Peugeot s’implante au Nigéria dans les années 1960, le gouvernement local décide en 1969 de faire naître un industrie automobile nationale et lance un appel d’offres ouvert aux constructeurs pour construire une usine d’assemblage au Nigéria. Peugeot remporte l’affaire, et en 1972, la Peugeot Automobile Nigéria est fondée, co-entreprise entre le constructeur français et l’Etat nigérian. Dans un soucis de décentralisation de son industrie, le gouvernement nigérian décide d’installer l’usine d’assemblage Peugeot à Kaduna, une ville du nord du pays à 830km du port de Lagos. Inutile de dire que, au vu de l’état du réseau routier, c’est plusieurs jours de trajet pour rallier l’usine depuis le port.
Pire, lorsque Peugeot étudie avec GEFCO (sa filiale transport) l’acheminement des kits CKD depuis la France, il y a le problème du port de Lagos. Pour faire simple, le travail y est archaïque et il n’y a pas réellement de planification sur le déchargement des navires. Bilan, plus de 300 bateaux attendent d’être pris en charge, certains sont au mouillage de plus six mois. Une fois les marchandises à quai, le parcours du combattant est loin d’être terminé, encore faut-il passer une Douane prête à devenir tatillonne lorsqu’il s’agit de servir les intérêts de ses membres. Faut-il trouver un autre port au Nigéria ? A part Lagos, il y a bien Warri ou Calabar, mais ce sont des ports qui ne sont pas forcément à même de recevoir les volumes de Peugeot sans investissement, et Port Harcourt est tourné vers l’export de charbon et de pétrole. Aller chercher un port dans un pays voisin est impensable avec l’Etat Nigérian au capital, alors la GEFCO envisage l’avion.
L’affaire est alors inédite, d’autant qu’il s’agit de transporter 20.000 tonnes de pièces automobiles la première année, cela représente l’équivalent de 16.000 voitures. Parmi les défis à relever, il y a le coût qui devra se rapprocher le plus possible du transport maritime, et des vols qui devront s’insérer dans une chaîne de production. Contre toute attente, le montage montre que l’aventure est réalisable, la ville de Kaduna est équipée d’un aéroport apte au fret, tandis qu’en France, c’est l’aéroport de Lyon-Satolas qui est choisi compte tenu de la qualité de ses installations et sa proximité relative avec les usines Peugeot (environ 300km). Après d’âpres négociations, un accord de cinq ans est conclu entre GEFCO et la compagnie aérienne française UTA, le 1er mai 1975. Les vols débutent avec un Douglas DC8-55F quelques jours plus tard. En 1977, les 20.000 tonnes de fret passent à 30.000 tonnes, le pont aérien est complété par un Douglas DC8-63F, les deux avions effectuent jusqu’à 17 vols par semaine. Nigeria Airways est intégré dans la boucle à proportion de ses moyens, l’un de ses DC8-63F est appelé à la rescousse en cas de besoin.
Pour autant, le pont aérien effectué à rythme soutenu use les avions, UTA pourtant fidèle à Douglas va engager des pourparlers avec Boeing et prend commande d’un 747-200 F à l’usage exclusif du pont aérien Peugeot. L’arrivée de ce 747-200 F s’accompagne de la construction d’un nouvel aérogare à l’aéroport de Lyon dimensionné tant pour ce nouvel avion que pour le fret Peugeot. Le premier vol du 747-200F est réalisé le 16 octobre 1978, un avion neuf qui permet aussi de voir le volume du fret passer à 40.000 tonnes par an. Pour autant, ce pont aérien entre dans le viseur du gouvernement nigérian, les temps de déchargement au port de Lagos s’est amélioré avec l’embauche de personnel, l’exploitant du port fait alors pression pour récupérer à son profit le tonnage du fret Peugeot. D’autant que le chemin de fer nigérian s’est lui aussi amélioré. Bref, Peugeot n’a plus d’excuses pour ne pas utiliser les infrastructures du pays.
Finalement, le gouvernement nigérian fini par interdire le pont aérien en 1979, laissant à GEFCO quelques mois pour établir un plan d’approvisionnement passant par le port de Lagos. Le 29 mars 1980, le 747-200F effectue son dernier pont aérien avec Kaduna. En un peu moins de cinq ans, ce pont aérien aura effectué 2.140 vols et permis l’acheminement de 120.000 tonnes de marchandise, soit environ 100.000 voitures Peugeot.
Une belle histoire, comme on aime en lire sur ce site, merci !