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Currus : l’histoire du carrossier

L’entreprise Currus était une carrosserie renommée qui a exercé son art pendant plus de 70 ans, elle se spécialisa dans les bus et les véhicules utilitaires et fera de cette dernière activité sa spécialité de l’après-guerre. 

Aux origines de Currus

            Si l’entreprise Currus est fondée en 1900, elle reprend alors les actifs des établissements Perrotin & Bollinger, une carrosserie fabriquant des voitures hippomobiles dont les origines remontent à 1805. Fondée par Nathan Levy, il opte pour dénomination commerciale Currus, un terme qui signifie char en latin. Le siège de l’entreprise se situe dans le 13ème arrondissement de Paris, rue Poliveau, elle dispose également d’un magasin d’exposition sur le boulevard de l’Hôpital, elle se fait sa réputation en produisant de nombreuses déclinaisons de voitures hippomobiles (breaks, tonneaux, phaetons…

            Dès 1902, Currus fait le pari de l’automobile, engrangeant une commande d’un hôtel de luxe en formation sur l’Ile de Porquerolles qui lui commande un car. Une première réalisation qui fut suivie d’autres commandes. Jusqu’en 1906, l’activité carrosserie automobile reste secondaire, mais déjà, les locaux de la  rue Poliveau s’avèrent étroits pour l’activité de l’entreprise. Cette année-là, la carrosserie Currus s’associe avec la carrosserie Rolland, les anciens établissements Chastel & David dont l’activité est identique avec des excursions dans le monde automobile dès 1895 en construisant un châssis et une carrosserie pour accueillir un système à vapeur Serpollet. Les deux entreprises se réunissent sous la bannière Perrotin & Bollinger et Chastel & David réunis, et conservent le nom commercial Currus.  

                La nouvelle entreprise dispose d’un siège social au 16 de la rue Watteau où les activités sont transférées, puis elle grapille rapidement les immeubles annexes. Dans cette nouvelle usine, l’activité automobile prend davantage de place que l’activité hippomobile, si bien qu’à partir de 1918, l’activité originelle des deux entreprises est arrêtée pour se consacrer pleinement à l’automobile. Au cours des années 1920, Currus réalise la carrosserie de voitures de luxe à côté d’autocars. En 1922, la carrosserie reçoit une commande de la part des Automobiles André Citroën pour produire les caisses des B2 Caddy, dont la ligne est signée Labourdette. Currus en produit 300, 223 furent effectivement vendues à Citroën, le surplus contraint Currus à acquérir des châssis B14 pour les écouler. 

             L’entreprise reçoit des récompenses pour ses réalisations, dès 1925 lors de l’exposition des Arts décoratifs mais aussi en 1931 à l’occasion de l’Exposition Coloniale. En 1926, Currus expose cinq voitures sur son stand lors du Salon de l’Automobile de Paris sur des châssis Delahaye et Hotchkiss. L’année suivante, ce sont des châssis Panhard & Levassor et Talbot qui sont habillés par Currus. 

            En 1930, Currus bénéficie d’une nouvelle usine à étages construite sur ses terrains de la rue Watteau, des installation moderne réalisée en béton armée et équipée d’un outillage moderne pour donner un nouvel élan à son activité de carrossier. A cette époque, Currus reçoit des commandes pour réaliser des véhicules de livraison pour le compte de grands magasins parisiens dont les célèbres Galeries Lafayettes. On note aussi un réalisation pour le compte de la Direction Générale des Eaux et Foret qui permet à Currus d’habiller un châssis Panhard & Levassor fonctionnant au Gazogène, un véhicule de promotion pour ce mode de combustible qui fut exposé dans de nombreux salons. 

Dans la seconde partie des années 1930, Currus généralise l’emploi de l’aluminium sur ses réalisations. L’entreprise commence à se distinguer sur la réalisation de véhicules publicitaires et engrange de nombreuses commandes. Aussi, l’atelier bois et menuiserie situé sur la commune d’Evry depuis la fin de la Première Guerre Mondiale est exproprié au cours de la Seconde Guerre Mondiale pour des raisons urbanistiques. Currus transfère cette activité dans une partie des anciens ateliers Brasier, aux Quais d’Ivry. 

