« En France, on a pas de pétrole, mais on a des idées », voilà ce qui résumerait bien les nombreuses créations du petit constructeur Poncin, basé à Tournes, petit village de Champagne Ardennes. Poncin était ce que l’on peut appeler un « artisan constructeur », qui exista de 1980 à 1991, fondé par Gilles Poncin, constructeur assez renommé dans les véhicules tout terrain réservés au seul usage hors route, bien que l’entreprise commercialisa quelques 4X4 au cours de son existence, surement pour diversifier ses activités et s’assurer d’une certaine production. Mais sans doute trop exotique, et étant installé sur un marché de niche sans trop de possibilités d’expansion, Poncin ne put survivre seul et a été contraint de s’allier avec l’entreprise Sum Tech, laquelle finira par englober complètement la marque, avant de la faire disparaitre.
L’aventure de Poncin démarrera en 1982 avec son premier véhicule conçu et commercialisé, le VP2000, un tout terrain léger, qui se veut novateur, avec six roues motrices, une coque en plastique, et surtout amphibie, auquel il est possible de rajouter en option des chenilles. Le but initial de Gilles Poncin était de concevoir un véhicule léger capable de se déplacer sur n’importe quel chantier, car celui-ci était déjà propriétaire d’une entreprise de production de matériel de travaux publics. Et à partir de ce VP2000 fut décliné une multitude de variantes qui permettront à Poncin d’avoir une très large gamme, au sein de laquelle on trouvera le VP2025, véhicule que nous avons eu la chance de tester !
Le VP2000 apparaît le 22 Juillet 1982, VP pour « Véhicule Poncin », et 2000 en évocation à l’aspect révolutionnaire et futuriste du véhicule avec son design, du moins une notion du futur qui était celle des années 1970/1980, qui laissait la part belles aux formes anguleuses ! Vous pourrez vous amuser à rechercher les arrondis, il n’y en a pas. Avec le temps, ce design futuriste a forcément mal vieilli et le VP2000 nous apparait aujourd’hui comme une véhicule brut de décoffrage, taillé à la hache; ce qui n’est pas du meilleur effet, et la ligne sera loin de faire l’unanimité.
Mais loin du design, le VP2000 est un véhicule d’abord pensé pour son utilisation, et pour le rendre efficace en toute situation hors route, et même hors chemin puisque le VP2000 n’étant pas homologué sur route. Rapidement, dans la gamme Poncin sera intégré le VP3000, une « gros » VP2000 à huit roues motrices. Ces deux véhicules connaitront un important succès dans leurs premières années de commercialisation, bien plus que ne l’avait pensé son créateur. En effet, grâce à ses excellentes capacités de franchissement, les Poncin trouveront d’importants débouchés au sein des stations de ski, lesquelles s’en serviront comme véhicules de servitude et d’entretien des pistes. Et pour une fois, un constructeur français arrive sans peine à trouver des débouchés hors de l’hexagone, les Poncin s’écoulant même jusqu’aux Etats-Unis.
Quelques années plus tard, un véhicule intermédiaire apparaît, le V2800, à huit roues motrices, qui se base cette fois sur un châssis, permettant la création de plusieurs variantes telles qu’une version neige, principale débouché des Poncin, mais aussi une version Sable prévu pour être utilisée en milieu humide, des versions bus … Sans oublier de nombreuses versions destinées aux besoins des services publics, comme EDF ou les pompiers qui compteront parmi les plus grands clients de Poncin.
Mais à côté de ces variantes purement utilitaires, la firme Poncin dénicha un autre filon pour sa gamme, celui des véhicules de loisirs, car l’Europe est frappée au cours des années 1980 par deux modes, celle des buggy, et celle des 4×4. De là nait une nouvelle discipline très en vogue, le franchissement, et il se trouve que le Poncin excelle en la matière, d’autant plus que par sa nature, les Poncin seraient à même d’aller concurrencer directement les buggy. C’est ainsi que fut créée une nouvelle version du VP2000, nommée VP2000S, qui abandonne sa caisse en polyester contre un châssis doublé d’un important arceau, et adopte un moteur plus puissant permettant d’atteindre 60km/h, mais surtout de disposer d’un couple suffisant pour pallier à tout obstacle.
