Quand la Porsche 911 remplace la fameuse Porsche 356, nombre de clients ne peuvent accéder à la nouvelle venue qui s’équipe d’un Flat6 et donc, proposée à un prix plus élevé que ne l’était la 356. Pour les clients moins fortunés, Porsche à une solution : écouler son stock de moteurs de 356 en le mettant dans la 911 pour créer la Porsche 912…
Avant l’arrivée de la Porsche 911, la gamme du constructeur de Stuttgart se limitait à l’unique 356, un modèle décliné à plusieurs sauces afin de répondre aux attentes d’une large clientèle. Mais la 356 a fait son temps, le modèle a une quinzaine d’années même si, entre temps, de nombreuses évolutions permettent à la Porsche 356 de rester dans l’ère du temps. Pour la remplacer, Porsche prévoit un modèle plus grand, plus confortable et surtout plus puissant, ce fut la Porsche 911 Type 901, présentée en 1963. Avec son « flat6 », la 911 développe 130Ch et affiche des performances en augmentation comparé à la 356. La finition et l’équipement de la voiture font également un bond en avant. Seulement, proposée 30% plus chère qu’une 356, la Porsche 911 n’est pas à la portée de toutes les bourses.
Devant la réclamation des clients les moins fortunés, Porsche se rend compte que la 911 délaisse une partie de la clientèle, c’est pourquoi est lancé en urgence un modèle d’entrée de gamme. Le pragmatisme allemand répondra simplement à la problématique : reprendre la caisse de la 911 et y glisser en lieu et place du Flat6 un Flat 4 de Porsche 356. Et ça tombe bien, car en 1965, quand la Porsche 912 est présentée, la Porsche 356 est retirée du catalogue, avec très certainement quelques stocks de moteurs à écouler.
La moteur justement, Porsche choisi le Flat4 de la 356 SC, mais lui fait perdre 5Cv pour améliorer sa fiabilité tout en autorisant une monté dans les tours, ainsi qu’en offrant un couple supérieur pour mouvoir la caisse de la 911 bien plus lourde que celle des 356. Accolé à une boite manuelle à quatre rapports, ou cinq rapports en option, l’ensemble développe 90Cv.
Toujours dans l’optique d’offrir une voiture d’entrée de gamme, la Porsche 912 fait l’économie de quelques équipements dans l’habitacle qui devient très simple : tableau de bord au dessin épuré avec trois compteurs, quant au bois présent sur la 911, il est remplacé par du métal peint de la couleur de la caisse sur la 912 : il n’y a pas de petites économies !
Quant à l’extérieur, bien malin celui qui fera la différence entre une 911 et une 912 au premier regard, car seul le monogramme sur le capot arrière diffère ! En réalité, quelques éléments diffèrent, un œil averti saura les reconnaître, mais par le jeu des options, le client d’une 912 pouvait la faire ressembler strictement à une 911 ! Par cette habile manipulation, Porsche permet à sa clientèle de disposer de la caisse de la 911 afin de remplacer leur 356. Quant au prix, en France, la Porsche 912 était commercialisée 28.750 Francs quant la plus dépouillée des 911 s’offrait pour 36.000Francs.
Mais le client Porsche n’attend-il pas d’avantage des performances qu’un prix ? S’il est vrai que le moteur de la 912 ne lui permet pas d’avoir le caractère et la puissance de la 911, la Porsche 912 dispose d’un style de conduite qui lui est propre, car avec un poids inférieur à la 911, et une mécanique moins délicate, elle est sur certain points plus amusante à conduire, et retient moins de vigilance de la part du conducteur ! Tout est une question de feeling, mais d’argent surtout entre la 911 et la 912…
Présentée en Avril 1965, la Porsche 912 évolua au même rythme que la 911, une version Targa apparaît à l’automne 1965, laquelle permet de rouler cheveux aux vents tout en ayant une plus grande rigidité comparé à un cabriolet. En 1966, la 912 s’équipe de freins plus puissants, la finition de la voiture évolue avec quelques éléments au dessin spécifique. En 1968, Porsche modifie l’empattement de la 911 afin de rendre son comportement plus prévisible en conduite sportive, une évolution qui profitera à la Porsche 912 la même année, en même temps que la modification des ailes et le changement de divers éléments (essuie-glaces, bloc chauffage-ventilation, garnitures de porte…).
Bon, et du point de vue des ventes, ça marche la 912 ? La réponse est plutôt mitigée, et il faut analyser selon les zones géographiques de vente. Globalement, entre 1965 et 1969, il s’est vendu 30.300 Porsche 912 contre 36.383 Porsche 911, des chiffres équivalents qui prouvent que la 912 répond à une certaine demande. Cependant, la majorité des Porsche 912 trouvent preneur aux Etats-Unis, pays où les limitations de vitesses sont draconiennes. En Europe, en revanche, la Porsche 912 souffre d’un déficit d’image par rapport à la 911 et y est finalement assez peu écoulée.
Finalement, la Porsche 912 aurait pu perdurer au sein de la gamme Porsche, mais c’est la concurrence interne qui sonnera le glas de la voiture. En effet, depuis 1967, Porsche commercialise la 911 T au Flat6 dégonflé développant 110Cv qui vise la même clientèle, et surtout, le Flat6 est moins cher à produire que la Flat4 de la 356. Il en fallait pas moins pour que Porsche fasse un choix, la 912 s’efface à la fin du millésime 1969 après 30.300 exemplaires.
A noter que Porsche fera revivre la 912 entre 1975 et 1976 aux Etats-Unis, cette fois équipée d’un moteur de Porsche 914, cette Porsche 912E fut commercialisée à 2.099 exemplaires (un article à découvrir ici : Porsche 912E). Quant à la 912 produite entre 1965 et 1970, longtemps décriée de « sous-Porsche » par nombre de fans, la voiture a fini par gagner ses lettres de noblesse ces dernières années avec l’envolée de la cote de la Porsche 911. La 912 qui restait accessible il y a peu a vu ses prix multipliés par 3 pour atteindre une cote située entre 40.000 et 70.000€. Bref, un modèle devenu intouchable…
Allez plus loin sur la Porsche 912 avec l'article du Boitier Rouge : Porsche 912 : la 911 à quatre cylindres