Dans les années 1970, à l’heure de la crise pétrolière, le marché commence à se détourner des voitures dont la consommation est excessive. Aussi, les ventes de la 911 commencent à fléchir, le concept a toujours ses fidèles mais la catégorie des GT commence à lui voler la vedette, si bien que Porsche s’y immisce avec la 928….
Au tout début des années 1970, la gamme Porsche se réduit à la 911, un modèle alors en milieu de vie, et à la toute nouvelle 914, une voiture d’entrée de gamme partagé avec Volkswagen qui connait des débuts très timides en Europe. C’est à cette époque que Porsche décide d’élargir sa gamme, pensant que la 911 et son moteur à l’arrière fait partie du passé, la direction du constructeur allemand décide de plancher sur une voiture totalement différente. Parmi les segments qui ont le vent en poupe, il y a celui des GT qui est prisé aux Etats-Unis. C’est pourquoi en 1971, lors du lancement du projet, Porsche demande à ses équipes de concevoir un coupé 2+2 à moteur V8 placé à l’avant, la future voiture devra faire mieux que la 911 en termes de confort, de conduite, proposer quatre places, le tout pour un prix inférieur à celui de la 911 SC d’alors.
On connait le savoir-faire de Porsche, l’entreprise produit des sportives, elle est également un bureau d’études et un motoriste qui intervient pour le compte d’autres constructeurs. Il faut attendre mars 1977 pour voir le projet 928 aboutir, avec un tout nouveau moteur. Malgré un poids élevé (la 928 dépasse la tonne et demie), la voiture est équilibrée avec l’architecture transaxle : si le moteur est à l’avant, on reporte la boite de vitesses sur l’essieu arrière. Ce système fut repris sur la Porsche 924, la nouvelle voiture d’entrée de gamme de Porsche lancé en 1976. On note aussi que le programme 928 comprend une boite de vitesses automatique pour viser le marché américain.
Outre le transaxle, la 928 est une voiture sophistiquée, elle inaugure l’essieu Weissach, du nom du centre de développement de la marque ouvert pour l’étude de la 928 qui permet de stabiliser la voiture en virage : sur le train arrière, les techniciens imaginent un système multibras à déformation programmée qui permet de limiter le survirage. Mais ce qui marque les esprits lors de la présentation de la 928 lors du Salon de Genève 1977, c’est sa carrosserie moderne. La ligne est signée du styliste Wolfgang Möbius, sous la direction d’Anatole Lapine, elle est fluide et lisse, elle s’inspire du concept Chevrolet Testudo dessiné par Giugiaro pour Bertone en 1963. Si les lignes semblent aérodynamiques, la Porsche 928 n’affiche qu’un Cx de 0,41. On note aussi que la 928 adopte des boucliers en polycarbonate, une première mondiale et un matériau que Porsche vend comme résistant aux petits chocs (et permettant de répondre aux normes américaines). Aussi, pour limiter le poids, les portières, le capot et les ailes avant sont réalisés en aluminium.
Pour le moteur, on l’a dit, Porsche a mis l’étude un nouveau V8 à angle de 90° dont le bloc et les culasses sont réalisés en aluminium. Il s’agit d’un V8 de 4.499cm3, refroidi par eau et développant 240Ch. La puissance n’est pas folle mais la crise pétrolière est passée entre temps, Porsche décide de rester sage et reste un cran en dessous des Ferrari et Lamborghini. Pour l’alimentation, Porsche fait confiance dans l’injection K-jetronic de l’équipementier Bosch. Grâce à ce moteur, la Porsche 928 affiche un 225km/h en vitesse de pointe et atteint les 100km/h en 7,2 secondes, des performances correctes mais pas folles. Pour la transmission, la 928 est disponible avec une boite manuelle à cinq rapports ou, en option, une boite automatique à trois rapports provenant de Mercedes-Benz.
