Dans les années 1950, la France voit apparaître sur son marché automobile plusieurs voitures carrossées avec un matériaux moderne : le plastique. Si les grands constructeurs nationaux ne s’y intéressent pas encore, ce sont les artisans qui ouvrent la voie, et à cette époque où il existait un nombre conséquent de constructeurs, trouver une base n’était pas un combat perdu d’avance. Ainsi naît, entre autres, la Sera-Panhard…
Pendant la seconde guerre mondiale, la chimie a fait un bond en avant sur les matières synthétiques, il faut dire que cette matière commence à montrer tout son intérêt pour des utilisations à des fins militaires : solidité et légèreté. Une fois la paix revenue, les industriels expérimentent, grâce à leur capacité de transformation, plusieurs utilisations civiles du plastique. De nouveaux horizons apparaissent parmi lesquels l’automobile. Et déjà, la firme américaine Glass devient un spécialiste de cette technique en proposant la fameuse Kaiser Darrin à partir de 1952 puis conseillera General Motors pour la conception de la carrosserie en plastique de la Corvette.
En France, le plastique ne fut décliné sur l’automobile qu’à compter de la seconde partie des années 1950 par les carrossiers, Chausson fut le pionnier avec l’aide de Rosengart à partir de 1953, puis nombre de coupés sportifs apparaissent à partir de 1955. Plusieurs personnes se spécialisent dans cette technique encore balbutiant et se font rapidement connaitre avec leurs créations, tel est le cas de Jacques Durand avec sa voiture nommée « ATLA » en 1959 qui s’équipe de moteur Renault ou Panhard.
Jacques Durand se fait remarquer par l’industriel ARBEL qui le démarche pour lancer une voiture « sans queue ni tête » en référence au prototype Symetric présenté en 1953, lequel avait fait l’objet de nombreux articles dans la presse. Toutefois, la voiture devra avoir une vocation sportive tout en étant un cabriolet afin de suivre les tendances actuelles du marché. Les deux acteurs s’associent en 1959 et donnent naissance à la SERA : Société d’Etudes et de Réalisation Automobiles, laquelle est basée dans le 17ème arrondissement de Paris.
L’outillage, les moules, et le prototype de la voiture sont rapidement mis au point dans ce qui est alors un atelier. Pour la carrosserie de la voiture, Jacques Durand s’inspire des créations anglaises pour concevoir un roadster aux formes rappelant les Jaguar; et voiture artisanale oblige, nombre de pièces proviennent de la grande série pour faire baisser les coûts : pare-brise de Simca Océane, feux de Panhard PL17. Le Hard-Top proposé également avec la voiture reprend une lunette arrière de Citroën DS !
Quant à la base, la SERA reprend la mécanique de la Panhard PL17, un bicylindre de 850cm3 et 42Cv, motorisations réputées pour monter dans les tours et s’adapter à des véhicules sportifs, dont DB faisait alors la promotion. La voiture est réalisée autour d’un châssis-poutre sur lequel viennent se greffer la carrosserie, la mécanique mais aussi les trains roulant de la Panhard PL17 mais modifiés pour s’adapter à la destination de la voiture. Affichant un poids total de 550kg, la Sera-Panhard peut, une fois équipée du moteur Tigre, filer jusqu’à 160km/h !
Au milieu de l’année 1959, la société SERA s’empresse de réaliser cinq voitures avec en ligne de mire le Salon de Paris d’octobre 1959. Hélas, SERA ne parvient pas à obtenir un stand, certains évoquent une manœuvre du carrossier-constructeur DB qui n’aurait pas souhaité qu’un concurrent reprennant les mécaniques Panhard soit présent… Mais rien ne permet de l’affirmer, la société SERA n’avait-elle pas les moyens de se payer un stand ? Toutefois, l’événement est incontournable et la Sera-Panhard est présentée devant les portes du salon et affiche un prix de 14.000 Francs. Le prix est certes élevé mais la voiture attire les regards des visiteurs.
Il faut dire que la Sera-Panhard affiche une finition qui n’a rien à envier aux carrossiers reconnus du secteur, et la voiture affiche, outre une ligne sportive, un équipement assez complet avec sur le tableau de bord avec l’ensemble des instruments de contrôle nécessaires au conducteur apprenti pilote. Et la voiture présente un coffre avec un volume intéressant car la roue de secours file dans le compartiment moteur, quant au réservoir d’essence, il est monté dans l’optique de ne pas gêner l’espace de chargement.
Bref, après cet accueil enthousiaste, Sera décide de mettre en production la voiture, 8 exemplaires sont réalisés à Paris avant que l‘activité déménage. C’est du côté de Bordeaux que la firme continue la production au sein des ateliers de Motobloc, région où résidait Jacques Durand. Hélas, le prix élevé de la voiture n’attire pas foule d’autant que SERA ne bénéficie d’aucune aura dans le milieu de la voiture sportive comparé à ses concurrents engagés en compétition. En une année, c’est une petite quinzaine d’exemplaires qui voient le jour, loin de l’objectif initial d’une voiture par jour…
Les difficultés financières arrivent rapidement, la Sera se tourne vers l’Espagne car un industriel local se dit intéressé par la voiture. Mais faute de pouvoir importer le moteur Panhard, la voiture s’équipa d’un moteur DKW d’un litre de cylindrée affichant une puissance bien loin des moteurs Panhard. Un second prototype à moteur Fiat voit le jour avec l’idée de créer une propulsion. Trop complexe à réaliser, les relations franco-espagnoles tendues ne permettent pas au projet d’avoir une visibilité à long terme et ne donna finalement rien de concret.
Quant à la production française, elle cesse en 1961 après une petite vingtaine d’exemplaires. Jacques Durand part officier du côté de la Sovam avant de créer sa propre marque de voitures sportives : Jidé.