Elle est la Matra aux trois succès au 24 heures du Mans, une voiture au palmarès bien rempli : la MS670. Succédant à la MS660, la MS670 fait vivre à Matra ses heures de gloire dans le championnat des voitures de sport…
Initialement dans le domaine de l’aviation puis de l’armement, Matra se diversifie dans l’automobile à partir de 1964 avec le rachat de René Bonnet. Jean-Luc Lagardère, placé à la tête de la division automobile, engage un programme ambitieux en compétition automobile pour les retombées potentielles sur les ventes de voitures civiles, mais aussi pour fédérer le personnel de cette nouvelle entité. Remporter le championnat de Formule 1 et les 24 heures du Mans sont les objectifs, Matra se lance dès 1965 dans l’apprentissage et se lance en Formule 2, ainsi qu’en endurance avec la MS620 en 1966.
Matra arrive à la Formule 1 en 1968 et commence à remporter des victoires dès sa première saison, le titre constructeur est remporté en 1969… avec un moteur Ford. En parallèle, le V12 Matra était testé et équipera exclusivement Matra F1 dès lors. En compétition, la MS620 fut suivi de la MS630 (1967) puis de la MS650 (1969). L’aventure en endurance monte en puissance d’année en année, et Matra a du mal à tenir sur deux programmes de pointe. Les saisons 1970-1971-1972 de F1 sont ternes avec quelques points marqués, les objectifs ayant été remplis, Matra arrête la Formule 1 à l’issue de la saison 1972 pour se concentrer sur l’endurance.
Pour cette saison 1972, Matra met au point sa nouvelle arme, la MS670, dérivée de la MS 660, dont l’architecture est conservée, rappelons que la MS660 était la première barquette Matra à adopter un châssis à coque centrale au lieu du châssis treillis. Cette solution permet, par un double fond, de renfermer un réservoir en caoutchouc accueillant le carburant et abaisse ainsi le centre de gravité de la voiture. Par rapport à la MS660, la MS670 voit sa carrosserie modifiée et l’empattement gagner cinq centimètres. La voiture reçoit des renforts supplémentaires, le poids augmente de 20kg pour se porter à 720kg.
Sous sa carrosserie, la MS670 enferme le fameux V12 Matra, mis au point depuis 1967 par l’ingénieur Georges Martin, ici dans sa version de moins de trois litres (2.993cm3 pour être précis) pour une puissance de 475Ch. Avec la MS670, Matra doit désormais briller après avoir échoué pour des soucis de fiabilité : l’année 1970 est marquée par l’abandon des quatre Matra engagées, l’édition 1971 voit la seule MS660 finir sa course lors de la 18ème heure sur un problème d’injection. Pour cette année 1972, terminer les 24 heures du Mans n’est pas qu’un simple objectif, il faut remporter l’épreuve mancelle, Matra réalise des essais poussés sur le circuit du Castellet et fait l’impasse sur le championnat d’endurance, composé majoritairement d’épreuves de 1000km.
Cette saison 1972 voit la concurrence de Matra s’affaiblir, déjà, le règlement sportif limite définitivement la cylindrée des prototypes à 3,0 litres, mettant un terme à la carrière de la Porsche 917 deux fois victorieuses au Mans, ou encore des Ferrari 512. La marque italienne déclara forfait quelques jours avant la pesée : Ferrari avait remporté les huit premières manches du championnat d’endurance et était assuré du titre, surtout, la marque au cheval cabré ne disposait plus de voiture taillée pour courir les 24 heures. En conséquence, Matra devient le favori de l’épreuve mancelle, on trouve une concurrence avec l’Alfa Romeo 33 TT3 voire les Lola engagées par les écuries privées.
Matra engage trois MS670 pour les 24 heures du Mans 1972, menées par les équipages Beltoise-Amon (n°12), Cevert-Ganley (n°14) Pescarolo-Hill (n°15); ainsi qu’une MS660C sur laquelle on retrouve le duo Jabouille-Hobbs. Cevert signe la pole position, un bon signe pour la course. Toutefois, lors du premier tour, la MS670 n°12 abandonne sur problème mécanique, jetant un froid dans l’équipe Matra, et laissant la Lola T280 de l’écurie Bonnier en tête. Dès la deuxième heure de course, la Matra n°14 reprend la tête suivie de près de la n°15, cette dernière prend la tête de la course après un accident avec la MS670 lors de la 20ème heure de course et termine en tête. La MS670 n°14 termine seconde à 11 tours et permet à Matra d’obtenir un doublé.
Pour la saison 1973, avec l’arrêt du programme F1, Matra s’engage dans une saison complète en endurance. On retrouve une MS670 aux 24 heures de Daytona aux mains du trio Cevert-Pescarolo-Beltoise mais la voiture abandonne. Après cette course apparaît la MS670B, le moteur voit sa puissance augmentée de 30Ch (uniquement pour les épreuves de 1000km) et 45kg sont gagnés. Lors de la seconde épreuve, les 6 heures de Vallelunga, la MS670B de Pescarolo-Cevert-Larousse l’emporte; suivie d’une victoire aux 1.000km de Dijon par le duo Pescarolo-Larrousse. La suite de la saison se complique avec une troisième place aux 1000km de Monza, une cinquième position aux 1000km de Spa. Matra ne s’engage pas à la Targa Florio, et les 1000km du Nurburgring se soldent par l’abandon des deux Matra engagées.
Arrive l’épreuve Mancelle, Matra s’engage avec quatre voitures et fait face à la concurrence des Ferrari 312 PB, modèle qui signe la pôle position. Le public assiste à un duel entre Ferrari et Matra qui s’échangent la première place au fil des heures, les MS670B de Cevert-Beltoise et de Depailler-Wolleck abandonnent, laissant le duo Pescarolo-Larrousse l’emporter avec six tours d’avance sur le second, une Ferrari. La MS670B de Jabouille-Jaussaud complète le podium avec vingt-quatre tours d’écart. Pour la fin de la saison du championnat, Matra performe et signe deux victoires aux 1000km de Zeltweg et aux 6 heures de Watkins Glen, permettant de remporter le titre constructeur de neuf points devant Ferrari.
Pour la saison 1974, Matra affûte encore une fois la MS670 qui est présentée dans sa variante C : le moteur développe désormais 530Ch et 5kg sont gagnés pour abaisser le poids à 680kg; la carrosserie est à nouveau remaniée, la boite de vitesses Porsche est troquée contre une boite Hewland. A Monza, les deux voitures engagées abandonnent, seul faux pas de la saison puisque sur chacune des huit autres épreuves, une Matra monte sur la plus haute marche du podium. Pour les 24 heures du Mans, Matra engage trois MS670 dans sa version B (moteur dégonflé et boite Porsche), ainsi que la nouvelle MS680 (menée par Beltoise-Jarier).
Pescarolo sur la MS670C numéro 7 signe la pole position, et avec son binôme Larrousse, la voiture ne quitte jamais la tête de la course. Pourtant, chez Matra, après l’abandon de la MS670 numéro 8 et de la MS680 (n°6), on se met à douter, puis la voiture de tête rencontre d’importants soucis de boites de vitesses. Porsche, à la fois fournisseur et principal concurrent, fournit la pièce de rechange permettant à Matra de signer une nouvelle victoire au Mans. La dernière des Matra rescapée, conduite par le duo Jabouille-Migault, termine à la troisième place. A l’issue de cette saison 1974 menée d’une main de maître par Matra qui remporte haut la main le titre constructeur, l’équipe française se met en retrait du sport automobile, ne laissant qu’une cellule de veille pour mettre à jour le moteur V12 et fournir Ligier.