La Porsche 928 présente aussi un bel équipement de série, notons entre autres les vitres teintées et électriques, une climatisation, ordinateur de bord, la direction à assistance variable, volant réglable en hauteur, les jantes en aluminium dites “téléphone”… En fait, les options sont rares : sellerie cuir, toit ouvrant, fauteuils réglables électriquement, peinture métallisée… On peut s’arrêter un instant sur la sellerie “Pasha”, œuvre de Victor Vasarely, faite de carrés noir et blancs censés représenter un drapeau à damiers flottant dans le vent.
Si la presse accueille favorablement la Porsche 928, lui décerne le titre de voiture européenne de l’année 1978, on ne peut en dire autant de la clientèle. A l’opposée de la 911, la clientèle traditionnelle de la marque allemande boude cette voiture au moteur à l’avant et cela se ressent sur les ventes qui n’atteignent pas les chiffres escomptés. Porsche lance rapidement une première amélioration avec la 928 S en 1979, une version censée répondre au principal reproche fait à la 928 : son manque de puissance. Pour la 928S, Porsche porte la cylindrée de son V8 à 4.664cm3, augmente le taux de compression, la puissance passe à 300Ch. Extérieurement, la 928 S s’équipe d’un becquet arrière, d’une jupe à l’avant qui font descendre le Cx à 0,39, on lui rajoute également des baguettes latérales et des jantes en aluminium à sept fentes. Côté performances, la vitesse maximale atteint les 245km/h et il faut 6,6 secondes pour atteindre les 100km/h.
Grâce à ses performances, la 928 S permet au modèle de redresser la barre, elle efface complètement la 928 de base qui s’efface du catalogue en 1982. En 1984, la 928 S devient 928 S2 avec l’adoption de l’injection Bosch LH-Jetronic qui permet de gagner 10Ch, la 928 retrouve alors les jantes téléphones et Porsche en profite pour monter un nouveau tableau de bord. L’ABS et une boite automatique à quatre rapports s’ajoutent à la liste des options. A partir de 1985, les Etats-Unis, le Canada et le Japon ont droit à une Porsche 928 S3 pour tenir compte de l’utilisation de l’essence sans plomb dans ces pays, le V8 est catalysée et sa puissance seulement de 305Ch.
En 1987, la Porsche 928 bénéficie d’un restylage, la voiture reçoit une nouvelle face avant, de nouveaux feux qui débordent sur les flancs, et l’équipement de série est complété avec la sellerie cuir, une alarme, l’ABS et les fauteuils réglables électriquement. Le moteur est également revisité : culasses à quatre soupapes par cylindres et arbres à cames en tête, la cylindrée passe à 4.957cm3 et la puissance passe à 320Ch. Désormais, il faut moins de six secondes pour atteindre les 100km/h et la vitesse de pointe est annoncée pour 270km/h. L’année suivante, Porsche dévoile la 928 ClubSport, une voiture allégée, équipée d’un pont plus court, et disponible qu’à 19 exemplaires.
En 1989, à côté d’une 928 S4 quasi inchangée (la boite de vitesses automatique fait désormais partie de la dotation de série) apparait une 928 GT de 330Ch disponible seulement en boite manuelle. En 1992, Porsche propose une nouvelle version avec la 928 GTS, le V8 passe à 5,4 litres et la puissance portée à 350Ch. Cette version est reconnaissable par ses ales arrière élargies, son bandeau rouge entre les feux arrière et ses jantes en aluminium de 17 pouces. Pour les performances, la 928 GTS offre un 275km/h en vitesse maximale et un 5,7 secondes pour atteindre les 100km/h.
Derrière ces lancements rapprochés se cachent des ventes en chute, la 928 commence à accuser le poids des ans malgré des versions toujours plus abouties, la concurrence devient plus attractive, y compris en interne avec une 911 qui a toujours été mise au gout du jour. A partir de 1993, il s’écoule moins de 1.000 Porsche 928 par an, sans aucun sursaut des ventes, la 928 est arrêtée en 1995 après 60.977 exemplaires produits. La GT qui devait remplacer la 911 n’est plus…