Mais la gamme Poncin reste confrontée à un problème de taille, celui de l’homologation pour permettre aux véhicules de rouler sur route ouverte, chose qui leur est très difficile d’obtenir, pour ne pas dire impossible. Pour pallier à ce problème, Poncin va créer un modèle spécifique, qui sera le VP2025, qui reprend la base du VP2000 avec sa caisse en polyester, mais dont le moteur sera bridé à 25km/h (d‘où le nom VP2025), seule modification notable lui permettant d’être le seul VP homologué par le service des mines. Mais limité à 25km/h, le VP2025 sera plus un véhicule utilitaire qu’un véhicule ludique, preuve en est, il lui faudra obligatoirement un gyrophare pour rouler sur route, le VP2025 concurrencerait-il les tracteurs ?
La vitesse, l’inconvénient de taille pour le VP2025 mais la contrepartie pour être homologué. Choix difficile pour le client, encore plus pour le particulier, entre véhicule pouvant évoluer sur route ouverte ou véhicule permettant de vraies performances… Il faut noter que le Poncin VP2025 garde tous les avantages du VP2000, à savoir qu’il garde sa caisse en polyester, ce qui lui permet d’être amphibie et donc de se déplacer sur un plan d’eau, encore faut-il que celui-ci soit calme, car se seront seulement les crampons des pneus qui ferons office d’hélice en milieu aquatique, avec une vitesse donnée entre 3 et 5 km/h, encore moins par contre-courant! C’est pour cela que de nombreux possesseurs de Poncin rajoutent des moteurs de bateau, et l’exemplaire de cet article n’a pas échappé à la règle, en témoigne la plaque en métal faite maison servant de support. A noter qu’il était possible en option de rajouter deux hélices à l’arrière du VP2025, ce qui permettait d’en faire un réel véhicule amphibie.
Voilà ce qui en est en milieu aquatique, mais le Poncin est surtout fait pour le milieu terrestre, il est mu par un moteur bien connu, le bicylindre Citroën qui équipe la Dyane, un choix logique pour Gilles Poncin car ce moteur est refroidi par air, ce qui était indispensable pour ce véhicule, et sa puissance de 29Cv, bien que faible au premier regard, est assez suffisante pour mouvoir ses 580kg. Ce moteur est couplé à une boite à quatre rapports plus une marche arrière dont la grille est inversée par rapport à une voiture normale. Alimenté par un réservoir de 25 litres qui lui permet une autonomie qui se situe entre 6 et 8 heures selon l’utilisation et les conditions. D’ailleurs, le seul compteur qu’il y a dans le Poncin VP2025 est en heures, et non en kilomètres !
Commercialisé durant une bonne partie des années 1980, le Poncin VP2025 sera assez peu diffusé, en raison d’un prix plutôt élevé, puisqu’en 1986, il était vendu 72.600 Francs, soit 26% plus cher que le VP2000, et je le rappelle, pour des performances bien moindres du fait de l’homologation. Un prix prohibitif puisque, à titre de comparaison, une Super5 NRJ avec un équipement plutôt complet était vendue 53.800 Francs, ce qui portait le Poncin VP2025 au prix d’une berline de milieu de gamme. Mais bien évidement, ces comparaisons ont-elles lieu d’être étant donné que le VP2025 ne concurrençait pas directement les voitures, et semblait plus être destiné au milieu agricole en concurrence des tracteurs, ou du moins des micro-tracteurs, avec ses six roues motrices à faible pression, et ses vitesses réparties pour privilégier le couple pour crapahuter partout ou tirer des charges conséquentes.
