En 1990, Renault Véhicules Industriels frappe un grand coup en présentant son nouveau camion nommé AE. Très différent de la concurrence avec sa ligne atypique conféré par sa cabine suspendue, le Renault AE fait la part belle au confort du chauffeur et permet au segment du poids lourd de rentrer dans la modernité…
La génèse
Comme toujours, la présentation d’un nouveau véhicule est l’aboutissement de plusieurs années de développement. Pour le Renault AE, c’est plus d’une décennie d’études qui ont été nécessaire. Les prémices du tracteur AE, on les retrouve chez Berliet, un temps avant la fusion avec la SAVIEM pour former Renault Véhicules Industriels. A la fin des années 1970, une petite équipe d’ingénieurs ayant travaillé sur le Berliet TR va plancher sur le camion de demain, avec comme fil conducteur le confort du chauffeur. L’une des premières idées fut d’améliorer la visibilité du chauffeur, et pour cela, il faut placer la cabine le plus haut possible. Un premier camion est modifié en ce sens, la cabine est disposée au-dessus du moteur pour culminer à 3,90 mètres de haut, avec sept marches pour monter à bord. Ce prototype nommé MR1 (pour Module de Recherche 1), reçoit également un pare-brise qui descend le plus bas possible. Après deux ans d’essais sur l’A6 et entre Saint-Etienne et le Puy, la direction prise est la bonne. En tout cas, ce camion interpelle déjà les personnes qui croisent son chemin.
C’est peu ou prou à la même époque que le style Renault s’intéresse aux camions. Au mois de mai 1977, Robert Opron envoi un courrier au directeur de la division camions de Renault pour soumettre des croquis de Guy Greffier. Peu de temps après, Berliet et Saviem deviennent Renault Véhicules Industriels, le bureau d’études du constructeur lance le programme de recherches VIRAGES pour définir le camion du futur qui donna naissance à deux concept-trucks, le VE10 en 1985 et le VE20 en 1988. Les axes principaux du projet étaient la réduction de la consommation de carburant, la réduction du bruit et de la pollution, assurer un confort au chauffeur et la sécurité du véhicule. On remarque de suite sur les prototypes la position avancée de l’essieu avant, à l’instar de ce qui se faisait alors aux Etats-Unis, notamment sur les Mack dont RVI venait de prendre une participation majoritaire au capital.
En coulisses, le bureau d’études de RVI travaille à une déclinaison civile d’un tel véhicule. En 1981, on fait appel au styliste italien Marcello Gandini avec qui Renault Travaillait, il a notamment influé le style du Renault Master. En compétition avec les stylistes du bureau de style Renault, les deux propositions sont en concurrence, la proposition de l’italien marque les esprits, si bien qu’on lui demanda de développer une maquette à l’échelle 1 sans passer par les échelles intermédiaires. Le 14 avril, la proposition de Gandini est confrontée à la maquette Renault, la ligne pure et distinctive de l’italien avec sa face avant droite, son énorme pare brise et ses trois optiques verticales marque les esprits. C’est elle qui fut retenue.
Si le programme continue son bonhomme de chemin, des doutes naissent et en 1985, Renault Véhicules Industriels se pose la question de la pertinence du programme. On juge le projet trop en avance sur son époque, les finances de RVI ne sont pas au mieux de leur forme surtout que la maison mère Renault est empêtrée dans une importante crise financière. Georges Besse, le nouveau président de la Régie ne fait pas de manière pour redresser Renault : revente des filiales trop éloignées du cœur de métier, arrêt de la Formule 1. Reste que les investissements sont maintenus s’ils sont jugés pertinents, celui du futur camion Renault fait partie de ceux-là. C’est ainsi que le Renault AE a pu voir le jour en 1990. A la fin des années 1980, les chauffeurs routiers empruntant l’A6 on pu croiser, les futurs Renault AE peints intégralement en vert kaki lors de sessions d’essais.
Renault AE
Dévoilé en mai 1990, le Renault AE se distingue par sa cabine suspendue au dessus d’un plateau technique intégrant le moteur. Cette conception est inédite et révolutionnaire, la séparation entre le moteur et la cabine se fait au bénéfice du confort, la cabine étant rattachée par une suspension pneumatique qui filtre les vibrations de la partie mécanique. Et que dire de la cabine, elle offre un espace exceptionnellement grand (8,9m3) avec un plancher plat et une hauteur sous plafond de 1,87m. Et puis il y a cet énorme pare-brise qui offre une visibilité au chauffeur, la planche de bord futuriste pour l’époque…
Côté moteurs, le Renault AE est disponible en entrée de gamme avec un six cylindres en ligne Renault Turbo Diesel de 374Ch (AE 380), et en version haut de gamme avec un V8 Mack Turbo Diesel de 503Ch (AE500). Dans cette dernière déclinaison, c’est le camion le plus puissant d’Europe grâce à son moteur d’origine américaine. Enfin, lors de son lancement, le Renault AE est disponible en version tracteur mais aussi en porteur, il est décliné en 4×2, 6×2 et 6×4.
