Ah, les piscines Tournesol ! Plus d’une centaine d’entre elles ont été installées partout en France entre les années 1970 et les années 1980. La piscine Tournesol était reconnaissable entre mille grâce à son dôme emblématique des seventies, elle nous renvoie directement à l’âge d’or du plastique, des couleurs pop et de la préfabrication industrielle. 

                   Aux origines des piscines Tournesol, il faut remonter aux Jeux Olympiques de 1968, une édition bien décevante pour la délégation française, notamment en natation où les Français ne ramèneront qu’une médaille de bronze. Si les français sont mauvais en natation, c’est peut-être parce qu’il n’y a pas assez de piscines couvertes et chauffées pour pratiquer ce sport toute l’année. C’est ainsi que le secrétariat d’État chargé de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs lance au premier semestre 1969 le programme « 1 000 piscines« , un concours d’idées pour imaginer des piscines facile à construire sur toute le territoire et peu couteuses, notamment en concevant des piscines à l’échelle industrielle avec la méthode de la préfabrication. Durant l’été 1969, deux faits divers marquent l’opinion publique : la noyade de dix-neuf enfants d’un centre de loisirs dans la Loire, puis le naufrage du bateau La Fraidieu sur le lac Léman, qui voit périr 24 personnes, dont quatorze jeunes filles. Une triste actualité qui fait tout de même dire que le programme 1 000 piscine est le bienvenu.

                  Les lauréats seront par la suite aidé par l’Etat tant pour la mise en œuvre technique des idées que sur le volet financier en proposant via la Caisse des Dépôts et Consignations des facilités de financements aux collectivités locales. Le cahier des charges impose la préfabrication des éléments mais aussi l’ouverture de l’édifice sur l’extérieur pour bénéficier du beau temps en été. Une modularité qui inscrit les futures piscines tant comme équipement d’entrainement, d’éducation et de loisirs. Ce concours est divisé en deux volets, l’un doit mener à la réalisation de piscines économiques, le second à la réalisation de piscines transformables avec des bassins aux dimensions olympiques. Le jury récompensera d’une première place le projet de l’architecte Bernard Schoeller, officiant son art au sein de l’agence d’architecture Arsène-Henry mais concourant ici en son nom propre, et ce dans les deux catégories. 

              Son idée, proposer une piscine recouverte d’une coupole pouvant s’ouvrir partiellement en coulissant sur elle-même. L’unité de la structure, la compacité de l’enveloppe, et surtout, la grande part des éléments préfabriqués (en gros, seules les fondations et la pose du carrelage se font « à l’ancienne« ) en font logiquement une solution répondant totalement aux attentes de l’Etat. Son design atypique et distinctif n’y est peut-être pas pour rien aussi… Notons qu’à l’origine, Bernard Schoeller prévoyait de construire la couple à l’aide de panneaux en aciers corten, doublé d’une isolation thermique et phonique. L’autre point fort des projets portés par Schoeller, c’est l’ouverture de la coupole : sur la grande version, la moitié de la coupole s’ouvre, ce qui permet de suivre la course du soleil au cours de la journée : le matin, le quart sud-est s’ouvre, à midi, la moitié exposée au sud, et le soir, on laisse le quart sud-ouest ouvert. Une particularité qui vaudra le surnom Tournesol à la piscine de Schoeller. La version économique ne s’ouvre que sur un quart seulement, placé au sud.

             Lauréat du concours 1 000 Piscines, le projet de Schoeller fait l’objet d’études techniques pris en charge par l’Etat par le biais du bureau d’étude SERI, alors une filiale de la Régie Renault Rapidement, le projet de piscine transformable, très couteux, fut abandonné pour ne conserver que le modèle économique. La structure porteuse, réalisée en treillis d’acier autour d’une clé de voute, est l’œuvre de l’ingénieur Thémis Constantinidis. Elle présente plusieurs avantages : pas de poteau pour entraver l’espace intérieur, et la coupole peut s’ouvrir sur un tiers de sa surface à l’aide d’une couronne, d’un rail circulaire au sol et d’un moteur électrique. Pour habiller la structure, les panneaux en acier corten sont remplacés par des panneaux en polyester, moins cher et plus facile à produire, ils sont aussi plus légers. N’étant pas porteur, on peut se permettre des les percer par de larges hublots en plexiglas en forme de bulles. La fabrication de ces éléments est confiée à Matra Plastiques. L’aménagement intérieur n’échappe pas aux règles de standardisations, ce sera le même dans toutes les piscines du type. La rationalisation des composantes ira jusqu’à standardiser les revêtements de sols…