L’utilitaire comme cœur d’activité après-guerre

A la Libération, Currus fait rapidement le choix de tout miser sur les véhicules utilitaires et notamment la création d’autocars. Un choix salvateur quand on connait l’hécatombe des carrossiers automobile dans les année 1950… Currus se distingue en remportant le prix d’honneur au concours international du car 1948 qui se déroulait à Nice, suivi de nombreux autres couronnes au cours des années suivantes. L’entreprise compte comme alors client la Compagnie des Transports Citroën qui va régulièrement passer commande. En 1951, le car Belvédère sur base Somua est primé. 

Du côté des utilitaires, Currus obtient en 1953 le contrat pour carrossier la plus grande partie des Citroën 23R en fourgon de police Premier Secours pour la Préfecture de Police de Paris, ainsi que les Citroën Type H de fourrière animale. En 1955, la Préfecture de Police de Paris passe commande pour une flotte de bus Citroën Type 60, un car de commandement Citroën P55, et des camions d’intervention sur base Renault Goélette. Et il ne faut pas oublier les Renault 4CV Pie modifiées par Currus. 

            En 1955, Currus obtient le contrat pour créer le Cityrama par l’agence de voyages de Jean-Louis Dubreuil, des bus réalisés pour arpenter Paris et permettre aux touristes de découvrir la capitale  au travers l’imposante surface vitrée. L’année suivante, Currus se distingue une nouvelle fois avec un car, le Transcar réalisé sur base Somua. En 1961, la seconde génération du bus Cityrama sur base Saviem SC2, puis trois autres suivent sur base Saviem SC1 l’année suivante. 

            En 1964, Currus quitte la rue Watteau pour s’installer à Massy, au sein d’une nouvelle usine où Currus peut confirmer son statut de carrossier industriel. A cette occasion, Currus abandonne l’activité sellerie en la confiant à Chardon. A cette époque, les constructeurs d’autobus ne se contentent plus de construire un châssis mais proposent désormais des carrosseries à leur clientèle, ce qui prive petit à petit les carrossiers de travail. 

          Heureusement, Currus a développé une expertise autour du Citroën Type H dont il propose des variantes allongées, réhaussées, voire les deux. Currus arrive à écouler quelques conversions Transport de passagers auprès de l’Aéroport de Paris, réalise aussi le Citroën Type H de la Police de Paris (le fameux Panier à salade), ou encore les type H magasins utilisés par Philips. Et pour ceux qui peuvent être rebutés par la carrosserie très brute du Type H, Currus propose à partir de 1957 une carrosserie en matériaux synthétiques plus moderne initialement conçue pour son autocar CH14, puis décliné en version sanitaire… C’est également à cette époque que Citroën sort son nouveau camion, le Belphegor. Currus le décline aussitôt en car 

Et puis, parmi les dernières activités de Currus, il y eu les ambulances et autres véhicules sanitaires, réalisés pour le compte de la division Incendie de Citroën. Currus modifie Citroën HY et autres Citroën DS Break en versions sanitaires, des véhicules intégrés au sein de Camiva lors de sa constitution en 1970. A cette époque, Currus travaille à 90% pour le compte de la société Citroën et des filiales gravitant autour du constructeur. En 1971, pour sous-traiter la fabrication de véhicules d’incendie pour le compte de Camiva, Currus inaugure une usine à Macon.

Les années 1970 sont des années de crise, la première crise pétrolière puis la contraction du marché des utilitaires/poids lourds qui s’en suivent mettent à mal Currus. Pour rajouter encore plus de difficultés, le principal commanditaire de Currus, Citroën, connait également d’importantes difficultés. Les finances s’amenuisant, Currus n’est plus en état d’investir à l’heure où arrive le Citroën C35 (1974), en face, Heuliez, Gruau et Durisotti ont préparé leur offre et récupèrent des parts de marché abandonnées par Currus. En mars 1975, Currus doit déposer le bilan. Jean Chardon reprendra les actifs de Currus, l’usine de Massy dès septembre 1975 puis celle de MAcon à partir de juillet 1976.

Sources
– Dominique PAGNEUX, La Vie de l’Auto n°1122, 8 avril 2004