La Peugeot 205 Turbo 16 est sans conteste l’une des voitures emblématiques du fameux Groupe B, la catégorie phare du championnat du monde des rallyes que la voiture remporta deux années de suite, en 1985 et 1986. La suppression de cette catégorie envoie prématurément cette voiture à la retraite, mais Peugeot la recycle sur le Rallye-Dakar ainsi qu’à la course de Pikes Peak. Mais derrière la sur-médiatisation des exploits sportifs de la 205 T16, on trouve la « Série 200 » qui fut nécessaire à l’homologation de la voiture, lesquels font aujourd’hui le bonheurs des passionnés… Zoom sur l’un des exemplaires qui a croisé notre route…
Chez Peugeot, le début des années 1980 est une époque difficile, dans une ambiance de marasme économique, la firme sochalienne a du mal à digérer les rachats successifs de Citroën (1976) et de Chrysler Europe (1978) plus ou moins dictés par le monde politique. Si Peugeot devient le premier constructeur européen et le quatrième au niveau mondial, les difficultés sont nombreuses, si bien que Peugeot supprime le tiers de ses effectifs en 1982. L’entreprise parait proche de la faillite, et l’on mise tout sur la nouvelle venue, la 205, qui est le fruit du projet M24 lancé en 1978.
Au niveau commercial, la Peugeot 205 est lancée en grandes pompes avec la présentation à la presse le 20 Janvier 1983 puis le 24 Février 1983 avec la présentation de l’ensemble de la gamme 205, qui usera du fameux slogan trouvé par Havas: « Sacré Numéro ». Et quel numéro la 205, les prévisions tablaient sur 1,6 millions d’unités commercialisées sur le cycle de vie de la voiture, il fut en réalité de 5,5 millions lors de la mise à la retraite du modèle en 1998, bien plus tard qu’initialement prévu. Ainsi, la 205 prend une place toute particulière chez Peugeot car cette petite voiture a sauvé la firme, ainsi que l’usine de Poissy dont l’avenir paraissait sombre en 1982.
Alors comment expliquer le succès de la 205 ? Plusieurs clés de lecture nous permettent de le comprendre, puisque la 205 avait une ligne moderne et agréable lors de son lancement, Peugeot joua sur l’image jeune et dynamique de cette voiture. Et la 205 est arrivée au bon moment sur le marché car en face d’elle en 1983, la Renault 5 ne pouvait tenir la comparaison et son restylage en « Super5 » n’intervient qu’en 1984, quant à la Citroën Visa, ces ventes demeuraient anecdotiques. A cela, il faut rajouter un moteur Diesel très performant apparu fin 1983, sans conteste l’un des meilleurs atouts de la voiture.
Mais aussi, le programme sportif de Peugeot-Talbot Sport donnera un réel coup de pouce à la 205, puisque le 23 Février 1983 (la veille de la présentation de la gamme 205), PTS lève le voile sur la sportive 205 Turbo 16, dont l’objectif est d’aller courir en Groupe B et de ravir le titre de champion du monde des rallyes. Le Groupe B fut crée en 1982 afin de faire courir des voitures de tourisme modifiées dont les moteurs développent parfois plus de 400Cv, il fut rapidement médiatisé par Audi et sa fameuse Quattro. Ainsi, en s’engageant en Groupe B, Peugeot sait qu’il gagnera en visibilité, mais pour cela, encore faut-il gagner…
Peugeot n’investit pas dans le monde du rallye sans aucune expérience, puisque PTS gérait déjà l’équipe Talbot-Sunbeam Lotus qui connaissait de bons résultats aux débuts des années 1980. Avec l’arrivée de la 205, Peugeot Talbot Sport lance le développement d’une voiture de course totalement nouvelle, orientée uniquement vers le Groupe B. Moteur en position centrale arrière, turbocompresseur, quatre roues motrices, 365Ch dans sa première version… Peugeot se donne les moyens, et pour cause : du succès en rallye dépendra du succès commercial de la 205, et donc de la survie de Peugeot.
Mais avant de s’engager en Groupe B, chaque constructeur doit respecter un point crucial du règlement : produire 200 exemplaires « client » de la voiture engagée. C’est pourquoi Peugeot s’affère en 1984, dans son usine de Poissy, à produire les 205 Turbo 16 de la Série 200. Au final, 219 exemplaires verront le jour. A noter que dans le processus de construction des 205 T16, le carrossier Heuliez était en charge de fabriquer les caisses, lesquelles étaient ensuite envoyées à Poissy.