Mais pas sûr que le milieu agricole, privilégiant les solutions techniques ayant fait leur preuves, ait été fortement intéressé par ce type de véhicule peut être trop novateur ! Ainsi, les découchés de ce véhicule étaient fortement réduits, et se limitaient aux exploitation forestières (et encore) ou aux propriétaires de grands domaines terriens. En définitive, le VP2025 s’est assez peu écoulé, et aujourd’hui, en trouver un est presque miraculeux, d’autant qu’on peut penser que certains ont eu la vie dure, et que leur revente étant loin d’être assurée, beaucoup ont par conséquent été remisés, voir détruits.
Le Poncin VP2025 de cet article n’a hélas pas d’historique administratif puisque il n’a jamais été immatriculé, en témoignent les emplacements réservés aux plaques qui sont dans leur état d’origine, sans aucun trou ni reste de système d’attache. Par conséquent, cela complique la tâche afin de connaitre l’historique de ce véhicule, si ce n’est, qu’il a été propriété d’un collectionneur de 2CV, avant que cette collection ne soit achetée par des amateurs hollandais. Mais plutôt intéressés par les 2CV, ces hollandais se sont retrouvés avec ce Poncin sur les bras, et ont décidé de le laisser en France à des passionnés de véhicules anciens. Ce sera toujours ça de « patrimoine » que l’on conservera dans l’hexagone ! Ce PV2025 est dans un étant plutôt correct, dans son jus avec ses petits défauts, mais la coque en polyester a plutôt bien vieillit et n’a pas craquelée, ni même vrillée, sans doute que le matériau utilisé était de très bonne qualité ! En revanche, la partie inférieure de ce Poncin, en fer, a elle été rafistolée dans tout les coins, mais en quel honneur ? Renforcer la caisse ? Réparer les extrémités qui auraient été embouti ? Ou des plaques de métal rajoutées pour parfaite l’étanchéité de la coque ? Le mystère reste entier ! En revanche, le moteur lui fonctionne parfaitement, alors si on aller tester ce véhicule ?
Après avoir tourné autour de ce Poncin, il fallait bien en faire un petit tour et l’essayer. Pour cela, il faut avant monter dedans, et si bien les photos présentent ce VP2025 sans sa bâche, c’est avec qu’il faudra monter, et la manœuvre est loin d’être pratique, ne laissant que très peu de place pour se faufiler à l‘intérieur, d’autant plus qu’il faut escalader le véhicule pour monter à bord. Mais je vous rassure, la manœuvre est beaucoup plus facile sans bâche, ce qui me motivera pour l’enlever, et ce qui le fera apparaitre sous un meilleur aspect. Avant de faire les premiers tours de roues aux commandes, c’est en passager que je m’installe car il faut comprendre un peu ce véhicule avant de l’utiliser.
La grande surprise, c’est que ce véhicule, comme tout les Poncin VP, n’a pas de volant, mais deux palonniers, qui permettent de diriger le véhicule, car le Poncin n’a aucune roue directrice. Ainsi, cela permet au VP2025 de tourner sur place, ce qui est un peu déroutant dans les premiers temps, donnant des impressions telles qu’on peut les ressentir dans une attraction de fête foraine. En fait, lorsqu’on tire sur un palonnier, les roues d’un côté se bloquent tandis que celles de l’autre côté continuent elles de tourner, ce qui a pour conséquence de faire pivoter le véhicule. Pour le reste des commandes, c’est du classique, trois pédales pour les pieds, et une boite de vitesses dont la grille est inversé par rapport à la Dyane. Il ne reste que la procédure à suivre pour démarrer ou stopper le moteur, avec quelques interrupteurs à manipuler, dont un système de coupe circuit. Une fois tout expliqué, et un petit tour en passager d’effectuer, je me glisse aux commandes, et c’est parti ! Enfin ce qu’il me semblait …
Car avec la vitesse de l’engin limité à 25km/h, l‘étagement de la boite est fait pour favoriser le couple, et les premiers rapports ne serviront à rien, si ce n’est pour soulever le véhicule. Sauf que n’ayant pas compris cela, c’est avec mes habitudes de simple conducteur que j’entame l’essai, en mettant la première. Et forcément, une fois le véhicule en route, aux alentours de 5km/h, il n’ira pas plus vite, et toute tentative d’appuyer sur l’accélérateur ne fera que monter le moteur dans tours, rien de plus. Alors passons la deuxième, mais rien de bien concluant là non plus. Bref, j’aurais encore besoin de quelques conseils pour son utilisation. Et son propriétaire me vient à la rescousse, en m’expliquant que chaque vitesse est « limitée », pas plus de 8km/h en première, et qu’en utilisation normale, il suffit de démarrer en troisième et de mettre pied au plancher.
