Contourner les restrictions de l’occupant au cours de la seconde guerre mondiale a été le soucis de nombre de personnes, mais quand il s’agit de la chose automobile et que l’on est artiste, on peut réaliser un véhicule hors du commun. Tel est le cas de Paul Arzens qui a construit sa propre voiture électrique en 1942 : l’Oeuf Electrique.
On pourrait qualifier Paul Arzens de bricoleur de génie, lui qui était un artiste aussi ! Notre homme s’est rapidement intéressé à l’esthétique des machines après être sorti de l‘Ecole Nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Dès 1938, il réalise des travaux sur le cuivre avant de se lancer dans l’automobile, il réalise au cours de cette année « La Baleine », un cabriolet aux lignes sculpturales réalisé sur un châssis Buick. Plus tard, après la seconde guerre mondiale, Paul Arzens fut l’interlocuteur de la SNCF pour qui il concevra le design des locomotives BB et CC, mais aussi les formes d’autorails panoramiques. Et l’on pourrait prêter d’autres qualités à Arzens, peintre, décorateur…
Mais pour cette article, nous nous cantonnerons à la seconde guerre mondiale; la France, et notamment Paris vit sous le joug de l’occupant qui impose un rationnement. L’automobile est touchée avec l’essence qui devient une denrée rare, faisant ressortir les chevaux et bœufs comme moyen de locomotion, mais aussi l’automobile électrique qui refait surface après avoir été oubliée. Arzens, en bon créateur, va concevoir sa propre voiture pour se déplacer dans la capitale : ce fut « l’œuf Electrique ».
La forme de cette voiture interpelle, toute en rondeurs, une carrosserie réalisée en aluminium, mais matériaux qui se fait discret tant la surface laissée au vitrage est importante, lequel est réalisé en plexiglas. Un véhicule unique et atypique, qui surprend en son temps (et encore de nos jours) avec ces concepts modernes.
En effet, l’œuf Electrique n’est pas qu’une simple voiture, elle est le fruit d’un travail de réflexion sur l’utilisation de l’automobile en milieu urbain. Certes, la traction électrique est choisie par nécessité afin de contourner les restrictions de carburant imposée par l’occupant, mais Arzens n’aura de cesse de vendre la voiture électrique comme étant l’avenir de la ville : pas de pollution, simplicité d’utilisation, silencieuse, petite taille…
La carrosserie, on en a parlé, utilise deux matériaux modernes pour son époque et qui présentent tous deux l’avantage d’être léger. La voiture est conçue comme un espace dans lequel deux passagers doivent prendre place, c’est ainsi que la forme de l’œuf fut retenue, car permettant de dégager un vaste habitacle tout en prenant une taille modeste. Le châssis quant à lui est réalisé en Duralinox, il s’agit d’un simple tube relié à la fourche élastique de la roue arrière, laquelle permet de conserver une assiette correcte ainsi qu’une bonne tenue de route.
Côté motorisation, c’est donc un moteur électrique qui permet de mettre en mouvement cette voiture. Celui-ci est alimenté par 300kg de batteries qui se situent dans la partie arrière et logé sous les fauteuils. Celles-ci offrent une autonomie de 100km (un exploit à cette époque) et le moteur permet une vitesse de pointe à 70km/h.
Mais après la seconde guerre mondiale, Arzens a finalement troqué son moteur électrique contre un petit 125cm3 d’origine Peugeot. L’œuf Electrique est resté la propriété de Paul Arzens jusqu’à son décès en 1990, qu’il utilisait de temps à autre. A son décès, l’ensemble de ses œuvres, l’œuf électrique compris, ont rejoint les collections de Musée des Art et métiers en 1993 qui l’expose au sein de la Cité Automobile de Mulhouse.