Longtemps laissé à son côté utilitariste, la carrosserie automobile a pourtant un rôle à jouer dans les performances d’une automobile avec l’aérodynamique. Dans les années 1920 et 1930, c’est principalement en Allemagne que les recherches d’un meilleur coefficient de pénétration dans l’air se font avec une multitude de prototypes, mais d’autres pays ne sont pas en reste comme la Roumanie avec l’ingénieur Persu.
En 1899, la Jamais Contente de Jenatzy passe la barrière symbolique des 100km/h aidée par sa carrosserie en forme de torpille dont le pilote belge déclara qu’en vue de l’obtention de vitesses exceptionnelles, une voiture doit se doter d’un « bouclier coupe-vent ». Un précepte qui s’avéra juste quelques décennies plus tard ! Dans les années 1910, l’automobile bénéficie des avancés de l’aviation qui permettent de déterminer de meilleures formes pour opposer le moins de résistance à l’air. Dans les années 1920, quelques ingénieurs visionnaires se lancent dans la conception de véhicules aérodynamiques, c’est le cas entre autre de l’allemand Rumpler, de l’hongrois Jaray et du roumain Persu.
Aurel Persu, ingénieur roumain né le 25 décembre 1890 a fait ses études en Allemagne au sein du lycée technique de Berlin dont il sort diplômé en mécanique en 1913, il s’intéresse ensuite à l’aérodynamique et décide d’appliquer le résultat de ses recherches à l’automobile. Après de nombreux calculs et expériences, Aurel Persu détermine que la carrosserie automobile doit se rapprocher de la forme d’une goutte d’eau pour offrir le moins de résistance à l’air. Il dessine les plans d’une automobile et en dépose le brevet en Allemagne le 13 novembre 1922, qu’il obtient le 19 septembre 1924, puis en 1927 aux Etats-Unis.
Persu aurait pu s’arrêter à son brevet, mais il décide de mettre en application ses idées et lance la construction de sa voiture sur ses fonds personnels dès 1922. Cette voiture dispose de plusieurs originalités, outre sa forme, les roues se situent à l’intérieur de la carrosserie, une première ! Pour réaliser cette voiture, Persu fait appel à plusieurs entreprises berlinoises et se dote d’un moteur quatre cylindres en ligne d’AGA Berlin, développant 22Ch pour 1.410cm3, et d’une boite à trois rapports venant elle aussi de chez AGA Berlin. Cet ensemble moteur-boite se trouve en centre de la voiture, derrière l’habitacle. En raison de son essieu arrière peu large, cette voiture se passe d’un différentiel.
Preuve des bienfaits de l’aérodynamique, la voiture de Persu, terminée au cours de l’année 1923, peut atteindre une vitesse de pointe à 80km/h quand une voiture de la même époque équipée du même moteur montait péniblement à 60km/h. Et c’est à cette même vitesse, 60km/h, que la voiture expérimentale de Persu peut négocier les virages. Au final, pour atteindre les mêmes performances qu’une voiture de la même époque, un véhicule aérodynamique peut s’équiper d’un moteur plus petit et ainsi, espérer être plus accessible au quidam moyen.
Aurel Persu utilisa sa voiture entre l’Allemagne et la Pologne et effectua 120.000km à son bord, avant qu’elle ne soit donnée au Musée technique National de Bucarest où la voiture se trouve encore de nos jours. Malgré une démonstration réussie, la voiture expérimentale de Persu ne fut jamais produite en série, aussi petite soit-elle, Ford et General Motors ont pu s’intéresser au rachat du brevet mais ces avances ont toujours été refusées par Aurel Persu, aucun constructeur ne s’engageait à appliquer ses préceptes. C’est ainsi que cette voiture et son créateur sont tombés dans l’oubli..