Et forcément, avec ces précieux conseils, le VP2025 marche bien mieux, et enfin je peux m’amuser, d’autant plus que le sol était bien gras. On prend de la vitesse, tire sur le palonnier du sens dans lequel on veux aller, et le véhicule tourne sur place, ou plutôt glisse, faisant des têtes à queue, parfois plus. Le comportement du Poncin est très marrant, les réactions sont très vives, et on remarque malgré tout ses capacités, car sur un sol où des véhicules normaux se seraient embourbés, le VP2025 n’éprouve aucune difficulté. Mais ce petit essai s’arrêtera rapidement, la nuit tombant, et n’ayant pas la clé permettant d’allumer les phares; mais aussi pour ne pas transformer ce terrain de test en un bourbier, car vous imaginez bien que lorsque les roues d’un côté se bloquent, elles embarquent tout sur leur passage, laissant derrière elles d’impressionnantes ornières.
Au cour de ce court essai, le point négatif du Poncin VP2025 sera sans doute le bruit, car le moteur est placé juste derrière les deux occupants, avec comme seule séparation la coque en polyester, et rapidement, la chaleur du moteur se ressent dans le dos, si ce n’est pas inconfortable en hiver, en été, la sensation doit être plus que dérangeante… mais au final, le Poncin VP2025 se révèle être un véritable jouet pour qui dispose de terrains vastes, et pourquoi pas accidentés pour pleinement apprécier ce véhicule ! Mais ça, ce n’est malheureusement pas souvent le cas des passionnés …
Les +
_ Un vrai jouet
_ Homologable sur route !
_ Moteur bien connu, fiable, et facilité de trouver les pièces de rechange (Citroën Dyane)
_ Une certaine côte de sympathie !
Les –
_ Utilité très restreinte
_ Un design loin de faire l’unanimité
_ Bruyant !
_ 25km/h max !
L’avis d’Alex
Que dire sur un tel véhicule ? Pas grand-chose au final, si ce n’est qu’il s’agit d’un jouet, d’un gros jouet, et forcément, comme la place chez les collectionneurs et amateurs de voitures anciennes est comptée, ce véhicule sera loin de faire l’unanimité compte tenu de son utilité très réduite. Et encore, le VP2025 est homologué sur route ouverte, ce qui n’est pas le cas de ses cousins VP2000 ou VP3000; mais en contrepartie, la vitesse est bridée à 25km/h. Au final, ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre, car rouler à 25km/h n’a que peu d’utilité… bref, vraiment une machine qui n’a pas toutes les cartes en main pour plaire, et pourtant, l’essayer, si vous êtes amateurs de franchissement ou de glisse, ce sera l’adopter. Reste que pour laisser s’épanouir cette machine, elle aura besoin d’espace, de grands espaces, et surtout de terrains qu’ il ne faudra pas avoir peur de labourer ! Quant à l’achat d’un tel véhicule, la question principale, c’est de savoir si le marché des véhicules Poncin existe réellement ? La rareté des véhicule sur le marché fera malheureusement grimper leur prix, si on trouve des VP2000 entre 2.000 et 3.000€ pour les premiers prix, les modèles plus gros, ou dans de beaux états, sont affichés au-delà des 5.000€. Reste à savoir si à ce prix, les clients sont au rendez-vous ?
Mes plus sincères remerciements à Ludo A. pour cet rencontre rarissime, ce petit essai du véhicule et ses nombreuses informations octroyés sur ce véhicule qui ne court pas les rues … ou les champs, sans oublier JF qui relit sans cesse ces articles avant leur publication !