Avec tous ces éléments, le Renault AE est logiquement élu camion de l’année en 1991. L’année suivante, RVI le renomme AE Magnum et déjà, on fait évoluer les moteurs avec l’arrivée des premières normes antipollution (Euro I). Renault en profite pour augmenter leurs puissances, c’est ainsi que le six cylindres maison voit sa puissance passer à 420Ch et entre désormais dans la moyenne du segment, le V8 est quant à lui porté à 520Ch. En 1996, l’arrivée de la norme Euro II voit arriver le V8 en version 560Ch qui complète l’offre avec le V8 de 520Ch. Le six cylindres d’origine d’origine Renault est quant à lui définitivement abandonné au profit du moteur Mack E7, le MIDR 06.24.65 disponible en versions versions : 390, 430 et 470Ch.
1997 : il faut l’appeler Magnum
En 1997, l’appellation originelle « AE » disparait au profit du nom Magnum, une dénomination plus parlante. Le camion reçoit un très léger restylage, il faut aller chercher dans les détails pour trouver les modifications qui permettent au Magnum de rester dans le coup. Dans la cabine, l’évolution est plus importante avec une nouvelle planche de bord et de nouveaux aménagements, dont le siège passager pivotant. Sur le plan technique, le Magnum adopte un pont à simple réduction, gage de consommation réduite, et une nouvelle suspension arrière. Et puis il y a l’arrivé de l’électronique avec le calculateur V-Mac qui permet d’extraire les données de fonctionnement et d’exploitation du véhicule. L’an 2000 approche…
Au cours de l’année 2000, on voit apparaitre le Magnum E-tech, fruit d’une collaboration entre les motoristes de Mack et les ingénieurs de Renault Véhicules Industriels. A la clé, l’abandon du V8 Mack au profit d’un nouveau moteur répondant à la norme Euro III, les E7 E-tech, disponibles sous trois versions de 400, 440 et 480Ch. Le Magnum reçoit une boite de vitesses ZF Ecosplit et un freinage avec ABS.
2001 : refonte de la face avant
En 2001, le Magnum connait le plus important changement de sa carrière, avec un remodelage de la cabine. A l’extérieur, nouvelle calandre et nouveaux optiques, et dans la cabine, Renault propose des aménagements modulables avec notamment un coin salon/repas, la zone de conduite et la zone de détente. C’est inédit dans le monde du poids-lourds et l’idée inspirera bien des concurrents. A la fin de l’année, Renault Véhicules Industriel est cédé à Volvo AB, on parle désormais de Renault Trucks. Un changement de propriétaire qui aura des incidences sur le Magnum…
En 2005, le Renault Magnum est refondu avec un nouveau châssis, de nouveaux moteurs et éléments mécaniques, tout en conservant la même robe. Les moteurs d’origine Mack sont remplacés par des moteurs d’origine Volvo, nouveau propriétaire de Renault Trucks, on retrouve le DXi12 avec 440 ou 480Ch, puis à partir de 2006, le DXi13 de 500Ch. Avec les moteurs Volvo, la transmission change (ce sont désormais des boites ZF 16).
L’année suivante, un concept-car Magnum Vega est dévoilé lors du salon de Hanovre, il fait la part belle au luxe avec un bel aménagement intérieur. Il en fut décliné une série limitée en 2007 qui se reconnait extérieurement par sa teinte gris anthracite réhaussé de pièces en aluminium (une barre sous le pare-brise et sous les vitres latérales). C’est à l’intérieur que le Magnum Vega fait la différence avec l’utilisation de matériaux plus qualitatifs, des pots à lettre orientables et pouvant créer des ambiances lumineuses.
En 2008, le Magnum reçoit une cabine réhaussée de 20cm, ce qui permet une hauteur sous plafond de deux mètres à l’intérieur. l’année suivante, l’arrivée de la norme Euro V est l’occasion de modifier les moteurs Volvo avec des puissances de 440, 480 et 520Ch et boite de vitesse ZF Optidriver+. Il s’agira de la dernière évolution du Magnum, l’étude du renouvellement de la gamme lourde de Volvo et Renault ayant déjà débuté.
Le Magnum est en fin de carrière, Renault Trucks l’accompagne avec des séries limitées qui vont tenter de donner de l’attrait à la gamme. Il y eut la série « Route 66 Edition » en 2009 pour célébrer l’opération promotionnelle de faire rouler deux Renault Magnum sur la célèbre route américaine, puis la série « Magnum Legend » en 2011, limitée à 99 exemplaires pour célébrer les 20 ans de ce camion. Le 21 juin 2013, le dernier Renault Magnum sort de l’usine de Bourg en Bresse, après 129.346 exemplaires fabriqués. Désormais, le Renault Trucks T lui succède…
Sources :
Renault Magazine n°8 hiver 2019, Renault AE Magnum pensées conceptuelles
L'Argus, Le dernier Magnum de Renault Trucks - 27/06/2013
Lov4wheels - Renault Magnum AE500