Attendue depuis bien longtemps, la petite voiture populaire de Citroën apparaît pour la première fois au grand public le 07 Octobre 1948 sous le nom de « Citroën 2CV Traction avant ». Il faudra encore attendre un peu pour sa commercialisation, mais sa présentation lance une carrière exemplaire malgré d’incessantes critiques à ses débuts. Cap sur la première 2CV de cette longue lignée, la Type A…
Depuis longtemps, la presse est au courant que Citroën souhaite proposer une voiture très bon marché afin de mettre la France sur roues. Initialement, cette voiture devait être présentée en Septembre 1939 et était le fruit des études du projet TPV. Mais la seconde guerre mondiale en décidera autrement… A posteriori, on ne pourrait que ce réjouir de ce report tant la TPV paraissait comme une caricature d’automobile. Dans le secret, le projet TPV continue durant la guerre car le bureau d’études Citroën avait été délocalisé à Niort, diverses solutions techniques sont essayées, et la pénurie permet de se rendre compte que certains matériaux initialement prévus sont trop rares…
Une fois la paix revenue, tandis que l’on peaufine encore et toujours le projet TPV, Flaminio Bertoni arrive à obtenir un accord pour revoir totalement la carrosserie de la TPV. Rappelons que le président de Citroën, Pierre-Jules Boulanger, avait mentionné que l’aspect de cette voiture populaire n’était pas un critère primordial, elle devait seulement être « quatre roues sous un parapluie ». Aussi, la mécanique est mise au point dans cette période par Walter Becchia, après avoir tâtonné entre moteur à plat refroidi par eau, c’est finalement un flat-twin refroidit par air étonnamment proche des moteurs de moto BMW qui est retenu… L’ensemble de la voiture est prête courant 1948, sa présentation peut avoir lieu.
Si l’ensemble de la presse automobile s’attendait à voir cette voiture apparaître pour de salon de Paris d’octobre 1946, tel ne fut pas le cas. Ni pour l’édition 1947. Certains pensaient alors que Citroën avait loupé le coche, car entre temps, le marché français était dominé par la populaire Renault 4CV, et d’autres petites voitures apparaissent telles les Panhard Dyna X ou Simca 6 ! Mais Citroën va prendre tout le monde de court en présentant la 2CV pour l‘édition 1948.
Afin de garder le secret, Pierre-Jules Boulanger relate à la presse qu’il ne faudra rien attendre de nouveau sur le stand Citroën quelques semaines avant l’ouverture de ce salon. Ce n’est que la veille de l’ouverture que trois voitures bâchées quittent les bureaux d’études Citroën. Elles seront débâchées le lendemain, le 07 Octobre, lors de la visite du président Auriol sur le stand Citroën. Le monde découvre alors la petite Citroën…
Et les premières impressions portent sur la carrosserie, qui ne sont pas favorables à la voiture. Et quand Citroën présente quelques particularités de la 2CV, comme la bâche en guise de toit, le public trouve un surnom tout trouvé : « la boite à sardines ». Pourtant, malgré les moqueries incessantes d’une bonne partie du public et des autres constructeurs, Citroën y croit et distribue en masse un dépliant sur la voiture dans laquelle les caractéristiques de la 2CV y sont révélées : voiture à quatre places, 60km/h, 5 litres aux 100, 50kg de bagages…
En réalité, seule la mécanique n’est pas dévoilée, car Citroën hésite encore. Et les 2CV présentées au salon 1948 ont le capot plombé car la mécanique est aux abonnées absentes. Et surtout, Citroën dévoile un prix : 185.000 Francs. Un prix très bas qui fait rapidement oublier aux intéressés les moqueries portées à la voiture, car une 4CV était alors commercialisée 245.500 Francs.
