L’automobile recèle de nombreuses coopérations atypiques, comme celui entre Pininfarina et Mercedes-Benz . Au début des années 1960, le carrossier italien propose au constructeur allemand une version coupé de la nouvelle R113, qui fut hélas déclinée par Mercedes. Retour sur son histoire.
Dans la décennie 1950, Mercedes-Benz arrive à relever la tête après la seconde guerre mondiale, la marque fait un retour remarqué dans le monde de l’automobile de luxe mais également dans les voitures sportives avec la fameuse 300SL ou encore le roadster 190SL. Ce segment est important pour la marque allemande car elle y joue son image, il s’agit aussi d’un important vivier de clients avec presque 26.000 exemplaires pour la 190SL.
A la fin des années 1950, Mercedes-Benz envisage le remplacement de cette voiture et plus largement le style de Mercedes, le directeur du bureau d’études, Karl Wilfert, cherche de nouveaux collaborateurs et engage notamment le styliste français Paul Bracq, mais aussi l’italien Bruno Sacco. Le premier acte du renouveau de Mercedes arrive en 1959 avec la berline W111 et fut un succès.
C’est surtout sur la conception d’un coupé et d’un roadster que l’équipe planche, Karl Wilfert donne l’ordre de concevoir un roadster capable de remplacer à la fois la 190SL et la 300SL, cela donna naissance à la Mercedes 230SL R113 surnommée « Pagode », laquelle fut présentée en mars 1963. La voiture surprend par son hard-top qui la fait ressembler à un coupé.
La même année de la présentation de la 230SL, le carrossier italien Pininfarina entame des négociations avec le constructeur allemand pour réaliser une version coupé de la R113. Mercedes est réticent mais accepte la proposition en mettant plusieurs conditions : le châssis doit être conservé et être strictement identique à celui d’une voiture de série, la carrosserie devra conserver des éléments permettant de reconnaître la voiture au premier coup d’oeil, et l’habitacle d’origine doit être intégralement conservé. Pour la mécanique, c’est le six cylindres en ligne de 2.306cm3 qui doit être repris avec sa boite à quatre rapports, lequel développe 150Cv.
C’est un cahier des charges relativement complexe mais le carrossier italien l’accepte et compte bien avoir Mercedes-Benz comme client à terme. En effet, avec un tel cahier des charges, Pininfarina peut espérer produire de cabriolet sur ses propres chaînes pour qu’il soit intégré dans la gamme Mercedes. Plusieurs stylistes sont mis sur le projet, c’est l’américain Tom Tjaarda qui s’illustre rapidement en prenant la direction du projet alors qu’il n’a que 28 ans. Celui-ci avait intégré Pininfarina en 1962 et officiait auparavant chez Ghia.
Tom Tjaarda dessine ainsi un coupé dans le style des GT, il revoit la partie avant tout en conservant les optiques dont il modifie la position en redessinant les ailes avant : le galbe est modifié, ce qui élargi la voiture. La grille de calandre est également conservée, le capot est plus étroit. Mais malgré toutes ces modifications, Tom Tjaarda conserve les proportions et la ligne de la Mercedes R113.
La travail porte davantage sur les côtés de la voitures : les ailes avant sont allongées, ce qui donne à la voiture un porte à faux avant important. Le pavillon de la voiture est lui aussi bien différent du dessin « pagode » du hard-top du roadster, avec des montants étroits, une grande surface vitrée et des formes privilégiant les courbes. L’arrière de la voiture est quant à lui totalement revu, la poupe arbore un dessin des plus fluides, affiche des feux d’une certaine finesse, sans doute la partie de la voiture la plus réussie.
Une fois les dessins validés par Pininfarina et Mercedes, un prototype voit le jour et est réalisé dans les ateliers de Pininfarina. Avec ce dernier Pininfarina s’efforce de convaincre Mercedes de sous-traiter une production de quelques unités par Pininfarina, mais le constructeur allemand déclina l’offre. Dommage, une telle ligne aurait su séduire de nombreux clients, mais à quel prix ? Car cette version Pininfarina de la Mercedes R113 aurait été produite de manière artisanale, ce qui aurait conduit à des coûts élevés de production.
Par conséquent, le prototype réalisé resta l’unique exemplaire fabriqué, Pininfarina ne s’en encombre pas longtemps après le refus de Mercedes et une exposition au salon de Paris 1964. Ensuite, le carrossier italien charge son service commercial de trouver un acquéreur. C’est l’éditeur Axel Springer qui fut le premier propriétaire de cette voiture, avant qu’elle ne change régulièrement de mains et se trouvant aux Etats-Unis où la voiture a arboré plusieurs teintes : noir, rouge… La voiture finit dans les mains d’un collectionneur de Mercedes-Benz qui l’a remise dans sa configuration d’origine et se laisse admirer de temps à autres sur de nombreuses manifestations et concours d’élégance.