Rolls-Royce, c’est la marque de la voiture de prestige, à l’image inégalable, un symbole de richesse, en somme, une Rolls se doit d’être la reine des automobiles. Mais même Rolls-Royce compte des ratés, preuve en est avec la Camargue, un coupé à la robe signée Pininfarina, une voiture pleine de promesses lors de son lancement en 1975 mais sa destinée allait être tout autre…
C’est dans les années 1960 que la philosophie de Rolls Royce commence à changer, tout d’abord avec la Silver Shadow lancée en 1965, un modèle qui permet à la firme anglaise de rattraper son retard technologique vis-à-vis de la concurrence. La Silver Shadow s’équipe alors d’une caisse monocoque, de roues indépendantes, freinage à disques… Si ce modèle assure à Rolls-Royce un important volume de production, elle est perçue comme une grosse berline bourgeoise, bien loin du concept initial de Rolls-Royce.
L’apparition du châssis monocoque aurait pu sonner le glas des carrosseries spéciales, mais Rolls-Royce ne s’y résout pas, aidé de son carrossier maison, Mulliner Park Ward. C’est ainsi que la Silver Shadow connait une déclinaison cabriolet dès 1971, nommée Corniche, tandis qu’une version coupé fut un temps étudiée pour être commercialisée sous la marque Bentley, Pininfarina proposa même un prototype en 1967, resté sans lendemain.
Mais l’idée d’un coupé Rolls-Royce fait son chemin et reste toujours dans les cartons du bureau d’études de la marque. Si le prototype Pininfarina de 1968 ne donne rien de concret, les liens entre le carrossier italien et le fabriquant anglais deviennent de plus en plus étroits, Pininfarina propose huit concepts à Rolls-Royce en 1970. Les traits alors proposés sont modernes, la voiture ne présente aucune courbe, seulement des lignes tendues ainsi qu’un pare-brise très incliné. Cependant, en 1971, Rolls-Royce fait faillite à cause de sa division aéronautique, ce qui conduit à de nombreux remous jusqu’en 1973, année durant laquelle ces deux divisions sont séparées. Entre temps, le projet du coupé Rolls-Royce a pris du retard, mais celui-ci sera commercialisé sous la seule marque Rolls-Royce alors que le projet initial prévoyait une version Bentley, quant à la dénomination, le choix se porte sur « Camargue ».
Les premiers prototypes roulants et les premiers essais routiers de la Rolls-Royce Camargue sont réalisés courant 1972, petit à petit, les ingénieurs de Rolls-Royce y rajoutent des équipement qui doivent faire de la voiture une véritable vitrine technologique. Ainsi, un système de climatisation automatique est intégré sur la Camargue, son prix est aussi élevé que celui d’une Mini neuve !
Finalement, la Rolls-Royce Camargue fait son apparition au grand public au cours de l’année 1975, la presse est invitée aux essais routiers courant Janvier 1975 qui se déroulent en Sicile. De suite, la voiture marque par son prix, 30.000 livres sterling, ce qui en fait la voiture la plus chère au monde. Faisons la comparaison, à ce prix, un riche client aurait pu s’offrir deux Lamborghini Countach… Et certains journalistes ne manquent pas de souligner le manque de certains équipements.
Le style est lui aussi décrié, signé Pininfarina, les journalistes osent comparer la carrosserie à celle de la Fiat 130 Coupé, il faut dire que c’est le même styliste qui se cache derrière ces deux voitures : Paolo Martin. Mais au delà même de la comparaison avec certaines œuvres de Pininfarina, la Camargue souffre d’une ligne peu harmonieuse avec une grande largueur et une longueur plutôt banale pour une Rolls. Quant aux éléments de carrosseries, ils présentent de larges surfaces planes sans aucun élément pour décorer ou casser la monotonie… Ensuite, une Rolls-Royce se doit d’avoir un grand radiateur, celui-ci est intégré à la va-vite sans plus de recherches, tout comme les quatre optiques qui l’entourent. Quant à l’arrière, tous s’accordent pour dire qu’il fut bâclé…
Bon, et sous le capot, peut-être que la Camargue à de quoi sauver les meubles ? La fiche technique offre un V8 Rolls-Royce, cubant 6.750cm3. L’alimentation s’effectue au travers d’un carburateur Solex à quatre corps, mais la puissance est hélas pas communiquée par Rolls-Royce, elle serait estimée entre 220 et 230cv, juste suffisant pour déplacer les 2,3 tonnes de la Camargue. Les performances passent donc à la trappe, les 200km/h sont un doux rêve, c’est finalement le confort qui est recherché.
Et le confort se trouve dans l’habitacle, les matériaux de luxe sont omniprésent, la sellerie est réalisée en cuir, les fauteuils offrent une largeur comme rarement vue, et le bois prend une place importante en recouvrant la totalité du tableau de bord. L’instrumentation de bord est quant à elle cernée de métal noir, inspirant la qualité et donnant la sensation de se trouver aux commandes d’un avion.
Au final, la Rolls-Royce Camargue ne convainc pas le public, la faiblesse des ventes démontrent rapidement l’échec de la voiture, malgré un rapide succès d’estime aux Etats-Unis, avant de retomber. Commercialisée entre 1975 et 1986, la Camargue n’évolua que très peu, et seuls 531 exemplaires ont été vendus, soit moins de 50 unités par mois. Il y avait bien la crise pétrolière qui pourrait expliquer cet échec, mais ne nous leurrons pas, la voiture n’a jamais su plaire au public, et son prix anormalement élevé ne pouvait que limiter sa diffusion…