Les années 1970 sont des années de crises dans l’industrie automobile anglaise, c’est à cette époque que l’on voit apparaitre de nombreuses nouveautés qui rompent tout lien avec leurs devancières, à l’exception peut-être de la fiabilité perfectible… La Rover SD1 est l’une de ces pépites, une ligne moderne, racée, mais une fiabilité qui lui coûta sa carrière…
Dans l’univers de l’automobile anglaise, il y a le groupe British Leyland Motor Corporation immanquable par le nombre de filiales qu’il possédait : Austin, Wolseley, Triumph, Leyland, … et Rover. Ce groupe est un géant aux pieds d’argile, le renouveau se fait attendre notamment sur le point de la fiabilité. L’un des axes de conquête fut de repenser le haut de gamme pour tenir tête aux allemandes, mais surtout prendre la place des Rover P6 et autres Triumph 2500. Le projet est lancé courant 1969, une usine est même mise en chantier rien que pour ce programme à grand coup d’aides publiques.
La future grande berline du groupe British Leyland sera une propulsion à moteur à l’avant, sur le plan du style, les équipes internes sont mises en concours avec des intervenants extérieurs, dont notamment le styliste italien Michelotti bien connu chez British Leyland. Deux projets concurrents sont montés, chez Rover, c’est la P10 tandis que chez Triumph, on parle de « Puma ». Le 9 février 1971, les hautes instances de British Leyland rendent leur verdict : le projet Rover est retenu. Cette proposition semblait plus moderne sur le plan du style, et une gamme complète avait été étudiée sur cette base : berline, coupé, cabriolet… Désormais, on parle de projet RT1 (pour Rover-Triumph 1).
Les premiers prototypes à l’échelle 1 sont réalisés quelques mois après, la ligne est résolument sportive. Les designers s’inspirent du concept-car BMC 1800 Aerodinamica de 1967 avec sa ligne d’avant-garde que l’on retrouva sur de nombreuses concurrentes plusieurs années plus tard. L’espace intérieur est parmi les plus grands proposés sur le marché, la voiture opte pour un hayon en lieu et place d’une malle. Sous cette robe moderne se cache une conception ancienne avec un essieu arrière à pont rigide, mais la voiture proposera une direction assistée, un équipement encore rare sur le marché.
De la RT1 à la SD1, il a fallut attendre l’intégration de Jaguar dans le pôle premium de British Leyland quelques mois après le lancement du programme. Mais la SD1 prend du retard, la fusion de Triumph et Rover a du mal à se faire avec une lutte pour déterminer la direction de la future entité. Mais encore, sur le programme SD1, personne ne s’entend sur le volume de ventes, certains militent pour 1.500 unités par semaines, d’autres pour le double. Puis, en sous-main, une équipe tente de mettre en place de petites économies sur la production de la voiture en s’inspirant du système Ford.
Cependant, ces combats au sein de British Leyland retardent le projet, la voiture qui aurait dû jouer la carte de la modernité met du temps à arriver sur le marché. A cet environnement interne délétère, se rajoute la crise pétrolière qui met à mal le projet. En 1975, la voiture n’est toujours pas commercialisée, mais pire que ça, le positionnement entier du groupe est illisible : la faillite s’approche à grands pas. Heureusement, la nationalisation de British Leyland redonne espoir au constructeur…
Finalement, la Rover SD1 est dévoilée au public le 30 juin 1976, voiture haut de gamme oblige, le groupe décide de la lancer initialement avec le seul V8 Rover d‘origine Buick, développant 155Cv : c’est la SD1 3500. La voiture est élitiste mais la ligne sportive de la voiture, couplée à un habitacle luxueux et spacieux, sont des atouts qui font mouche auprès de la presse, au point de recevoir le précieux titre de Voiture européenne de l’année » en 1977 ! La Rover SD1 est aidée par un prix d’attaque plus bas que ces concurrentes, dont la Peugeot 604. Les carnets de commandes se remplissent tellement rapidement que l’usine a du mal à suivre la cadence.
Pour tenter de suivre la demande, Rover investi à grands coup de millions dans un agrandissement de l’usine pour sa SD1. Hélas, les grèves mettent à mal ce programme, la Rover SD1 est pénalisée à l’exportation à cause des délais de livraison beaucoup trop longs. Et l’augmentation des cadences se fait rapidement au détriment de la qualité : les pièces sont plus grossières, les éléments de carrosseries présentent des défauts à leur sortie d’usine, et le personnel trop rapidement formé ne s’intéresse pas à la qualité ;
Au cour de l’année 1978, les premiers retours sur la fiabilité apparaissent et deviennent de plus en plus nombreux, la faute à un câblage électrique médiocre. Aussi, Rover avait entre temps lancé de nouvelles motorisations pour conquérir un public plus large, avec des six cylindres de conception nouvelle, et qui présentaient des défauts au niveau des arbres à cames. Le second choc pétrolier de 1978 fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase, les stocks d’invendus s’accumulent, puis les ventes chutent brutalement à partir de l’année 1980, malgré une courte tentative d’exportation aux Etats-Unis.
British Leyland tente de sauver le modèle avec d’importantes remises, puis finalement, le choix de fermer l’usine conçue pour cette voiture est prise en juin 1981. La Rover SD1 n’est pas morte pour autant, elle entre dans sa phase 2 grâce à un léger restylage, sa production déménage dans l’ancienne usine Morris située dans la région d’Oxford, où le personnel plus qualifié remédia aux soucis de fiabilité. La SD1 reçoit de nouveaux moteurs, un deux litres essences, un Diesel pour l’exportation en 1982, ainsi qu’une version ultra sportive : la SD1 Vitesse avec un V8 gonflé à 190Cv !
La voiture survit jusqu’en 1986 malgré la concurrence de voitures bien plus modernes comme les Audi 100 ou les Saab 900. En juin 1986, Rover tire un trait sur la SD1 après 303.345 exemplaires produits, un exploit pour une voiture rapidement boudée par le public. Quant au remplacement de la SD1, le groupe anglais est trop en difficulté pour concevoir un nouveau modèle, il se contentera de rebadger une Honda…