Dans les années 1950, la turbine a suscité l’intérêt du des constructeurs automobiles et du grand public. Ce nouveau mode de propulsion, initialement créé pour l’aéronautique, a montré toutes ses qualités dans les airs où il a surpassé les moteurs traditionnels. Cela a suscité l’espoir que la turbine pourrait également révolutionner l’industrie automobile. Parmi les constructeurs qui ont tenté cette expérimentation, on peut citer Fiat avec sa Turbina…
Depuis la Seconde Guerre Mondiale, certains domaines ont fait d’importantes avancés, c’est le cas des moteurs à réaction qui supplantent petit à petit les moteurs à pistons dans l’aviation. Cette technologie intéresse, fascine… Avec cette domination que prend le moteur à réaction dans l’aviation, le monde de l’automobile commencer à s’intéresser à cette motorisation. L’anglais Rover se lance le premier dans les études début 1948, les américains de la General Motors et de Chrysler emboitent le pas dans les mois qui suivent. Puis l’italien Fiat se lance à son tour à partir de septembre 1950 en mettant à la tête du programme l’ingénieur Dante Giacosa… Il ne s’agit pas d’un projet d’envergure, seulement une sorte de « cellule de veille » afin que Fiat ne se fasse pas distancer sur les turbines automobile si jamais cette technologie devait émerger un jour.
Chez Fiat, on ne partait pas de zéro, puisqu’une filiale produisait sous licence le moteur à réaction de Haviland Ghost, ainsi que des turbines à gaz industrielles. Pour son projet de voiture à turbine, Giacosa décida de ne pas utiliser trop fortement les compétences de la filiale aéronautique, d’une part il s’agissait de ne pas déranger le développement de cette activité, mais surtout parce que les turbines d’aviations ne sont clairement pas adaptées à l’automobile et qu’il faut en créer une de toute pièce. Giacosa et ses ingénieurs vont donc examiner et apprendre les rudiments d’une turbine, puis établir un cahier des charges.
En mai 1951, les plans de la turbine du projet porté par Giacosa sont remis aux ateliers de Fiat pour fabrication, et la première unité est terminée le 08 novembre 1951. Démarre alors de longs mois de mise au point de la turbine Fiat avec des heures d’essais passés au banc. A cette époque, il n’est pas possible de miniaturiser une turbine avec efficacité, la plus petite qu’il est possible de produire propose une puissance d’environ 200Ch, soit l’équivalent à l’époque d’une Ferrari. Premier enseignement, la turbine n’est pas destinée à la voiture de Monsieur tout le monde pour l’instant.
Pendant ce temps, le grand public voit apparaître de nombreux projets de véhicules à turbine, la première voiture à Turbine fut une Rover, présentée en mars 1950, ce même constructeur inscrit le premier record de vitesse pour une voiture à turbine en 1952. En 1951, le français Laffly présente un châssis de camion propulsé par une turbine Turbomeca. En même temps, aux Etats-Unis, une turbine Boeing est montée dans un camion Kenworth… Puis en octobre 1952, le coupé SOCEMA-Grégoire est dévoilé au salon de Paris… En janvier 1953, la direction de Fiat alloue un financement plus important au programme turbina mené par Giacosa , l’objectif est désormais de faire naître une automobile Fiat à moteur turbine.
La turbine faisant 200Ch, on s’oriente vers une voiture de sport, avec l’idée peut-être d’aller chercher les records de vitesse pour ce type de motorisation. On se tourne vers le châssis de la Fiat 8V (mis au point par Giacosa lui-même) et sa suspension indépendante, pour l’adapter à la turbine. Celle-ci prend place à l’arrière, alimenté en air par un important tunnel qui part de l’avant de la voiture. Le mouvement de la turbine est transmis aux roues arrière par le biais d’un réducteur qui diminuait la vitesse de rotation entre la turbine et les roues motrices.
Pour la carrosserie, c’est le styliste Fabio Luigi Rapi qui reçoit l’honneur d’habiller la Fiat Turbina. Rapi était directeur adjoint de Giacosa et avait, depuis 1952, pris la responsabilité des carrosseries spéciales du «Centro Stile Fiat ». L’étude est extrêmement poussée et fait appel à la soufflerie de l’école polytechnique de Turin, ce qui permet d’obtenir une ligne affichant un Cx record de 0,14. Parmi les éléments qui impressionnent le plus, il y a les deux ailerons à l’arrière qui font office de stabilisateur quand la voiture évolue à haute vitesse.
C’est au cours de l’hiver 1953-54 que la Fiat Turbina prend forme. Fin février, le châssis était terminé et remis à la carrosserie, le 15 mars, la turbine est installée et le 10 avril 1954, la voiture est considérée comme terminée. Les premiers tours de roue sont effectués le 14 avril, sur la piste d’essai sur le toit de Lingotto, la Turbina est confiée au pilote Carlo Salamano, testeur vétéran à l’époque de Giacosa. La voiture est fin prête pour le salon de Turin qui ouvre ses portes le 21 avril ! Mais la Fiat Turbina ne sera pas exposée ans le salon, elle doit faire une démonstration sur l’aéroport Caselle de Turin. D’ailleurs, le 21 avril, c’est là que Salamano peaufine les derniers réglages de la Turbina, en secret.
Ce n’est que le 23 avril que la presse découvre la Fiat Turbina, fonctionnelle. Elle rejoint le salon dès le lendemain. Cette présentation fut un beau coup publicitaire pour Fiat car rares étaient les présentations de voitures à turbine fonctionnelles. A part les Rover à Turbine et la Firebird I de General Motors, tous les autres projets jusque-là présentés n’ont jamais été exposés en fonctionnement.
Derrière ce succès médiatique, les ingénieurs Fiat se remettent au travail. Des premiers essais, la turbine Fiat ne sortait que 150Ch, et certaines pièces nécessitaient d’être repensées pour supporter les hautes température en fonctionnement. Après des mois et des mois d’effort, la Turbina affiche une puissance de 295Ch en 1956. Le record de la Rover inscrit en 1952 semble à portée de la Turbina, c’est en tout cas ce que pense le pilote Carlo Salamano qui pousse en ce sens. Fiat se laisse séduire mais attend, si bien que Renault, en septembre 1956, remporte le record avec l’Etoile Filante. Spécialement conçue pour cette épreuve et avec une puissance comparable à la Fiat Turbina, c’est désormais peine perdue pour le constructeur italien… Et c’est ainsi que la voiture rejoint le musée Fiat.
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