. Mais ce problème n’est pas le seul rencontré, le toit panoramique posa de nombreux soucis, comme les vitrages sans montants et l’étanchéité.
Malheureusement retardé, le lancement commercial de l’Avantime intervient en même temps que les Vel Satis et Espace IV, un télescopage d’annonces sur le renouvellement du haut-de-gamme Renault qui fait du mal à la communication de l’Avantime… D’autant que l’effet de surprise était passé, et le côté moderne de l’Avantime s’efface quelque peu aux côtés des nouvelles Renault. Et pour encore plus assombrir le tableau, l’Avantime n’offre qu’un seul moteur : le V6 essence Renault-Peugeot de 3,0 litres de cylindrée pour 210Ch, qui malgré un poids à vide de 1.768kg, passe de 0 à 100km/h en 8,6 secondes, et une vitesse maximale de 220km/h. Sans Diesel, Renault se tirait une balle dans le pied.
A la fin de l’année 2002, un quatre cylindres en ligne de 2,0 litres et équipé d’un turbo est désormais disponible, plus modeste que le V6, cette mécanique était plus apte à répondre à la demande. Avec ses 165Ch, les performances restent proches du V6 avec une vitesse maximale à 198km/h. Puis le 2,2 litres DCI (Diesel) complète l’offre quelques mois plus tard, mais ce moteur, décrié pour sa fiabilité, refroidi rapidement le reste de la clientèle intéressée par la voiture.
Aux timides ventes des premiers mois de commercialisation, le couple Renault-Matra espère revivre les premières semaines de l’Espace premier du nom. Mais au bout de douze mois, les chiffres parlent : seules 3.900 Avantime vendues pour un plan de commercialisation entre 9.000 et 15.000 exemplaires par an. Malgré l’offre de moteurs élargie, les ventes de l’Avantime ne décollent pas pour autant. Le design clivant de la voiture limite ses possibilités, son prix élevé et sa finition pas forcément en adéquation avec le créneau visé expliquent cette méforme. Au final, faute d’évolution favorable envisageable, Matra et Renault en viennent à stopper l’aventure courant 2003, après seulement 8.554 unités produites.