Maintenant, il ne reste plus qu’à industrialiser la voiture et la commercialiser, sans oublier le fameux passage au services des Mines. Entre temps, les critiques commencent à se taire autours de la 2CV, et la crainte de certains concurrent commence à apparaitre. Mais dans les bureaux d’études Citroën, les points de vue extérieur ne sont pas le principal des soucis, car l’heure est à l’industrialisation de la voiture. La forme définitive de la 2CV est présentée aux Mines le 24 Juin 1949, elle s’appellera désormais « 2CV Type A ».
Quant au moteur, on le connait enfin : il s’agit d’un petit bicylindre refroidi par air cubant 375cm3. Ce moteur est accolé à une boite à quatre rapports (en réalité : trois rapports et une vitesse surmultipliée), un ensemble qui développe … 9CV. Une puissance folle qui permet de mouvoir les 510kg de la voiture jusqu’à 65km/h, en consommant entre 4 et 5 litres d’essence aux 100km. Mais les performances demeurent faibles : 75 secondes pour couvrir le kilomètre départ arrêté. Mais c’est vrai, rappelons que la voiture n’a que faire d’avoir de bonnes performances, son seul objectif est de transporter ses passagers.
La production démarre dans la foulée, mais à un rythme très lent. Les usines Citroën doivent se calibrer petit à petit sur ce modèle qui n’est pas simple à construire, car nombre d’éléments restent complexes comme la suspension à batteurs à inertie. Quatre voitures par jour sont assemblées en Juin 1949, avant que la production ne démarre réellement en Juillet. Pour l’année 1949, c’est seulement 876 2CV qui sont produites. Mais outre ces difficultés, Citroën est victime de la pénurie de matières premières, notamment d’acier que l’Etat français alloue en priorité au secteur du BTP, puis à Renault pour sa 4CV…
A cette époque, la 2CV est très simple car elle ne comprend pour seuls éléments dans son habitacle un tachymètre et un ampèremètre. Mais pas de serrures de portes, Citroën fourni un système antivol repris sur les deux roues. Seule concession, Citroën équipe la 2CV d’un démarreur électrique pour faciliter son utilisation. Concernant le prix, avec l’inflation, la 2CV est proposée par Citroën au prix 228.000 Francs, ce qui en fait la moins chère des voitures du marché. Les commandes affluent, le double chevron peinera pour suivre la demande…
En 1950, les usines Citroën sortent 6.196 voitures, puis 14.592 en 1952. C’est à partir de cette année que la Type A reçoit des serrures de portes; dans le même temps, la gamme 2CV s’élargie avec un utilitaire. Au milieu de l’année 1953, Citroën augmente une nouvelle fois les cadences de production pour tenter de passer d’une production encore artisanale à une production industrielle.
Cela provoque de nombreux changements sur la voiture : les portes, capot et ailes sont désormais emboutis et non plus soudés ! Pour marquer ce changement, la 2CV perd son ovale qui contenait les chevrons sur la calandre, un élément purement stylistique, et donc inutile. Cette année, la production passe à 35.361 berlines.
En 1954, alors que les carnets de commandes sont pleins pour plusieurs mois, pour ne pas dire année; Citroën écoute ses clients. Ces derniers sont désireux d’une voiture plus puissante afin d’aller plus vite, mais aussi avec quelques éléments de confort en plus. C’est ainsi qu’à partir de la Type A, Citroën développe l’AZ avec un moteur réalésé à 425cm3 qui développe désormais 12Cv. Mais la carrière de la Type A n’est pas encore terminée, Citroën la conserve dans son catalogue afin de répondre aux clients à la recherche d’un prix avant autre chose.
Cependant, l’AZ est bien plus attractive pour un prix à peine supérieur, la clientèle urbaine préfère largement cette nouvelle version, la clientèle campagnarde suit ce mouvement notamment en raison du moteur plus puissant. La Type A devient alors marginale dans la production des 2CV, Citroën la maintient toutefois jusqu’en 1960, année où elle fut officiellement arrêtée.