Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’entreprise suédoise SAAB qui était jusque là fabriquant d’avions militaires réalise qu’elle a besoin d’investir un nouveau marché. En effet, avec la paix, les incertitudes sur l’avenir de l’aéronautique militaire sont importantes et vont conduire les dirigeants de Saab à se diversifier, le choix fut fait d’aller vers l’automobile. Alors voyons les prémices de cette venue avec la toute première Saab : l’urSAAB.
Si l’on traduit « urSAAB », on trouverait comme signification « origine Saab » ! Le producteur d’avions suédois prend la décision de lancer une étude automobile à l’automne 1945 pour réponse à la demande suédoise, et surtout remplacer les voitures allemandes présentes en Suède. Cette étude démarre à Linköping, le centre de l’industrie aéronautique suédoise du fait de l’implantation de Saab et de divers sous-traitants. Une petite équipe de vingt personnes dirigée par l’ingénieur Gunnard Ljungtröm est détachée sur le projet 92001. Ce code de production s’insère au milieu des études d’avions, puisque le projet 91 était celui du Saab Safir.
Pour autant, la tâche confiée à ces ingénieurs aéronautiques n’est pas simple compte-tenu des obligations importantes posées dans le cahier des charges. Par exemple, la voiture devra être fiable, bon marché tout aussi bien lors de l’achat que pour l’entretien. Aussi, l’influence de l’aéronautique se fait sentir car ce cahier des charges impose une voiture aérodynamique, légère, et présentant des équipements de sécurité pour ses occupants. Aussi, climat suédois oblige, la voiture devra être simple à conduire en hiver par temps de neige et sur le verglas.
Mais l’équipe n’est composée que d’ingénieurs en aéronautique, qui ont peu de connaissances automobiles. Le premier travail fut de constituer une importante base de données sur l’ingénierie automobile. L’équipe amasse dans le plus grand des secrets de la documentation, puis effectue des visites chez un assembleur local d’automobiles. Mais l’équipe de trouve pas assez d’informations pour mener à bien son projet, elle s’oriente alors vers l’analyse directe et fait acheter par la direction plusieurs voitures (Volkswagen Coccinnelle, DKW, Opel Kadett…), les compare, et les démonte pièce par pièce afin de tester chaque élément.
Aussi, comme les ateliers aéronautiques de Saab étaient alors occupés par la production d’avions, la petite équipe du projet 92 n’aura comme seuls locaux un petit atelier au milieu du département outillage. Mais c’est ici que furent dressés les grands traits de la future voiture. Ainsi, pour la sécurité des occupants, la voiture aura un châssis monocoque autoporteur, ainsi qu’un moteur placé en position transversale. Sur le moteur, l’équipe opte pour un deux temps pour des raisons d’économies, lequel sera aidé par une carrosserie aérodynamique et un poids léger (800kg au maximum). Quant à la tenue de route, l’équipe prend le parti d’une traction.
Ces grands traits esquissés sont ensuite validés par la direction de Saab, ce qui permet d’obtenir l’autorisation pour aller plus loin dans le projet 92001. Petit à petit, les solutions techniques se précisent : la voiture disposera d’un ensemble moteur-boite d’origine DKW, faute de compétences pour en réaliser un. Il s’agit d’un petit bicylindre à deux temps qui développe 18Cv. Aussi, le châssis monocoque est réalisé de sorte à pouvoir encaisser une partie du choc lors d’un accident.
Tout ceci permet d’y voir plus clair, et surtout de confier à Sixten Saxon, designer industriel suédois, la tâche de dessiner la carrosserie de la voiture. L’objectif premier est d’obtenir un profil le plus aérodynamique, des maquettes en bois à l’échelle 1:10 de ses dessins sont testés dans la soufflerie de Saab, réservée jusque là aux avions. On arrive ainsi à une ligne qui affiche un Cx de 0,30, un exploit à cette époque.
Cependant, la réalisation de la cellule à l’échelle 1:1 s’avère plus complexe que prévu, notamment sur le plan de la rigidité. Ainsi, la taille de la lunette arrière doit être revue à la baisse, quant à l’idée d’une malle de coffre, elle doit être totalement oubliée. Courant Avril 1946, la maquette échelle 1:1 de la carrosserie est terminée, celle-ci permet de réaliser les gabarits pour le modelage de l’acier pour assembler le prototype final. Et malgré toutes leurs compétences, les formes courbées de la Saab 92001 donnent du fil à retordre aux modeleurs, qui mettrons plusieurs semaines pour finir cette carrosserie.
Finalement, c’est durant l’été 1946 que le prototype Saab 92001 est terminé, moins de deux ans furent nécessaires pour une petite équipe d’ingénieurs aéronautiques, un exploit sachant qu’ils n’étaient pas formés de base à la chose automobile. Certes, on n’est pas encore au stade de la commercialisation, mais ce premier prototype est opérationnel et débute une campagne d’essais la plus discrète possible, sur des chemins peu fréquentés, parfois de nuit…
Ces tests parfois effectués sur des chemins chaotiques (boues, neige…) permettent de valider nombre de solutions, comme le moteur en position avant et transversale. Nombre de modifications sont toutefois nécessaires, comme élargir les passages de roue afin de permettre à la neige de s’accumuler sans gêner la marche de la voiture. Aussi, le moteur ainsi que la boite vont être corrigés par une société suédoise, et le système de refroidissement perfectionné.
Couplé au problème de l’accessibilité de la mécanique, ceci nécessite de corriger la partie avant de la carrosserie, ce que Sixten Sason fait sur le second prototype Saab, la 92002… Un troisième prototype, le 92003 verra le jour afin de peaufiner les recherches, avant d’arriver en 1947 vers la version quasi définitive de la voiture. Deux années de mise au point plus tard, la Saab 92 est commercialisée en Décembre 1949, et connaîtra un certain succès.
Quant à l’urSAAB 92001, celle-ci est toujours conservée par Saab au sein de son musée à Trollhättan, il affiche aujourd’hui 530.000km, effectués en grande partie à la fin des années 1940 pour tester la voiture et les diverses solutions techniques employées.