A la fin des années 1930, la compétition fait rage entre deux pilotes et deux voitures pour le record de vitesse terrestre : la Railton Special d’une part et la Thunderbolt d’autre part. Les deux équipes sont anglaises et se livrent un combat féroce sur le lac salé de Bonneville. Partons à la rencontre de la plus véloce d’entre-elles : la Thunderbolt.
Dès la fin des années 1920, les voitures cherchant à battre le record de vitesse terrestre s’équipent de moteurs d’avions et n’ont désormais plus l’aspect de voitures de série puisque totalement carénées, l’aérodynamisme devenant un point crucial pour grappiller de précieux km/h. Au début des années 1930, c’est l’anglais Campbell qui devient l’expert de la vitesse en étant le premier à franchir les 400km/h (en 1932), puis il améliora son record en 1933 et 1935 pour s’approcher des 450km/h à l’aide d’une nouvelle voiture équipée de moteurs d’avions Rolls-Royce.
En face, la concurrence se prépare avec George Eyston, un ancien officier d’artillerie de la première guerre mondiale, qui deviendra un pilote d’envergure internationale dans les années 1920 en participant à divers grands-prix et aux 24 heures du Mans 1928 et 1929. Dans les années 1930, c’est vers les records de vitesse qu’il se dirige, en obtenant en avril 1932 le record de vitesse moyenne sur une heure à bord d’une Panhard, lequel fut battu l’année suivante. George Eyston était alors passé à autre chose, avec le record d’endurance à haute vitesse de moteur Diesel, le premier réalisé en 1933 et le second en 1936.
Mais désormais, George Eyston veut s’attaquer à plus gros, c’est-à-dire au record de vitesse terrestre, détenu par son compatriote Campbell. C’est ainsi que débute la conception de la Thunderbolt, que Eyston finance lui-même avec l’aide de mécènes. Mais Eyston est aussi ingénieur et dépose plusieurs brevets lors de la conception de la Thunderbolt, portant notamment sur la suralimentation des moteurs ou encore sur le travail des boites de vitesses à haut rendement.
La Thunderbolt est conçue autours de deux moteurs V12 Rolls Royce R, qui étaient des moteurs d’avions mais aussi les mêmes que ceux utilisés sur l’une des voitures de Campbell : la BlueBird. Chaque moteur avait une cylindrée de 36,5 litres et développait 2.350Ch. Il est a noter que les moteurs de ce type étaient rares (environ 20 unités fabriqués), si bien que la concurrence entre Campbell et Eyston fut cordiale, le premier prêtant un moteur de rechange au second.
Mais avec une telle puissance développée, cela nécessite d’importantes innovations sur le châssis afin que celui-ci puisse tenir le choc, ce qui implique de travailler avec des matériaux résistants. Il en va de même concernant la transmission, les engrenages … Le châssis est réalisé à Bean Work (Grande Bretagne), il comprend trois essieux et huit pneus (essieu arrière jumelé) pour répartir au mieux le poids de la bête, qui pesait plus de 7 tonnes !
Quant à la carrosserie, Eyston s’offre les services du français Jean Andreau pour dessiner une voiture aérodynamique. Elle fut réalisée en plaques constituées d’un alliage d’aluminium, reliées entre-elles par de l’argent poli. La Thunderbolt se pare d’une grande queue à l’arrière, laquelle est flanquée d’un aérofrein à commande hydraulique. Cependant, l’aérodynamisme de la voiture fut bien en retrait par rapport à une autre rivale contemporaine, la Railton Special.
La Thunderbolt est prête à courir à la fin de l’année 1937, la voiture rejoint donc le lac salé de Bonneville aux Etats-Unis, elle y roule le 19 Novembre de la même année et y signe son premier record de vitesse : 502,12km/h. Pour son premier galop, la Thunderbolt devient la première automobile à franchir le cap des 500km/h.
Eyston et sa Thunderbolt reviennent à Bonneville fin Août 1938, cette fois accompagnés de la concurrente Railton Special afin d‘effectuer un face à face. La Thunderbolt a été modifiée entre temps, elle perd sa dérive arrière et sa carrosserie est modifiée pour être plus aérodynamique : la voiture est plus longue, plus fine, le bosselage des roues lissés et l’entrée d’air de refroidissement diminuée.
La Thunderbolt pilotée par Eyston veut prendre de l’avance et améliorer son record, elle effectue un premier galop le 24 Août 1938. Mais au terme de la ligne droite, Eyston apprend que qu’aucune vitesse n’a été enregistrée, la faute aux cellules photoélectriques du matériel de prise de temps qui n’ont pas détectées la voiture à cause de sa carrosserie en aluminium. Très fair-play, Eyston dira aux reporter qu’ils ne s’agissait ce jour là que d’un galop d’essai.
La Thunderbolt s’aligne une seconde fois le 27 Août, la voiture arbore cette fois des formes géométriques peintes en noir pour éviter le même désagrément du 24 Aout. Cette fois, tout fonctionne et Eyston signe un 555,55km/h. La Railton Special pilotée par Cobb réplique le 15 Novembre 1937 avec un 563,37km/h, mais Eyston reprend le volant le lendemain et signe un 575,07km/h, confirmant la suprématie de la Thunderbolt. Lors de cette dernière tentative, une partie du carénage de la voiture s’est détaché et avait endommagé la suspension arrière.
Quoiqu’il en soit, le record du 16 Septembre 1938 restera, Cobb et Eyston décidant de s’en arrêter là pour cette année, avec un éventuel rendez-vous pris pour l’année suivante. La Thunderbolt part pour être exposée ici et là de part le monde afin de saluer son record, mais la voiture est détruite lors d’un incendie alors qu’elle était exposée en Nouvelle-Zélande courant 1939. L’histoire de cette voiture s’arrête donc cette année par la force des choses…