                  Le premier prototype de piscine Tournesol est assemblé à Nangis, en Seine-et-Marne, courant 1972. A cette époque, la piscine Tournesol est proposée aux collectivités contre 1.300.000 Francs. C’est le point de départ de l’aventure commerciale de cette piscine, dont la société Durafour remporte le marché de sa fabrication.  Si la piscine Tournesol était lauréat du concours, l’Etat apporte son concours au développement et à la commercialisation des cinq projets les mieux classés du concours 1.000 piscines. Et la piscine Tournesol ne fut pas la plus construite, la palme revient à la Piscine Caneton, de conception plus conventionnelle (et donc plus économique) qui fut dupliquée à 196 exemplaires, contre 186 unités pour la Tournesol. 

            Le bilan est contrasté pour cette piscine, qui n’atteindra pas l’objectif des 250 exemplaires souhaité par l’Etat, c’est d’ailleurs le cas de la totalité du programme 1.000 Piscines, seuls 600 à 700 équipements ont été conçu en France dans le cadre de ce programme. Et si la piscine Tournesol arrive à convaincre jusqu’en 1982, année de son dernière implantation (c’était à Carros, dans les Alpes Maritimes), les faits sont plus contrastés avec la plupart des ventes effectuées entre 1972 et 1975. Par la suite, les ventes déclinent rapidement et la société chargée de sa fabrication cesse de les produire en 1977 et réalise les constructions suivantes sur son stock de pièces déjà produites. 

                 Finalement, la piscine Tournesel a eu le défaut de ses avantages : le concept déjà, une rationalisation portée à son paroxysme qui ne laisse que peu de place au particularismes locaux. Pour trouver plus de libertés, les collectivités locales finissent par se tourner vers des solutions sur-mesure, certes plus chères mais plus adaptées. Ensuite, la piscine Tournesol n’est pas évolutive une fois construite, elle s’avère même dans certaines communes sous dimensionnée. Et puis, il y a la durée de vie, estimée à 25 ans, plutôt modeste… Comme toutes les constructions préfabriquées, le problème de la maintenance et de la durabilité se posa rapidement, la piscine Tourneseol ayant été fabriquée avec des matériaux de qualité moyenne, elle nécessite un entretien important, il faut veiller à l’étanchéité et à l’isolation, point faible du modèle. 

              Déjà, dès les années 1990, les premières piscines Tournesol sont démantelées. Le programme 1 000 piscine visait l’équipement rapide et à moindre frais du territoire en piscine, la durabilité n’était pas un critère. Et puis le style particulier, bien adaptée aux années 1970 mais dont les municipalités auront plus de mal à assumer deux décennies plus tard… La piscine Tournesol devient rapidement obsolète en raison de sa conception même, et la demande des usagers n’est plus la même. Dans les années 2000, on verra fleurir des centres aquatiques axés loisirs avec saunas, spas et toboggans… La piscine Tournesol est quant à elle reléguée au second plan, les couts de fonctionnement élevés du modèle les font fermer précipitamment. Ou parfois, à l’occasion d’une panne qu’on ne réparera pas… 

          Aux démantèlements s’oppose parfois une volonté de sauvegarde de l’espèce. La piscine Tournesol est un témoin de son époque, un équipement collectif qui appartient au patrimoine architectural de notre pays, elle est aussi le souvenir d’une génération qui a appris à nager à l’intérieur de ce dôme. Certaines piscines Tournesol ont ainsi pu être restaurées, trois d’entre elles ont été labellisées patrimoine du XXème siècle, une mise en valeur à défaut d’une véritable protection.