La Jaguar XJ220 n’aurait pas de mal à figurer au panthéon des supercars, une oeuvre étudiée dans les moindres détails qui ne doit son existence au catalogue du constructeur anglais grâce à un heureux concours de circonstances…
A l’origine de la Jaguar XJ220, aux premières heures des années 1980, un groupe d’ingénieurs du constructeur anglais se retrouve en dehors de leurs heures de travail, principalement le samedi, formant l’officieux « Saturday Club » qui se passionne à mettre au point – sur le papier du moins – les voitures les plus folles. L’un des principaux projets est celui d’une sportive capable de rivaliser avec la Porsche 959 – et plus tard la Ferrari F40 – avec la vitesse de pointe de 220 mph en ligne de mire, soit 350km/h.
Petit à petit, cette supercar va prendre forme, le groupe imagine une Jaguar XJ13 modernisée équipée d’un V12. Les hautes instances de Jaguar finissent par prendre connaissance du projet qui, crédible et pouvant participer à l’image haut de gamme du constructeur anglais, permet à l’équipe de travailler de manière plus officiel au développement de la voiture. L’idée est alors de présenter, à terme, un concept-car lors d’un salon automobile.
C’est finalement la victoire aux 24 heures du Mans 1988 obtenue par Jaguar, avec le soutien de TWR qui accélère les choses. Pour capitaliser sur cette victoire de premier ordre, Jaguar souhaite dévoiler le concept-car d’une supercar pour le salon de Birmingham d’octobre 1988. Si tout était prêt (plans, maquettes…), passer à l’échelle 1 aller s’avérer être une course contre la montre, et le prototype de la XJ220 être prêt in extremis pour l’ouverture du salon de Birmingham, au cours de laquelle le prototype reçoit un excellent accueil du public et de la presse.
1988 fut aussi marquée par la création de l’entité « JaguarSport », coentreprise entre le constructeur anglais et TWR, avec l’objectif de faire apparaître des modèles sportifs dans le catalogue Jaguar. Si le bon accueil de la XJ220 attirait l’argent des spéculateurs, principaux clients en voitures sportives alors, le prototype est très loin de la série. Une étude de faisabilité réalisée en 1989 démontre la viabilité du modèle, mais d’importants changements sont à réaliser pour une commercialisation estimée en 1992.
Le dernier événement qui permet d’acter la naissance de la XJ220 au catalogue Jaguar, c’est la prise de contrôle du constructeur anglais par Ford en novembre 1989, vécut comme un affront par les anglais qui voyaient en Jaguar un joyaux de leur pays. Presque pour s’excuser, l’annonce de la commercialisation de la XJ220 intervient fin décembre 1989, les bons de commande sont disponibles moyennant 290.000£, hors taxes.
Pour lancer la production de la XJ220, JaguarSport fonde une filiale, Project XJ220, chargé de la production et de la commercialisation de la voiture, elle bénéficie d’une usine flambant neuve située à Bloxham. Côté voiture, le projet est profondément revu, simplifié en abandonnant la transmission intégrale et les roues arrières directionnelles, la longueur de la voiture est rétrécie et le V12 prévue à l’origine est troqué contre un V6.
Le passage au V6 fut controversé et poussa certains clients à attaquer Jaguar en justice (où ils perdront), il fut justifié officiellement en raison des futures normes antipollution, c’est surtout le poids et l’encombrement du V12 qui posaient problèmes. Le partenaire de Jaguar, TWR, poussait également pour l’adopter du V6 de la MG Métro 6R4 dont il avait acheté les droits et obtient gain de cause, le moteur est toutefois porté à 3,5 litres, suralimenté par deux turbos pour une puissance de 549Ch.
L’ensemble des modifications apportées, l’utilisation d’aluminium et de matériaux composites pour la carrosserie fait gonfler le prix de la voiture à 400.000 £. L’usine de Boxham est inaugurée fin 1991, la voiture définitive dévoilée lors du salon de Tokyo 1991, la production démarre réellement en 1992. Entre temps, le marché des supercars s’était contracté, nombre de clients s’étaient rétracté avec l’adoption du V6 et la hausse du tarif, si bien que seules 277 XJ220 sont assemblées jusqu’en 1994, certains exemplaires restent dans les stocks jusqu’en 1997 !
Voiture la plus rapide alors commercialisée, la Jaguar XJ220 n’arriva jamais à atteindre les 220mph promis (213mph avec le catalyseur, 217 sans). Notons une timide participation en compétition, trois XJ220-C modifiées par TWR participent aux 24 heures du Mans 1993 avec succès -avant d’être déclassée pour non respect de la réglementation – , ou encore la radicale XJ220S et ses 700Ch, homologué pour la route.