Le moteur est un quatre cylindres de 1.775cm3 à seize soupapes, alimenté par une injection électronique Bosch K-Jetronic, et suralimenté par un turbo compresseur KKK, cet ensemble développe 200Ch tout rond. Il est accolé à une boite manuelle à cinq rapport puis logé en position centrale arrière à l’instar des voitures de compétition. Les performances sont excellentes pour une voiture civile, puisque la 205 Turbo 16 « Série 200 » peut aller jusqu’à 214km/h, et passer du 0 à 100km/h en 6,8 secondes; il faut dire que la voiture est aidée par son faible poids (1.145kg) et ses quatre roues motrices. Toutefois, ces performances sont nettement en retrait par rapport aux versions compétition.
Outre sa mécanique et ses performances, la 205 Turbo 16, c’est avant tout un look d’enfer ! La voiture séduit son public de la même manière qu’une certaine Renault 5 Turbo quelques années auparavant : des voies larges, des prises d’air démesurées… Et que dire du capot moteur qui intègre toute la partie arrière de la carrosserie, vitres latérales et ailes arrières ! Sachez que cette pièce pèse 50kg de base, 40 avec l’option « Kit PTS » … rien à voir avec les 9kg de la 205 T16 Evo2. Si la ligne générale de la voiture ressemble à une 205 de série, elle n’a en réalité rien à voir, à part quelques pièces comme les optiques, le pare-brise et les portes ! A l’arrière, entre les feux, se loge une grille à trois lames, mais contrairement à la 205 de base, aucun monogramme n’y est présent : Le nom de la voiture figure en bonne place sous la lunette avec un grand stickers rouge vif, efficace et marquant les esprits. Et comme je ne l’ai pas signalé auparavant, notons aussi que la 205 T16 ne fut proposée qu’avec une seule teinte : le gris.
Quant à l’intérieur, il nous est difficile de trouver des liens avec la 205 de série, si ce n’est le volant à deux branches identique aux premières 205 GTI. Le reste de l’habitacle est spécifique à la Turbo 16, avec un tableau de bord qui impressionne par le nombre de manomètres qui renseignent le pilote des différents paramètres du moteur. Pour sûr, on se sent dans une voiture de course, les baquets enveloppants nous le confirment, tout comme le pédalier en aluminium perforé.
Un essai nous aurait bien tenté mais la présence de la belle au sein d’une concession nous en empêche, et de toute façon, celui-ci aurait été impossible, c’est pourquoi nous nous rattraperons sur un Gran Turismo… avant cela, signalons que les 205 T16 « Série »200 étaient commercialisées au prix de 290.000 Francs, un prix élevé que seuls certains clients fortunés pouvaient débourser. Mais même avec cet obstacle, l’ensemble des 205 Turbo 16 ont trouvé preneur, parfois avec l’ajout du kit PTS pour la modique somme de 180.000 Francs qui permettait d’avoir une voiture proche des 205 T16 EvoI. Quant à la version de compétition, elle connu le succès que l’on connait aujourd’hui : 16 victoires en rallye sur 26 participation, deux Dakar …
Les +
_ Peugeot mythique
_ voiture de rallye
_ look d’enfer
Les –
_ côte très élevée
_ entretien et disponibilité des pièces
_ performances modestes face aux versions « course ».
L’avis d’Alex
Ah la 205 Turbo 16, voiture mythique à plusieurs titres puisque participant au célèbre Groupe B, et remportant deux championnats du monde des Rallyes, mais aussi deux Dakar. La version civile est plus sage côté performances mais tout aussi percutante au niveau du style, sa rareté (219 exemplaires) fini de parfaire le mythe. Mais le revers, si cette voiture restait accessible ces dernières années, sa côte a fini par exploser pour finalement devenir intouchable pour de très nombreux passionnés. T’en pis, le mythe le restera malgré tout, et à coup sûr, la 205T16 restera dans les mémoires pendant de nombreuses années encore…
Remerciements à la concession Peugeot de Thiers (63 - Puy-de-Dôme) d'avoir exposé cette voiture dans leur showroom et leur autorisation à prendre quelques clichés.